jeudi 28 avril 2011

La Nouvelle Héloïse (2)

La mort de Julie
Plus gros succès de librairie du XVIIIème siècle, la Nouvelle Héloïse ouvre une voie nouvelle au roman. Après Rousseau, tout écrivain de qualité trouvera indispensable d'ajouter à son intrigue des développements moraux ainsi que des études de caractère. Mais aucun n'ira jamais aussi loin que le Genevois dans l'exploration de la passion amoureuse, celle de Julie et de Saint-Preux, les amants de Clarens. Dans ce roman-fleuve (que Diderot trouvait "feuillu"...), le discours moral du philosophe genevois tient par ailleurs une place souvent ignorée du grand public. Ainsi, le voyage de Saint-Preux à Paris permet à l'auteur de mettre en scène la fausseté et l'hypocrisie des mondains, alors qu'à l'opposé, Julie et son amant savent sagement limiter leurs désirs et réfréner leurs élans. Au nom de l'amitié et de la raison, les deux amants vont former un ménage à trois avec l'époux de Julie, parvenant à dépasser leur passion pour établir une relation morale, mélange d'amitié et de respect d'autrui. Les mondains parisiens du XVIIIème n'ont rien compris à l'ouvrage de Rousseau : pour certains, jamais Julie n'aurait jamais dû céder à Saint-Preux ; pour d'autres, seule la femme mariée pouvait en toute décence (et au vu de tous) fréquenter un amant. Mais Rousseau a déjà dépassé les impératifs de la morale traditionnelle en imaginant une relation nouvelle. A Clarens, Julie et Saint-Preux n'envisagent même plus la possibilité de rapports charnels, ils vivent dans la transparence des consciences, dans un rapport où "le coeur parle au coeur" sous le regard bienveillant de M. de Wolmar, l'époux de la jeune femme. L'Elysée de Clarens, je peux désormais l'avouer, on le retrouve dans "la Comédie des Masques", lorsque Jean-Jacques découvre le domaine de Sophie d'Houdetot. Certains passages de la Nouvelle Héloïse m'ont largement inspiré au moment d'imaginer la rencontre entre Jean-Jacques et sa Julie...
le baiser
Et pour revenir au roman de Rousseau, il faut rappeler que Julie devient dans les derniers livres du roman autre chose qu'une amante, presque une mère que Saint-Preux peut ainsi aimer dans un mode de vie inédit. Evidemment, la fin du roman n'a rien de rassurant : Julie meurt, et dans une dernière lettre à Saint-Preux, elle lui confie que tout n'était qu'"illusion". Au fond, si Saint-Preux a adhéré à leur projet commun, pour Julie, ce ne fut jamais qu'un leurre et elle aura aimé le jeune homme jusqu'au bout.
En devenant impossible, l'amour imaginé par Rousseau accède au final à la puissance du mythe...

mardi 26 avril 2011

Les Confessions (7) : le vol des pommes

Au risque de me répéter, je crois que l'un des grands drames personnels de Rousseau réside dans l'interminable combat qu'il a mené pour sembler authentique aux yeux de ses contemporains. Rien de plus insupportable à ses yeux que ce soupçon de duplicité qui pèse sur lui depuis 1750. Le Rousseau qu'il devient alors est-il vrai ou bien Jean-Jacques joue-t-il un rôle destiné à le distinguer ?
Jean-Jacques et son maître
Les Confessions illustrent cette volonté de rendre authentique le personnage Rousseau. En montrant l'enfant qu'il était, le Genevois met en scène son parcours personnel afin d'en prouver la cohérence et la vérité. Ainsi, dans le livre 1er, l'épisode de la "chasse aux pommes" mérite qu'on s'y arrête quelques instants. 
Rappelons les faits : Jean-Jacques se trouve alors en apprentissage chez son maître Ducommun. Ce dernier le maltraite tant que l'adolescent devient menteur et bientôt voleur. Un jour, tenté par quelques pommes rangées au fond d'une dépense, il se met en tête de les voler à l'aide d'une broche confectionnée à la hâte. Alors qu'il parvient à ses fins, son maître entre dans la pièce et découvre le larcin. Cet épisode héroï-comique a été maintes fois commenté et on ne s'attardera pas ici sur les qualités narratives de l'extrait. Mais dans les premiers livres de Confessions, chaque récit est suivi ( parfois précédé) d'un long commentaire où apparaissent les intentions véritables du philosophe. Lisons une fois encore ce que nous dit Rousseau :
"La convoitise et l'impuissance mènent toujours là. Voilà pourquoi tous les laquais sont fripons, et pourquoi tous les laquais doivent l'être ; mais dans un état égal et tranquille, où tout ce qu'ils voient est à leur portée, ces derniers perdent en grandissant cet honteux penchant." Et plus loin : "Je jugeais que me battre comme fripon, c'était m'autoriser à l'être."
En somme, cet épisode confirme ce qu'avance le philosophe dans son Discours sur l'Inégalité, puis dans l'Emile et le Contrat Social. L'inégalité des conditions est effectivement source de tous les maux. D'ailleurs, même son expérience personnelle le prouve ! 

