samedi 24 septembre 2011

Des philosophes révolutionnaires ?

Combien de fois ai-je pu lire une telle ânerie ? Les philosophes auraient non seulement abattu l'autel, mais également le trône... La démocratie, la République seraient nées de leurs coups de boutoir répétés contre une monarchie à bout de souffle.  Sans eux, jamais le monde moderne ne serait né...
Soyons clairs. Dans les années 1750-1775, le clan des philosophes a non seulement visé l'enrichissement personnel, mais également l'accès aux postes de pouvoir.
Faut-il vraiment rappeler qu'au moment de sa mort (en 1778), Voltaire possède l'une des plus grandes fortunes de France ?
Faut-il rappeler le triste rôle joué par Diderot auprès de Catherine de Russie, l'ancien combattant de la liberté d'expression devenant même le censeur de la Librairie, tant il était satisfait de son état ?
Faut-il rappeler que Louise d'Epinay surnommait son compagnon Grimm "chaise de paille", tant il passait de temps dans les antichambres des grands d'Europe ?
Faut-il rappeler enfin que malgré ses cris d'orfraie, d'Alembert est entré dans toutes les Académies d'Europe, devenant même le secrétaire de l'Académie Française ?
Entre nous, quel intérêt auraient-ils eu, tous, à voir chuter un régime qui les comblait à ce point ?
D'ailleurs, il n'y a qu'à voir leurs réactions respectives à la mort de Louis XV, lorsque leurs amis Malesherbes et Turgot accèdent à des postes de pouvoir. Les voilà tous, Diderot le premier, à quémander une place ou une charge pour leurs proches !

Aujourd'hui, avec le recul, comme je comprends leur acharnement à perdre Rousseau !

vendredi 23 septembre 2011

 

On quitte à regret l'excellent Stanley Weber. L'épisode de la mort de Louis XV est relaté avec précision. 

mardi 6 septembre 2011

Sophie d'Houdetot, le seul "amour" de Rousseau (2)

Revenons pour quelques instants sur cet été 1757, lorsque Rousseau tombe amoureux de Sophie d'Houdetot et qu'il s'inspire d'elle et de leur relation pour imaginer la Julie de sa Nouvelle Héloïse.
Les premières semaines sont idylliques. Sophie et Jean-Jacques se retrouvent presque quotidiennement dans les collines de Montmorency, il lui lit des extraits de son roman, elle y reconnaît les mots qu'il lui adresse par ailleurs...
Les discours qu'on trouve dans la Nouvelle Héloïse sont les mêmes que lui tient Jean-Jacques depuis quelque temps : "Tes désirs vaincus seront la source de ton bonheur", "mon coeur sent trop bien combien il est coupable et ne saurait cesser de l'être", "ne sais-tu pas qu'il est un terme où nulle raison ne résiste plus?"
Jean-Jacques et Sophie

Malgré l'interdit que lui impose sa conscience, Julie devient la maîtresse de Saint-Preux.
Et bien qu'il fasse dire à ce dernier : "Malheur à qui prêche une morale qu'il ne veut pas pratiquer", Jean-Jacques se rend compte que Sophie d'Houdetot est également prête à devenir la sienne...
Mais comme on l'a déjà vu, les relations charnelles ne sont pas celles qu'il recherche. La morale chrétienne le lui interdit, et peut-être craint-il également l'embarras que pourrait causer une liaison avec une femme du grand monde. 
Dans le livre IX des Confessions, Rousseau écrit : "je jure que si, quelquefois, égaré par mes sens, j'ai tenté de la rendre infidèle, jamais je ne l'ai véritablement désiré." Souvent lucide, Henri Guillemin précise que Rousseau aurait dû ajouter un e au mot "désiré". Car chez lui, la relation est toujours fantasmée, au point que certains en ont conclu à son impuissance.
Le voilà donc embarrassé, gêné de sentir Sophie d'Houdetot prête à se donner à lui. Comment sortir de ce mauvais pas ?
Convenons-en, son comportement n'a alors rien de bien glorieux. "Je ne puis corrompre celle que j'idolâtre", déclare-t-il aussitôt, avant d'ajouter : "le crime est déjà cent fois par ma volonté ; s'il l'est dans la vôtre, je le consomme !"
Après lui avoir présenté leur possible liaison comme un "crime", il lui laisse en assumer seule la responsabilité, se disant prêt à passer à l'acte si elle lui en donne l'ordre. En fait, parvenu à ce stade de leur liaison, c'est un "non" que Rousseau attend de la part de Sophie. Et cette dernière le comprend bien, faisant brusquement machine arrière et lui réclamant toutes les lettres échangées durant l'été. 
Dès lors, Jean-Jacques parvient à échapper au principe de réalité, et il se retrouve à nouveau dans une situation romanesque : celle de l'amant malheureux, éconduit par la femme qu'il aime.
Comme le dit fort bien Guillemin, "sa plus impardonnable offense n'est pas d'avoir amené Sophie à la frontière même de la chute, c'est de s'en être tenu là."