vendredi 1 juillet 2011

La folie de Rousseau (2)

Si l'on prend les Confessions au pied de la lettre, Rousseau devient effectivement un cas clinique particulièrement intéressant. 
Avec Mme Basile à Turin
A Turin, dès son adolescence, on le découvre à la fois exhibitionniste et fétichiste. Il reconnait également son goût pour l'onanisme. Sa maladie de vessie (il est rétentionniste) a vraisemblablement suscité chez lui un priapisme incontrôlé, donc une irritabilité sexuelle extrême. C'est du moins ce qu'avancent certains cliniciens.
Du côté des psychiatres et des psychanalystes, le bilan est tout aussi inquiétant : Laforgue évoque l'homosexualité latente du Genevois, d'autres font le lien entre l'hypocondrie de Rousseau et le délire de persécution dont il est atteint dans les dernières années de son existence.
Bref, le dossier médical est épais, et l'histoire a retenu la thèse de la folie de l'homme, sans se préoccuper de l'origine des pièces à conviction. Car en dehors des déclarations du patient lui-même, on ne dispose évidemment de rien de tangible.  
Bien sûr, d'autres témoignages de ses contemporains abondent dans ce même sens. " Il n'y a absolument qu'une voix aujourd'hui pour dire que c'est un fou", se réjouit d'Alembert. "On le regarde comme un fou ou comme un monstre" ne cesse de répéter Voltaire. Mais ces témoignages proviennent toujours du même camp, celui des encyclopédistes, qui après 1765, s'appliquent à discréditer Rousseau pour rendre ses écrits inoffensifs. Quand on connait les intentions de ces hommes, peut-on encore prêter foi à leurs propos ?
Bernardin de Saint-Pierre
Au cours des dernières années de son existence, Rousseau continue de recevoir des visites dans son petit appartement de la rue plâtrière. Et curieusement, les récits que font les visiteurs de ces rencontres ne correspondent en rien aux avis précédemment évoqués. On laissera de côté celui de Bernardin de St-Pierre, tant l'admiration qu'il porte au Genevois rend son portrait peu crédible. Mais les autres ? Les anonymes ? Quelles raisons auraient-ils eu de taire la vérité ? Ainsi de Ménétra, un vitrier parisien, qui rencontre Rousseau entre 1770 et 1772 : "Je vois en lui un bon protestant" affirme-t-il dans son journal. Ainsi du comte de Crillon, qui rend visite à Rousseau en 1772 : "J'ai beaucoup causé avec lui, il m'a reçu à merveille, j'y suis retourné plusieurs fois, et j'en ai toujours été fort content." Ainsi de François de Chambrier, qui en 1773, témoigne dans le même sens : "Je l'ai toujours trouvé de fort bonne humeur et se prêtant à la conversation qu'il fait tout en travaillant .Tous ces récits se recoupent, laissant l'image d'un homme quelque peu ombrageux, souvent agréable, mais certainement pas fou.  Avant d'aller plus loin, citons ces quelques vers écrits par Rousseau en 1778, alors qu'il vient d'apprendre la mort de Voltaire. 

Plus bel esprit que grand génie,
Sans loi, sans moeurs et sans vertu,
Il est mort comme il a vécu,
Couvert de gloire et d’infamie. 

Si la rime n'est pas riche, on reconnaitra au moins que le quatrain est très raisonnable...
Nous reviendrons donc une dernière fois sur la question. 



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