On ne saurait donc le soupçonner d'avoir conçu un système de pensée auquel il ne croit pas, ni d'avoir cherché à se singulariser en prenant le contrepied des auteurs de son temps...
A bien y regarder, pourtant, l'authenticité de ce souvenir semble douteuse, surtout lorsqu'on compare le récit de Rousseau à celui que fait Saint-Augustin dans ses Confessions. Il ne s'agit plus là d'un vol de pommes, mais d'un vol de poires !
Saint-Augustin
"Il y avait dans le voisinage de notre vigne un poirier chargé de fruits qui n'avaient rien de tentant, ni la beauté ni la saveur. En pleine nuit (selon notre exécrable habitude nous avions prolongé jusque-là nos jeux sur les places), nous nous en allâmes, une bande de mauvais garçons, secouer cet arbre et en emporter les fruits. Nous en fîmes un énorme butin, non pour nous en régaler, mais pour les jeter aux porcs. Sans doute nous en mangeâmes un peu, mais notre seul plaisir fut d'avoir commis un acte défendu.
Voilà mon coeur, ô Dieu, voilà mon coeur dont vous avez eu pitié au fond de l'abîme. Qu'il vous dise maintenant, ce coeur que voilà, ce qu'il cherchait dans cet abîme, pour faire le mal sans raison, sans autre raison de le faire que sa malice même. Malice honteuse, et je l'ai aimée ; j'ai aimé ma propre perte ; j'ai aimé ma chute ; non l'objet qui me faisait choir, mais ma chute même, je l'ai aimée. Ô laideur de l'âme qui abandonnait votre soutien pour sa ruine, et ne convoitait dans l'infamie que l'infamie elle-même
."
Témoignage surprenant, surtout quand on se souvient que Saint-Augustin est l'un des auteurs préférés de Rousseau...

jeudi 21 avril 2011

Barry Lyndon



Le film est lent, les plans sont fixes, la scène est muette. Et l'ensemble est tout simplement magnifique...
Quant à Marisa Berenson, je la trouve sublime...
Avec Kubrick, le cinéma devient un art.

mardi 19 avril 2011

Melchior Grimm, le fourbe (2)

