samedi 31 décembre 2011

Vive 2012 !

A l'aube de cette année 2012, je vous souhaite le meilleur, à toutes et à tous.
Je salue tout particulièrement les habitués du blog (bientôt 20000 pages lues !), ces nombreux curieux venus d'Amérique, de Suisse et d'Allemagne (pour le trio de tête des pays étrangers), mais également les lecteurs français, et notamment quelques passionnés originaires de Lorraine, du nord et du sud-ouest (là encore, le trio de tête).
Cette année 2012 sera évidemment décisive ! Le 2nd tome est achevé, en passe d'être relu. Il pourrait être publié au cours du premier semestre. J'aurai alors définitivement tourné la page Rousseau pour laisser place aux nombreuses commémorations qui se dérouleront à Genève, à Chambéry mais également à Ermenonville. Une mention toute particulière pour William Della Rocca, qui achèvera en juin 2012 son aventure personnelle avec Rousseau (http://jeanjacquesetmoi.blogspot.com/).

Pour ne rien vous cacher, j'ai déjà abordé un nouveau projet, et ma table de chevet est encombrée de quelques milliers de pages de documentation, pas toujours passionnantes !!!, que je compte "ingérer" dans les mois à venir avant d'attaquer mon prochain roman (certainement l'été prochain).
Un autre personnage, donc, moins connu que Rousseau, mais dont le destin se révèle tout aussi romanesque ! Et surtout, il s'agit cette fois d'une femme !
Pour clore cette année 2011, j'aimerais remercier tous ces lecteurs qui m'ont apporté leur témoignage sur "la comédie des masques", témoignages toujours passionnés, souvent chaleureux et aimables, quelquefois véhéments quand mon regard sur le Genevois différait du leur... A bientôt, OM

NB : et une excellente nouvelle à vous annoncer très bientôt !

jeudi 29 décembre 2011

Les Confessions (9) : Louise d'Epinay et Rousseau

"Elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. Ce défaut seul eût suffi pour me glacer : jamais mon coeur ni mes sens n'ont su voir une femme dans quelqu'un qui n'eût pas des tétons..."
Louise d'Epinay
C'est ainsi que Rousseau décrit Louise d'Epinay, dix ans après son séjour à l'Ermitage de la Chevrette. Si le portrait n'est guère flatteur, il vient surtout battre en brèche les rumeurs qui ont couru Paris dans les années 1756/57. A cette époque, Louise a déjà mauvaise réputation : on lui prête de nombreuses aventures, et sa récente rupture avec son amant Francueil n'a rien arrangé, d'autant qu'il a bien vite été remplacé par Grimm, l'un de meilleurs amis de Jean-Jacques.
Lorsque Rousseau accepte son invitation, Louise est évidemment ravie. Là voilà, elle, l'égale des grandes salonnières parisiennes puisqu'elle accueille sous son toit, en protectrice, l'une des figures les plus en vue du moment !
"Me voilà donc enfin chez moi, dans un asile agréable et solitaire..." s'exclame d'ailleurs Rousseau au livre IX des Confessions. Hélas, dès le retour de la belle saison, Madame d'Epinay emménage à la Chevrette, et le voilà qui déchante déjà: "...je compris que je m'étais chargé d'une chaîne dont l'amitié seule m'empêchait de sentir le poids : j'avais aggravé ce poids par ma répugnance pour les sociétés nombreuses."
Ce thème de l'aliénation au "puissant" est omniprésent dans l'oeuvre de Rousseau, et il s'explique par sa conception toute personnelle de l'amitié : contrairement aux autres philosophes (Voltaire surtout, mais également Diderot et d'Alembert), le Genevois refuse toute relation de subordination, il revendique même d'être traité d'égal à égal par les personnes de premier rang. Il aura d'ailleurs la même attitude plus tard en s'installant chez le Maréchal de Luxembourg, l'un des hommes les plus éminents du royaume.
l'ermitage de la Chevrette
A l'opposé, on imagine ce qu'attend Louise de son illustre protégé : une présence, une compagnie, une conversation régulière, des apparitions dans ses réceptions à la Chevrette, et surtout le prestige qui en découle...
"Ayant ainsi pris mon parti sur un assujettissement nécessaire, je m'y livrai sans résistance, et le trouvai, du moins la première année, moins onéreux que je ne m'y serais attendu..." conclut Rousseau en évoquant la fin de l'année 1756. Tout va se gâter au printemps suivant avec l'entrée en scène de Sophie d'Houdetot, la cousine et belle-soeur de Louise.
Nous y reviendrons...

jeudi 22 décembre 2011

Rousseau, juge de Jean-Jacques

Rédigé à partir de 1772, cet étrange ouvrage se présente sous la forme de trois dialogues successifs entre Rousseau et un "Français" anonyme. Bien qu'il n'ait lu que des extraits de ses ouvrages, ce dernier est convaincu de toutes les horreurs qu'on colporte sur le Genevois Jean-Jacques. Avant de rendre leur jugement, les deux hommes conviennent alors d'un marché : le Français lira ces ouvrages pour se faire une opinion définitive sur Jean-Jacques. Rousseau, quant à lui, ira à la rencontre de ce même Jean-Jacques.
Finalement, après avoir découvert l'ensemble de l'oeuvre, le Français  reconnaît qu'il s'était trompé : il y a bien identité entre l'auteur et son message. Et il est désormais convaincu de l'existence d'un complot destiné à discréditer le Genevois. "Les dures vérités qu'il a dites, quoique générales, sont de ces traits dont la blessure ne se referme jamais dans les coeurs qui s'en sentent atteints.", observe-t-il dans le troisième dialogue. Les gens de lettres, les riches, les femmes, sont donc autant d'adversaires de Jean-Jacques, tous étant blâmés voire raillés dans ses écrits.


