jeudi 21 juillet 2011

A très bientôt !


Mais elles seront courtes et studieuses ! Une pile de livres, un PC, le Petit Robert, et surtout ... la solitude !

mardi 19 juillet 2011

Rousseau vu par George Sand

Datée de 1841, cette édition des Confessions est précédée d'une préface de George Sand. Comme à son habitude, la romancière a la dent dure pour les ennemis du Genevois.
Par ailleurs, faut-il le rappeler, le grand-père de George Sand se nommait Dupin de Francueil, beau-fils de Louise Dupin et amant de Louise d'Epinay. Cela explique peut-être le regard particulièrement acéré que pose George Sand sur ces hommes...

"Les penseurs, les grands hommes, de leur côté, toujours rebutés par le spectacle de cette corruption, et toujours exaltés par le rêve d'un état meilleur, arrivent aisément à l'orgueil, à l'isolement, au dédain, à l'humeur sombre et méfiante; heureux quand ils s'arrêtent à l'hypocondrie, et ne vont pas jusqu'à l'égarement du désespoir.
De là Jean-Jacques, d'une part, Jean-Jacques le penseur, l'homme de génie et de méditation, le grand homme misérable, injuste et désespéré ; de l'autre Voltaire, Diderot et les Holbachiens, les hommes du jour, les critiques pleins d'action et de succès ( applicateurs de la philosophie du dixhuitième siècle), désorganisant la société sans songer sérieusement au lendemain, pensant, dénigrant et philosophant avec la multitude; hommes puissants, hommes forts, hommes nécessaires, chers au public, portés en triomphe, écrasant et méprisant le misanthrope Rousseau, au lieu de le défendre ou de le venger des arrêts de l'intolérance religieuse, contre lesquels il semble qu'ils eussent dû, conformément à leurs principes, faire cause commune avec lui.
C'est que ces hommes si forts pour détruire ( et la destruction était l'œuvre de cette époque-là , œuvre moins sublime, mais aussi utile, aussi nécessaire que l'était l'œuvre de Jean-Jacques), c'est, dis-je, que ces hommes d'activité et de popularité ne méritaient pas, rigoureusement parlant, le titre de philosophes. On les appelait ainsi parce que c'était la mode : tout ce qui n'était pas catholique ou protestant s'appelait philosophe. Mais ils n'étaient, à vrai dire, que des critiques d'un ordre élevé. Ce qui prouve la différence entre eux et Jean-Jacques, c'est que, dès ce temps, dans le monde on appelait Jean-Jacques le philosophe, comme si on eût senti qu'il était le seul. On disait de Voltaire le philosophe de Ferney. Il était un de ces philosophes du siècle, le plus grand, le plus puissant dans cet ordre de forces. Mais Jean-Jacques était le philosophe de tous les temps, comme celui de tous les pays. Les définitions instinctives d'une époque ont parfois un sens plus profond qu'on ne pense."

mercredi 13 juillet 2011

Au travail...


Voici venues ces journées tant attendues, "qui s'étirent comme des couleuvres au soleil", où le temps se suspend, où tout s'immobilise, où le vide s'empare enfin de vous...
Vacances au XVIIIème siècle donc, autour du Faubourg Saint-Honoré, où Bernardin de Saint-Pierre rencontre un Rousseau vieilli et presque oublié du monde.
Mais ce dernier a encore tant à raconter...
Et moi à écrire...

samedi 9 juillet 2011

La folie de Rousseau (3)

"Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent..."
Dans l'incipit des Confessions, Rousseau ne se contente pas d'affirmer sa singularité. Il la revendique comme un droit lui permettant de s'établir dans l'anormalité et d'échapper ainsi au jugement des hommes. Rappelons-le, dans ce même incipit, il choisit de se tourner vers Dieu, le seul à avoir accès à sa conscience, alors que les hommes s'en tiennent aux apparences, toujours trompeuses.
Les écrits révélant la paranoïa et le délire de persécution 
(surtout les Dialogues et les Rêveries, écrits à la fin de sa vie) existent déjà en germe dans des textes de ses jeunes années. Rousseau s'est toujours senti incompris, mésestimé, calomnié comme l'attestent le récit du châtiment injuste de Bossey ou plus tard, sa querelle avec l'ambassadeur de France à Venise.
Rousseau se sent différent, autant par sa constitution que par sa personnalité. Sa maladie ("j'étais né presque mourant"), il en souffre dès sa naissance. Ces "goût(s) bizarre(s)...porté(s) jusqu'à la dépravation, jusqu'à la folie", il les explique par les expériences vécues dans son enfance : la mort de sa mère, la lecture (trop ?) précoce des romans, la fessée administrée par Mlle Lambercier, ses lectures dans la boutique de La Tribu...
Dans les premiers livres des Confessions, Rousseau entre dans les détails les plus intimes, peut-être pour convaincre les lecteurs de sa sincérité. En fait, deux accusations l'ont particulièrement marqué : dans le Sentiment des Citoyens, Voltaire le présente comme un débauché qui propage des maladies vénériennes, mais également comme un monstre ayant abandonné ses enfants et laissé mourir la mère de Thérèse. 
C'est à cette époque que naît chez Rousseau le sentiment d'être victime d'un complot universel. Conscient des forces qui s'agitent dans l'ombre pour lui nuire, mais incapable de les identifier, il en arrive bientôt à soupçonner tout le monde, même son entourage proche, même ses amis les plus fidèles. Dans les courriers des années 1765-1770, on le voit nommer tour à tour des persécuteurs différents, et de manière surprenante, il ne devinera jamais l'origine des coups. 
Comme on le constate, le clan des Encyclopédistes est finalement parvenu à ses fins, et à son retour à Paris (après 1770), le nom de Rousseau est totalement discrédité...