Grimm et Diderot
On peut faire bien des reproches à l'amant de Louise d'Epinay : hypocrite, cynique, fourbe, carriériste, glacial, il a consacré bien des efforts à discréditer Rousseau et à ternir sa réputation. Pourtant, certaines lettres de sa Correspondance Littéraire méritent qu'on s'y attarde, tant l'épistolier sait également faire preuve d'une qualité rare : la lucidité...
Les extraits suivants sont tirés d'une lettre de 1762. L'Emile de Rousseau vient d'être condamné par le Parlement.
« L’orage qui s’est formé à l’apparition du livre de M. Rousseau n’a pas tardé à éclater. Sur le réquisitoire de M. l’avocat général, le Parlement a décrété l’auteur de prise de corps, en condamnant l’ouvrage au feu. Cet arrêt est du 9 de ce mois et M. Rousseau s’est sauvé dans la nuit du 8 au 9. On prétend qu’il a pris la route de la Suisse.... Depuis plus de quatre ans que Rousseau s’était fixé à Montmorency, il occupait tantôt sa petite maison de la ville, tantôt un appartement du château. Il avait quitté tous ses anciens amis, entre lesquels je partageais son intimité avec le philosophe Diderot ; il nous avait remplacés par des gens du premier rang. Je ne décide pas s’il a perdu ou gagné au change ; mais je crois qu’il a été aussi heureux à Montmorency qu’un homme, avec autant de bile et de vanité, pouvait se promettre de l’être. Dans la société de ses amis, il trouvait de l’amitié et de l’estime ; mais la réputation, et plus encore la supériorité de talent qu’il était lui-même obligé de reconnaître à quelques-uns d’entre eux, pouvaient lui rendre leur commerce pénible, au lieu qu’à Montmorency, sans aucune rivalité, il jouissait de l’encens de ce qu’il y a de plus grand et de plus distingué dans le royaume, sans compter une foule de femmes aimables qui s’empressaient autour de lui. Le rôle de la singularité réussit toujours à qui a le courage et la patience de le jouer. Jean-Jacques Rousseau a passé sa vie à décrier les grands ; ensuite il a dit qu’il n’avait trouvé des vertus et de l’amitié que parmi eux … Il est difficile qu’on soit sincèrement indifférent sur les grands, lorsqu’on s’en occupe sans cesse. Le vrai philosophe, en respectant leur rang, les oublie. »
Jusque là, Grimm fait preuve d'une mauvaise foi sans pareille. Notamment lorsqu'il prétend que Rousseau ne supporte pas la "supériorité de talents" de ses amis (de lui, vraiment ?). Ou encore lorsqu'il lui reproche ses relations avec les puissants, alors que lui, Grimm, a constamment oeuvré pour être admis chez ces mêmes grands ! 
Mais quelques lignes attirent pourtant notre attention.
Correspondance littéraire
"Le philosophe Diderot avec lequel il se lia dans ce temps-là fut le premier à lui dessiller les yeux sur son vrai talent, et l'Académie de Dijon lui ayant proposé la fameuse question de l'influence des lettres sur les moeurs, M.Rousseau la traita dans un Discours qui fut l'époque de sa réputation et du rôle de singularité qu'il a pris depuis."
En quelques mots, Grimm laisse entrevoir ici une réalité nouvelle : celle d'un Rousseau que Diderot aurait guidé dans la rédaction de son premier Discours ; celle d'un Rousseau condamné ensuite à jouer un "rôle de singularité", celui d'un nouveau Diogène.
Hypothèse séduisante, convenons-en, et pourtant ignorée par la plupart des biographes. Starobinski, lui, laissait au moins planer le doute...

dimanche 17 avril 2011

L'Anglaise et le Duc


Malheureusement, je ne crois pas à ces décors artificiels, à ces images de synthèse mal assumées. Et pour faire court, Rohmer m'ennuie prodigieusement... A quelques exceptions près, seuls les anglo-saxons ont su évoquer avec talent la France du XVIIIème.

jeudi 14 avril 2011

Le parfum



Autant j'ai aimé le roman, autant le film m'a laissé un goût d'inachevé. Comment l'image pourrait-elle rendre la vie intérieure de Grenouille ? Comment l'image pourrait-elle restituer des sensations olfactives ?
Quelques scènes réussies, pourtant. Notamment les plans d'ensemble sur le Paris du XVIIIème...

mercredi 13 avril 2011

Thérèse Levasseur (3)

Ce blog fêtera bientôt sa première année d'existence. A ce jour, 8000 pages ont déjà été lues. Nous avons longuement évoqué le cas Rousseau, nous nous sommes penchés sur ses ouvrages, nous avons découvert quelques-unes des figures majeures du XVIIIème siècle, de Diderot à d'Alembert en passant par Voltaire.




Thérèse Levasseur
Et pourtant, les deux pages les plus consultées à ce jour concernent Thérèse Levasseur, cette lingère qui accompagna Rousseau pendant les trente dernières années de son existence. Comme souvent, c'est la petite histoire qui intrigue le public, surtout quand elle permet d'éclairer la grande, celle qu'on nous enseigne au cours de notre scolarité.
Eh bien, reconnaissons-le : le rôle joué par Thérèse dans le parcours privé et public de Jean-Jacques Rousseau me semble non seulement essentiel, mais également mésestimé par la plupart des biographes du Genevois. Songeons à la question des enfants abandonnés, à la brouille avec les philosophes, aux rapports venimeux que la lingère entretint avec son entourage, que ce soit à Montmorency, puis en Suisse, et enfin en Angleterre.
Mais de cela, il en a déjà été question...

