samedi 23 février 2019

Les contorsions de Marion Sigaut devant les Gilets jaunes (2)

Il faut se dépêcher d'en rire pour éviter d'en pleurer... 
Voir ces sinistres individus endosser un gilet jaune, clamer leur solidarité à l'égard du mouvement, puis tenir de tels discours...
Tenez, si le coeur vous en dit, j'ai sélectionné deux extraits qui méritent qu'on s'y attarde.





Oui, vous avez bien entendu : ils rêvent du retour d'une « monarchie catholique »  et plaident en faveur d'une « constitution qui a pour source la loi divine pour les croyants et la loi naturelle pour les non-croyants ». Vraiment ? Sans rire ? Imaginons donc un cas de figure : sous ce nouveau régime, qu'adviendrait-il si je blasphémais, si je pratiquais l'adultère, si je me livrais à des pratiques sexuelles condamnables etc..., laquelle de ces lois prévaudrait au moment de me juger ? Et faudrait-il vraiment que je me déclare non-croyant pour bénéficier de la clémence du tribunal? L'intervenant de gauche me fournit un indice précieux lorsqu'il affirme que « beaucoup de gilets jaunes rejettent le mariage pour tous ». 
Aïe... J'ai compris. 
Dans ce futur Ancien Régime qu'ils appellent de leurs voeux, mieux vaut que je me tienne à carreau si je ne veux pas être roué vif place de Grève. 
D'autant que ces tristes sires seraient du côté du manche et moi de la cognée.
Grisée par cet entre-soi, Marion Sigaut revient alors au récit de cet âge d'or que fut l'Ancien Régime :
« la démocratie c’est ce qui se passait avant » car « les gens n’attendaient pas que le roi leur fasse leurs lois … chaque village avait son propre fonctionnement ». Là, je dois me pincer pour être certain d'avoir bien entendu (je souffre d'acouphènes depuis quelque temps). Et personne dans le public pour la reprendre ? Non, j'oubliais : il faut montrer patte blanche pour assister à ces conférences. D'ailleurs ce même public frémit d'aise lorsque l'historienne du net se met soudain à éructer contre "Bruxelles" puis "Tel Aviv". Vous trouvez ça nauséabond? Bah, chez ces gens-là, ce parfum serait plutôt vivifiant... Car la République est sataniste, la République, c'est   "les vaccins … la sexualisation des enfants …. l’invasion pornographique". Et dans ce « génocide républicain », « le programme a été écrit ». Oui, tout est écrit là-bas, dans l'ombre, par une main invisible, par de vilaines personnes (au choix, les illuminati, juifs, francs-maçons, reptiliens et consorts) qui se livrent depuis des siècles à d'affreux complots contre notre civilisation.  Pour se soustraire à ces influences délétères, Marion Sigaut nous donne enfin un précieux conseil :  
" Retournez vivre dans les campagnes ". Le retour à la terre ! Mais bien sûr ! Car comme le disait fort bien ce brave Maréchal, "la terre, elle, ne ment pas" !



 NB : Un détail, toutefois. Pour parler de Rousseau, encore faut-il connaître sa vie (notamment son rapport au monde paysan) mais également ses écrits. Ci-dessous quelques extraits de son discours sur l'économie politique, écrit en 1755.


Quand on voit un gouvernement payer des droits, loin d'en recevoir, pour la sortie des blés dans les années d'abondance, et pour leur introduction dans les années de disette, on a besoin d'avoir de tels faits sous les yeux pour les croire véritables, et on les mettrait au rang des romans, s'ils se fussent passés anciennement. Sup­po­sons que pour prévenir la disette dans les mauvaises années, on propo­sât d'établir des magasins publics, dans combien de pays l'entretien d'un établissement si utile ne servirait-il pas de prétexte à de nouveaux impôts ? A Genève ces greniers établis et entretenus par une sage administration, font la ressource publique dans les mauvaises années, et le principal revenu de l'État dans tous les temps (…)