Avec ce dialogue entre deux interlocuteurs fictifs, Rousseau revient en fait sur une question essentielle à ses yeux : qui est véritablement Jean-Jacques ? Est-il l'homme qui transparaît derrière ses ouvrages ? Est-il au contraire l'être hypocrite et immoral qu'ont dépeint ses ennemis auprès du grand public ? Enième tentative de justification et de plaidoyer pro domo, ce Rousseau Juge de Jean-Jacques est également l'un des ouvrages les plus méconnus de son auteur.

jeudi 15 décembre 2011

Louise d'Epinay (3)

Louise d'Epinay
Malgré ce que prétendent ses mémoires, on peut penser que Louise d'Epinay fréquentait déjà Grimm avant de rompre avec Francueil en 1752. Dans les premiers temps, elle semble subjuguée par le caractère protecteur de l'Allemand. "Ce n'est pas d'aujourd'hui que je sens qu'avec vous on peut se laisser conduire sans y regarder...", lui écrit-elle. Jusqu'alors soumise à sa mère, Louise apprend peu à peu à s'en détacher pour redevenir la femme qu'elle a oublié d'être. "Avoir une volonté à moi me paraissait un crime" dit-elle de ses année passées. Mais on ne l'y prendra plus. Pourtant paternaliste avec sa maîtresse, Grimm va néanmoins permettre à Louise de se libérer et de donner libre cours à ses ambitions refoulées. Désormais, elle s'intéresse aux questions de son temps et fréquente les milieux intellectuels de Paris. Pendant les nombreuses absences de son amant, elle prend en charge la Correspondance Littéraire, ce périodique destiné à quelques illustres correspondants étrangers. Mais depuis longtemps déjà, c'est le sujet de l'éducation qui passionne Louise. Selon elle, l'éducation traditionnelle ne prend pas assez en compte le caractère de l'enfant, ni le destin qu'on lui prépare. A quoi bon éduquer un enfant comme un militaire si on veut en faire un ecclésiastique ? Enfin, et c'est là son originalité, Louise est opposé aux précepteurs et aux collèges. Malgré son appartenance sociale, elle préfèrerait garder ses enfants près d'elle afin de les prendre en charge. Sur ce point, elle s'oppose assez nettement à Rousseau, favorable quant à lui aux précepteurs.
En 1774, la Correspondance Littéraire annonce la sortie des Conversations d'Emilie, ouvrage dans lequel Louise expose ses théories pédagogiques sous forme dialoguée. L'accueil critique sera excellent, si bien que Louise présente son ouvrage réédité au concours Montyon en 1782. Le prix d'ouvrage de l'année lui sera décerné au mois de janvier 1783.
Gloire tardive, mais gloire tout de même, dans une société qui n'accepte pas encore que la femme joue le rôle de bel esprit ! Louise s'éteindra quelques mois plus tard, au mois d'avril 1783.

vendredi 9 décembre 2011

Les "Contre-Confessions" de Louise d'Epinay (2)

Château de la Chevrette, propriété de Louise d'Epinay



Cet ouvrage autobiographique est vraisemblablement achevé en 1762, et comme nous l'indiquions précédemment, Louise d'Epinay commencera à le retoucher à partir de 1764. L'objectif semble évident : il faut "revoir" le récit de l'Ermitage (années 1756-57) et imposer auprès du public l'image d'un Rousseau menteur et hypocrite. Cette réputation de tartufferie colle à la peau du Genevois depuis son séjour en Angleterre, lorsque Hume et ses comparses encyclopédistes ont piégé le Genevois (voir les articles sur David Hume).
De toute évidence, c'est en apprenant que Rousseau rédige ses mémoires que le trio Grimm/Diderot/d'Epinay prend la décision de réécrire le passé. La peur les tenaille, une peur panique de ce que leur ancien compagnon pourrait révéler à leur propos. 
Que craignent-ils donc ? Qu'il dénonce leurs compromissions avec les gens de pouvoir ? Qu'il nuise à leur réputation en dévoilant des secrets intimes ? Qu'il raconte les événements survenus à l'Ermitage ?
l'Ermitage de Montmorency
Le retour de Rousseau à Paris, puis les 1ères lectures publiques des Confessions (hiver 70-71), vont pousser Louise d'Epinay à réagir auprès du lieutenant Sartine. Les lectures sont aussitôt interrompues puis interdites. Dès lors, Rousseau ne présente plus guère de danger à leurs yeux. Le manuscrit des Contre-Confessions peut donc continuer à dormir dans un tiroir. Il ne sera publié qu'en 1818, dans une version tronquée et fallacieuse.
Nous tenterons de confronter les récits, notamment ceux concernant le séjour de Rousseau à l'Ermitage. J'ai dans l'idée que cet exercice pourrait s'avérer passionnant...