Pour l'heure, je ne résiste pas au plaisir de rappeler le croustillant épisode du voyage qu'elle fait en janvier 1766 pour rejoindre Rousseau en Angleterre. Ce dernier, très inquiet, l'a confiée aux bons soins de la maréchale de Luxembourg. Mais qui prendra soin d'elle lors de la traversée, puisqu'elle ne comprend pas un mot d'anglais ? Et voilà qu'intervient une ancienne connaissance, un gentilhomme écossais nommé Boswell, qui se trouve justement à Paris durant quelques jours en attendant de rejoindre l'Angleterre. Le chevalier servant propose aussitôt ses services à la lingère, et le trente janvier, tous deux quittent Paris en chaise de poste.
James Boswell
Dans le journal que tient Boswell, les quelques pages relatant cette expédition ont toutes été arrachées par l'une des descendantes du gentilhomme. Heureusement, un collectionneur américain qui avait possédé ce même journal, a gardé trace des événements vécus par le chevalier écossais au cours de ces quinze jours de voyage.
D'étape en étape, d'auberge en auberge, l'intimité grandit entre les deux voyageurs. Pour égayer ses soirées, le don juan met en avant sa jeunesse et sa fougue pour séduire la lingère. En 1766, celle-ci est âgée de 44 ans, et cela fait bien longtemps que Rousseau n'est plus pour elle un amant. Aussi ne fait-elle guère de difficultés pour tomber dans les bras du jeune homme. A l'usage, Boswell se révèle pourtant moins prometteur que prévu, et Thérèse lui propose alors un cours pratique en "l'art d'aimer". En arrivant à Douvres, le 12 février, le chevalier écrit : "Hier, été tôt au lit le matin et l'ai fait une fois ; treize en tout." Le résumé de l'épisode fait par le collectionneur américain précise : "Boswell avouait se sentir, dans les bras de Thérèse, non comme un amant, mais comme un enfant. Les leçons de la gouvernante l'accablaient... Elle, pour sa part, trouva l'aventure fastidieuse."

Quelque temps plus tard, Boswell reçoit un message très sec de Rousseau dans lequel celui-ci lui recommande de se "faire saigner de temps à autre ; je crois que cela vous ferait du bien."
Entretemps, Thérèse avait certainement fait à Jean-Jacques un récit circonstancié (et sans aucun doute fidèle !) de son voyage...

lundi 11 avril 2011

Les "Contre-Confessions" de Louise d'Epinay (1)