  De toutes les autres impositions, le cens sur les terres ou la taille réelle a toujours passé pour la plus avantageuse dans les pays où l'on a plus d'égard à la quantité du produit et à la sûreté du recouvrement, qu'à la moindre incom­mo­dité du peuple. On a même osé dire qu'il fallait charger le paysan pour éveil­ler sa paresse, et qu'il ne ferait rien s'il n'avait rien à payer. Mais l'expé­rience dément chez tous les peuples du monde cette maxime ridicule : c'est en Hollande, en Angleterre, où le cultivateur paye très peu de chose, et surtout à la Chine ou il ne paye rien, que la terre est le mieux cultivée. Au contraire, partout où le laboureur se voit chargé à proportion du produit de son champ, il le laisse en friche, ou n'en retire exactement que ce qu'il lui faut pour vivre. Car pour qui perd le fruit de sa peine, c'est gagner que ne rien faire; et mettre le travail à l'amende, est un moyen fort singulier de bannir la paresse.



De la taxe sur les terres ou sur le blé surtout quand elle est excessive, ré­sul­tent deux inconvénients si terribles, qu'ils doivent dépeupler et ruiner à la longue tous les pays où elle est établie.



Le premier vient du défaut de circulation des espèces, car le commerce et l'industrie attirent dans les capitales tout l'argent de la campagne : et l'impôt dé­truisant la proportion qui pouvait se trouver encore entre les besoins du laboureur et le prix de son blé, l'argent vient sans cesse et ne retourne jamais; plus la ville est riche, plus le pays est misérable. Le produit des tailles passe des mains du prince ou du financier dans celles des artistes et des marchands; et le cultivateur qui n'en reçoit jamais que la moindre partie, s'épuise enfin en payant toujours également et recevant toujours moins. Comment voudrait-on que pût vivre un homme qui n'aurait que des veines et point d'artères, ou dont les artères ne porteraient le sang qu'à quatre doigts du cœur ? (…)



Le second inconvénient vient d'un avantage apparent, qui laisse aggraver les maux avant qu'on les aperçoive. C'est que le blé est une denrée que les im­pôts ne renchérissent point dans le pays qui la produit, et dont malgré son absolue nécessité, la quantité diminue, sans que le prix en augmente; ce qui fait que beaucoup de gens meurent de faim, quoique le blé continue d'être à bon marché, et que le laboureur reste seul chargé de l'impôt qu'il n'a pu défal­quer sur le prix de la vente. Il faut bien faire attention qu'on ne doit pas raison­ner de la taille réelle (ndlr : cet impôt pesait sur la terre, non sur l'individu) comme des droits sur toutes les marchandises qui en font hausser le prix, et sont ainsi payés moins par les marchands, que par les ache­teurs. Car ces droits, quelque forts qu'ils puissent être sont pourtant volontai­res, et ne sont payés par le marchand qu'à proportion des marchan­dises qu'il achète; et comme il n'achète qu'à proportion de son débit, il fait la loi au parti­culier. Mais le laboureur qui, soit qu'il vende ou non, est contraint de payer à des termes fixes pour le terrain qu'il cultive, n'est pas le maître d'attendre qu'on mette à sa denrée le prix qu'il lui plaît; et quand il ne la vendrait pas pour s'entretenir, il serait forcé de la vendre pour payer la taille, de sorte que c'est quelquefois l'énormité de l'imposition qui maintient la denrée à vil prix.

***

pour rappel, ces quelques mots prononcés par M.S
NB du 3/03 : quantité de messages gentils sur mes commentaires concernant cette brave dame. Merci beaucoup. Hélas, je ne peux pas tout suivre. Son propos est dans l'air du temps, à charge pour les historiens de s'emparer du net et de ne pas laisser cette avenue aux histrions. Pour les autres : demandez-vous d'où parle cette femme, et surtout : reportez-vous aux textes !!!

mardi 19 février 2019

L'image du roi au XVIIIè siècle (3)


En 1758, l'affaire Moriceau de la Motte va mettre en évidence cet affaiblissement de l'autorité royale. Arrêté au cours de l'été pour avoir (soi-disant) écrit des placards séditieux contre la personne du roi, cet huissier des requêtes de l'Hôtel va payer au prix fort les décisions enregistrées par le Parlement à la suite de l'affaire Damiens (voir ci-dessous).