mardi 5 juillet 2011

Compte-rendu de lecture de la Bibliothèque JJ Rousseau

"Un livre sur Rousseau pour la bibliothèque Jean-Jacques du même nom …
Egoïste, paranoïaque, sans scrupules, allant jusqu’à abandonner plusieurs de ses enfants, Jean-Jacques Rousseau peut remercier Olivier Marchal de nous le présenter et nous le faire connaître sous un angle moins négatif, parmi ses contemporains : Voltaire, Diderot, Grimm et les Encyclopédistes. Livre au cœur du siècle des Lumières, foisonnant, où chaque chapitre commence par un extrait des
Confessions, qui se lit très facilement."

vendredi 1 juillet 2011

La folie de Rousseau (2)

Si l'on prend les Confessions au pied de la lettre, Rousseau devient effectivement un cas clinique particulièrement intéressant. 
Avec Mme Basile à Turin
A Turin, dès son adolescence, on le découvre à la fois exhibitionniste et fétichiste. Il reconnait également son goût pour l'onanisme. Sa maladie de vessie (il est rétentionniste) a vraisemblablement suscité chez lui un priapisme incontrôlé, donc une irritabilité sexuelle extrême. C'est du moins ce qu'avancent certains cliniciens.
Du côté des psychiatres et des psychanalystes, le bilan est tout aussi inquiétant : Laforgue évoque l'homosexualité latente du Genevois, d'autres font le lien entre l'hypocondrie de Rousseau et le délire de persécution dont il est atteint dans les dernières années de son existence.
Bref, le dossier médical est épais, et l'histoire a retenu la thèse de la folie de l'homme, sans se préoccuper de l'origine des pièces à conviction. Car en dehors des déclarations du patient lui-même, on ne dispose évidemment de rien de tangible.  
Bien sûr, d'autres témoignages de ses contemporains abondent dans ce même sens. " Il n'y a absolument qu'une voix aujourd'hui pour dire que c'est un fou", se réjouit d'Alembert. "On le regarde comme un fou ou comme un monstre" ne cesse de répéter Voltaire. Mais ces témoignages proviennent toujours du même camp, celui des encyclopédistes, qui après 1765, s'appliquent à discréditer Rousseau pour rendre ses écrits inoffensifs. Quand on connait les intentions de ces hommes, peut-on encore prêter foi à leurs propos ?
Bernardin de Saint-Pierre
Au cours des dernières années de son existence, Rousseau continue de recevoir des visites dans son petit appartement de la rue plâtrière. Et curieusement, les récits que font les visiteurs de ces rencontres ne correspondent en rien aux avis précédemment évoqués. On laissera de côté celui de Bernardin de St-Pierre, tant l'admiration qu'il porte au Genevois rend son portrait peu crédible. Mais les autres ? Les anonymes ? Quelles raisons auraient-ils eu de taire la vérité ? Ainsi de Ménétra, un vitrier parisien, qui rencontre Rousseau entre 1770 et 1772 : "Je vois en lui un bon protestant" affirme-t-il dans son journal. Ainsi du comte de Crillon, qui rend visite à Rousseau en 1772 : "J'ai beaucoup causé avec lui, il m'a reçu à merveille, j'y suis retourné plusieurs fois, et j'en ai toujours été fort content." Ainsi de François de Chambrier, qui en 1773, témoigne dans le même sens : "Je l'ai toujours trouvé de fort bonne humeur et se prêtant à la conversation qu'il fait tout en travaillant .Tous ces récits se recoupent, laissant l'image d'un homme quelque peu ombrageux, souvent agréable, mais certainement pas fou.  Avant d'aller plus loin, citons ces quelques vers écrits par Rousseau en 1778, alors qu'il vient d'apprendre la mort de Voltaire. 

Plus bel esprit que grand génie,
Sans loi, sans moeurs et sans vertu,
Il est mort comme il a vécu,
Couvert de gloire et d’infamie. 

Si la rime n'est pas riche, on reconnaitra au moins que le quatrain est très raisonnable...
Nous reviendrons donc une dernière fois sur la question.