Histoire de Mme de Montbrillant
En 1756, Louise d'Epinay vient de se séparer de son mari mais aussi de Francueil, son premier amant. Grimm, l'homme dont elle est tombée amoureuse, l'encourage depuis quelque temps à prendre la plume pour le distraire pendant son séjour aux armées. Dans le même temps, Louise accueille Rousseau chez elle, dans son domaine de la Chevrette. Ensemble, ils évoquent longuement le projet romanesque de Jean-Jacques, cette Nouvelle Héloïse qu'il écrira bientôt dans la solitude de l'ermitage.
C'est à cette même date que Louise entreprend l'Histoire de Madame de Montbrillant, récit autobiographique dans lequel apparaîtront sous des noms d'emprunt les principales figures parisiennes du moment : Grimm évidemment (Volx), mais également Rousseau (René) et Diderot (Garnier)... Aux yeux de Louise, ce récit est censé la disculper du soupçon de légèreté qui court le monde à son propos. On croit savoir, en effet, qu'au cours des années qui ont précédé, les rumeurs les plus infamantes couraient sur son compte...
L'ermitage de Montmorency
Les 90 premiers cahiers du manuscrit relatent les trente premières années de la vie de Louise. Ils sont à peine retouchés. Lorsqu'on en arrive aux événements concernant les années 1756/1757, le manuscrit change soudain d'aspect : corrections, ratures, réécritures se superposent alors à la version initiale. Plus troublant encore, ces retouches laissent apparaître une deuxième écriture. Tous les épisodes raturés concernent évidemment Rousseau et son séjour à l'ermitage de la Chevrette. Et ces corrections visent à en faire un fourbe, un hypocrite et un menteur. On sait aujourd'hui que certaines de ces notes ont été rédigées par Diderot, et vraisemblablement inspirées par Grimm. On croit savoir qu'elles ont été insérées vers 1770 ou 1771, au moment où Rousseau commence les lectures publiques de ses Confessions. Tout semble indiquer que le trio d'Epinay/Grimm/Diderot panique alors à l'idée de ce que le Genevois pourrait révéler sur leur compte. Le nouveau portrait de Rousseau (celui qui a été retouché) correspond désormais à ce qu'en dit Grimm depuis des années (dans son périodique intitulé Correspondance Littéraire). Et ils tiennent entre les mains un ouvrage qu'ils pourraient à tout moment dégainer pour riposter à l'offensive de leur ennemi commun.
Les chercheurs qui ont comparé les deux récits autobiographiques, celui de Louise d'Epinay et celui de Rousseau, ont mis à jour la duplicité de l'auteure de ce qu'on a bientôt appelé "les Contre-Confessions". La plupart des faits et lettres mentionnés dans les deux ouvrages apparaissent déformés dans celui de Louise, et authentiques dans celui de Jean-Jacques. Dès lors, et de manière assez injuste, tout son récit a été entaché de soupçon. Certains ont même imaginé qu'il avait été intégralement écrit par Grimm...
La plus grande défaite de Louise d'Epinay intervient pourtant au XXème siècle, une fois "l'enquête" définitivement achevée : car bientôt, son autobiographie tombe dans l'oubli.
Un titre plus vendeur ???
Et dans le même temps, celle de Rousseau triomphe définitivement.

dimanche 10 avril 2011

Critique d'une lectrice inscrite au prix Orange 2011

Certains lecteurs ont apprécié la construction du roman, d'autres non. Certains lecteurs ont apprécié les zones d'ombre et les regards qui se croisent, d'autres non. Certains lecteurs aiment qu'on pose des questions, d'autres préfèrent qu'on leur apporte des réponses...
Je me demande toutefois ce que signifie l'expression "simple lecteur"... OM

"Olivier Marchal nous offre Rousseau au quotidien, avec ses défauts (il est couard, hypocrite, nombriliste), et ses qualités (... je n’en ai pas trouvé, à part ses écrits...). Tous ses gens veulent réussir, mais certains ont un certain courage, car écrire ce que l’on pense peu mener à la prison, et ils peuvent tout perdre. Très bien documenté, Olivier Marchal est passionné (son blog le prouve) par Rousseau. Le livre est très beau, la prise en main agréable, voire sensuelle, et je me suis dit que j’allais certainement me régaler à la lecture de ses 400 pages... Mais quel dommage ! Je ne me suis pas habituée à ses chapitres ultra courts (parfois deux à trois pages seulement), et certes, Olivier Marchal est un fin connaisseur de XVIIIème siècle et de Rousseau, mais pourquoi ne pas inclure une chronologie à l’entrée de chacun de ses chapitres ? Cela permettrait au novice de se situer dans l’histoire (bien qu’il y ait une chronologie en fin de roman). Le personnage de Rousseau reste énigmatique, peu de choses s’éclairent à la lecture de ses pages. Au contraire, moi qui ne connait pas trop cette période, page après page, je multipliais mes questionnements. Je n’ai pas dévoré ce roman. J’ai même ressenti un léger ennui. Je n’ai eu aucune affinité avec Rousseau et cette galerie de personnages. Ce roman est certainement intéressant pour les lycéens qui appréhendent la lecture des écrits de Rousseau. Mais pour le simple lecteur, c’est un tantinet ennuyeux."

vendredi 8 avril 2011

Rousseau, par ceux qui l'ont connu...