 Voyons ce que nous disent les archives de la Bastille à propos de cette arrestation et des premiers interrogatoires.
extrait des archives de la Bastille

extrait des archives de la Bastille
Expéditif (l'arrêt est daté du 6 septembre !), le Parlement condamna à mort cet "auteur de propos séditieux et attentatoires à l'autorité royale". 
Arrêt du Parlement

Alors qu'elle se voulait exemplaire, cette exécution publique fut loin de produire les effets escomptés. Lisons ce que nous en rapporte Barbier dans son Journal.  

Du mercredi 6 septembre, arrêt de la Tournelle.

Le sieur Moriceau de La Motte, huissier des Requêtes de l'hôtel, cerveau brûlé, fanatique et frondeur du gouvernement, homme de cinquante-cinq ans au moins (il s'est marié depuis huit mois et a épousé une maîtresse qu'il avoit), s'est avisé il y a un mois ou deux d'aller dîner dans une auberge rue Saint-Germain de l'Auxerrois, à une table d'hôte de douze personnes, et là, ayant fait tomber la conversation sur la terrible affaire de Damiens, il a parlé avec emportement sur la manière dont ce procès a été instruit, contre le gouvernement, même contre le Roi et les ministres. On dit qu'un abbé qui était à côté de lui lui fit sentir doucement l'imprudence de pareils discours, et que cela ne l'empêcha pas de continuer. Soit par les gens de l'auberge, soit par quelqu'un de la table inquiet des suites d'une pareille déclamation, M. le lieutenant général de police a été averti, et le lendemain cet huissier a été arrêté et conduit à la Bastille, et le scellé mis sur ses papiers. Sur son interrogatoire, il a été renvoyé au Châtelet. Par sentence du 30 août dernier; il a été ordonné qu'ayant fait droit sur les plaintes et accusations du procureur du Roi, il serait appliqué à la question ordinaire et extraordinaire, les preuves demeurant en leur entier. Mais à la prononciation de la sentence, le procureur du Roi, M. Moreau, a déclaré se rendre appelant a minima. On dit que dans ses papiers on a trouvé des placards qui ont été affichés devant et depuis l'assassinat du Roi aux portes des jardins publics et autres. On lui a demandé d'où il tenait ces placards; à quoi il a répondu qu'il les avait arrachés. Mais ces placards n'étaient ni collés ni percés de clous pour avoir été attachés. (…) Cet huissier n'a été appliqué à la question au Châtelet, où il a été renvoyé, que lundi 11 septembre, pour éviter la veille d'une fête ou dimanche. Son arrêt a été crié dans les rues, à midi. Il est convenu, dit-on, à la question, qu'il avait composé les placards; il a fait l'amende honorable avec tranquillité et bien de la résignation, regardant tout le monde d'un air assez gai, priant le peuple de prier Dieu pour lui. Il a conservé le même air en allant à la Grève; il a monté à l'Hôtel de Ville, où il a été environ une heure. On ne sait pas ce qu'il y a dit, mais il n'a fait venir personne. ll s'est mis à genoux un quart d'heure au pied de la potence pour faire sa prière, et il a été pendu sur les cinq heures. Il y avait dans son passage et à la Grève grande affluence de peuple. Quelques-uns disaient qu'on ne fait point mourir pour des paroles et de simples écrits; d'autres espéraient qu'il aurait sa grâce; mais on a voulu faire un exemple sur un bourgeois de Paris, homme ayant une charge, pour réprimer la licence d'un nombre de fanatiques, qui parlent trop hardiment du gouvernement par un esprit de parti, qui est une suite du jansénisme porté loin depuis trois ou quatre ans. On dit qu'en sortant du Châtelet il a demandé des prières, en disant qu'il était la victime des circonstances du temps.


 Cette protestation populaire rapportée par Barbier révèle en fait l'évolution des mentalités. Désormais, dans l'esprit du public, on ne devrait plus avoir le droit de faire "mourir pour des paroles et simples écrits". Le crime de "lèse-majesté humaine" (à l'encontre du roi) ne saurait donc plus être puni de mort.
En perdant sa grandeur et une part de dignité, le roi s'est malheureusement humanisé. 
Or, on ne pend point qui lèse une telle majesté.


 
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jeudi 14 février 2019

L'image du roi au XVIIIè siècle (2)

(pour lire le début de l'article, c'est ici)
Le crime de lèse-majesté humaine commis par Damiens contre la personne du roi (en janvier 1757 : concernant les faits, voir ici) révèle à quel point l'image du monarque s'est dégradée dans l'opinion publique.
Si la déclaration royale d'avril 1757 illustre la volonté du pouvoir de réaffirmer son autorité, elle apparaît surtout comme une décision inique, notamment dans les milieux proches des Encyclopédistes.


  Car en l'espace d'un demi-siècle, les esprits ont évolué, séduits non seulement par la théologie janséniste (très présente dans les milieux populaires) mais également par les enseignements des nouveaux philosophes. Quant les premiers professent que seul Dieu est sacré, les Encylopédistes rappellent que l'autorité est conférée au roi par le biais d'un "contrat fait ou supposé" avec son peuple.
(voir notamment l'article "autorité politique" de Diderot ici ). Le débat des années 1750 autour de la nécessaire soumission du monarque aux "lois essentielles du royaume" a insensiblement introduit le ver dans le fruit du "nostrum placitum" royal ("notre plaisir"), désormais perçu comme arbitraire et injuste.
Comme l'explique l'historien David Garrioch, l'imagerie va s'adapter à cette évolution, représentant de plus en plus souvent le roi comme un père nourricier, le protecteur bienveillant du peuple, et non plus comme l'incarnation terrestre de la puissance de Dieu.
Or, si l'autorité de Dieu ne saurait être contestée, "la puissance paternelle a ses bornes", comme le rappelle Diderot dans son article. D'autant que Louis le XVè donne une bien piètre image du père à ses sujets. Ce n'est pas tant son libertinage que les satiristes raillent que l'influence grandissante de ses maîtresses à la Cour. Ainsi lit-on dans cette "poissonnade" (du nom de la Pompadour) :
  
Cette catin subalterne
Insolemment le gouverne,
Et c'est elle qui décerne
Les honneurs à prix d'argent ;
Devant l'idole tout plie,
Le courtisan s'humilie ;
Il subit cette infamie,
Et n'est que plus indigent, gent, gent, gent.

Plus tard, en plus d'être soupçonné d'impuissance, Louis XVI devra supporter d'innombrables insinuations concernant les infidélités de la reine.

Louis, si tu veux voir
Bâtard, cocu, putain,
Regarde ton miroir,
La Reine et le Dauphin... 

Balmer incarne un bien terne Louis XVI

Quand un père se montre aussi faible, dominé par les femmes et dénué de toute qualité virile, le fils est tôt ou tard amené à remettre en cause son autorité. Avant de le tuer...

(à suivre ici)

mardi 12 février 2019

L'image du roi au XVIIIè siècle (1)

En croisant les travaux d'Arlette Farge et ceux de David Garrioch, on comprend mieux comment l'image du roi s'est peu à peu transformée au cours du siècle, perdant progressivement tous les attributs de sa puissance jusqu'à n'être plus qu'un "bon père du peuple" dont on pouvait contester l'autorité. 

Reconnu "roi par la grâce de Dieu" (et non plus par "la volonté du peuple"...), Louis le XIVè avait autrefois imposé une représentation jupitérienne du monarque, la foudre à la main et l'aigle à ses pieds.
Louis XIV, par Ch. Poerson en 1652
 Le tableau de J. Jouvenet nous rappelle que ce roi thaumaturge détenait de fait le pouvoir ("le Roi te touche, que Dieu te guérisse") de guérir les tuberculeux.
 On le voit représenté ci-dessous en chef de guerre victorieux, couronné par la Victoire, divinité ailée qui le coiffe des rameaux de laurier.
tableau de P. Mignard (1673)
 A titre de comparaison, rappelons que son arrière-petit-fils Louis XV perpétua un temps la tradition des écrouelles (dès 1723) mais qu'il y renonça définitivement en 1739, lorsque son confesseur lui refusa l'absolution de ses péchés adultérins. Vainqueur à Fontenoy en 1745, on le retrouve (ci-dessous habillé de gris, accompagné du Dauphin) sur le champ de bataille, en maître de guerre  certes dominateur mais déjà privé de tout attribut divin.