En près de trente années de vie publique, Rousseau a été maintes fois décrit par les personnes qui l'ont côtoyé.
Mme de Graffigny
En 1752, alors qu'il vient de publier son premier Discours sur les Sciences et les Arts, Mme de Graffigny dit de lui : "il était chez Monsieur Dupin non pas demeurant mais entretenu. Apparemment qu'il y a essuyé des désagréments. Il est à présent dans un grenier où il est copiste pour vivre. Pense donc au peu de profit et au dégoût insupportable que doit avoir un homme comme lui de copier tant de misérables productions des premiers sots qui voudraient l'employer. Pour moi, je ne sais rien de si malheureux que lui dans l'univers."
Casanova
Avant 1750, Rousseau n'existe pas aux yeux de l'élite mondaine. C'est de toute évidence le succès de son Discours, et plus encore sa réforme personnelle (l'abandon de son poste de secrétaire, sa métamorphose vestimentaire) qui attirent désormais l'attention sur lui. A partir de cette date, les témoignages deviennent abondants, comme celui de Casanova en 1758 : "A cette époque, Mme d'Urfé ayant envie de connaître Jean-Jacques Rousseau, nous allâmes à Montmorency lui faire une visite, sous prétexte de lui donner de la musique à copier (...) Nous trouvâmes un homme d'un maintien simple et modeste qui raisonnait juste, mais qui ne se distinguait au reste ni par sa personne ni par son esprit. Rousseau ne nous parut pas être ce qu'on appelle un homme aimable, et comme il était loin d'avoir cette politesse exquise de la bonne compagnie, c'en fut assez pour que Mme d'Urfé le trouvât grossier."
Habitué aux formes traditionnelles de la sociabilité mondaine, Casanova et son amie semblent déconcertés par les manières certainement abruptes du genevois. Dans les Confessions, ce dernier raconte combien l'ennuyaient les visites d'importuns attirés par sa nouvelle célébrité. 
 En 1770, un vitrier nommé Ménétra travaille rue plâtrière lorsqu'il voit passer Rousseau, qui habite dans le quartier : "Il me demande si je vais aller à la promenade. Je dis que je vais sortir. Il me demande de quel côté je vais jeter mes pas. Je réponds que j'avais l'intention d'aller aux Champs-Elysées voir jouer au battoir. Il me dit que si je le désire, il aura celui de m'accompagner.(...) Il m'entretient de ses chagrins envers plusieurs hommes dont un lui a fait une scène des plus indignes d'un galant homme, et que Christophe de Beaumont l'a excommunié mais qu'il s'en soucie peu n'étant point de ses ouailles. Je vois en lui un bon protestant."
Louise d'Epinay
Les dernières années, tous les témoignages concordent. Rousseau vit très simplement, à part du monde, dans un quartier populaire situé près des Halles. Son métier de copiste lui donne tout juste de quoi vivre. Il n'y a plus chez lui cette rage d'être reconnu par ses contemporains. De toute évidence, il y a renoncé car c'est désormais peine perdue. Sa réhabilitation, il compte l'obtenir grâce aux Confessions.
Consciente du danger, Mme d'Epinay s'arrangera d'ailleurs auprès du Lieutenant Sartine pour faire interdire toute lecture publique de l'autobiographie. Et là encore, Rousseau devra s'avouer vaincu...

mardi 5 avril 2011

14 mai, Cultura de Bourges

Cultura Bourges me fait le plaisir d'organiser une séance de dédicaces le samedi 14 mai à partir de 15 heures. Je vous accueillerai avec grand plaisir pour parler de "Rousseau, la Comédie des Masques", mais aussi du 2nd tome (en préparation...)
En espérant vous retrouver nombreux ! OM

lundi 4 avril 2011

Critique... (bis)

 Je croyais avoir écrit un roman, je découvre qu'il s'agit d'une biographie...


"...Car enfin, la première qualité de cette biographie est de nous restituer un portrait dépoussiéré du génie des Lumières. Alors bien sûr, le personnage reste froid, paranoïaque, souvent désagréable avec son entourage. Mais Olivier Marchal en explique les raisons, celle d'une société artificielle où le paraître gagne chaque jour un peu plus sur le fond, où l'hypocrisie cannibalise les liens sociaux.

Rousseau rejette cette société qui saura lui faire payer.
En humanisant le personnage de Jean Jacques Rousseau, Olivier Marchal redonne à ce génie une image attachante et peut-être plus proche d'une réalité encore aujourd'hui mal connue…"