la bataille de Fontenoy, par P. Lenfant
 Les portraits équestres de Louis XVI seront quant à eux fort rares. Celui présenté ci-dessous date de 1791 et est l'oeuvre de Carteaux. Si le roi est encore représenté l'épée à la main, on remarque que l'arrière-plan est désert et que le monarque apparaît bien emprunté, presque falot.
 Deux autres tableaux, le premier de Debucourt (1784), le 2nd de Hersent (1817), représentent le roi modestement vêtu, en figure paternelle faisant l'aumône aux pauvres.


En moins d'un siècle, l'incarnation de Dieu sur terre s'est transformée en un simple père de famille bienveillant.

(à suivre ici)

samedi 9 février 2019

Florence Gauthier et la question de la souveraineté (2)


Le cercle Le Vent Se Lève (média né en 2016) organisait le 30 novembre dernier une conférence autour de la thématique de la souveraineté populaire telle qu’elle a été théorisée et mise en pratique sous la Révolution française. 
Florence Gauthier, historienne des révolutions de France et de Saint-Domingue Haïti, professeur à l’Université Paris 7-Diderot, a centré son intervention sur l’enjeu des débats sur la souveraineté pendant l’époque révolutionnaire, de 1789 à 1795. Nous retranscrivons ici une partie de son intervention




En ville, le peuple s’organise en assemblées générales électorales en quartiers de commune, appelés sections de commune. Ce fut l’institution révolutionnaire par excellence: les assemblées générales électorales pour les États généraux se sont maintenues et sont devenues le lieu de réunion des citoyens des deux sexes, pour préparer des manifestations, lire de façon collective les journaux, discuter des lois et reprendre peu à peu les pouvoirs locaux de la commune.

L’Assemblée a bien supprimé dans sa Constitution de 1791 les assemblées générales communales démocratiques, mais le mouvement populaire ne lui obéit pas. Par contre, le mouvement populaire découvre que la Constitution de cette Assemblée nationale viole les principes de la Déclaration des droits et c’est bien cette contradiction qui fut le ressort de la Révolution.

La Révolution du 10 août 1792.

En août 1792, la situation s’est gravement dégradée : le roi a réussi, avec la complicité de l’Assemblée, à déclarer la guerre dans l’espoir que les armées ennemies vont venir le rétablir sur son trône. Cette haute trahison du roi conduit le mouvement populaire à organiser sa propre défense et, le 10 août 1792, les Parisiens et les volontaires de tout le pays, qui viennent des départements pour défendre les frontières du Nord, renversent la Constitution de 1791 et la monarchie. Le roi est emprisonné et la Révolution convoque une nouvelle assemblée constituante, la Convention.
 
massacre des Gardes Suisses (août 1792)
La Convention est élue au suffrage universel par les assemblées générales électorales communales et le système électoral est celui du mandataire révocable. La Convention proclame la République démocratique : comme avec la Déclaration des droits de 1789, le principe de la souveraineté populaire est rétabli, avec le système électoral du mandataire révocable.

Cependant, un nouvel obstacle apparaît, celui du nouveau « côté droit » de la Convention, formé du parti de la Gironde. La Gironde va réussir au début de la Convention girondine à rassembler une majorité de voix sur ses propositions. La Gironde a peur du mouvement populaire et d’une république démocratique et continue de s’opposer au programme paysan, qui propose une réforme agraire supprimant la féodalité et protégeant les biens communaux et leurs droits.

Le programme paysan est complété par le mouvement populaire urbain qui est victime de la politique de liberté illimitée du commerce des subsistances : il s’agit de détruire les protections des marchés publics et d’imposer des pratiques spéculatives qui cherchent à privatiser le marché afin d’imposer les prix. Nous connaissons bien ces pratiques aujourd’hui. A l’époque, l’offensive capitaliste visait le marché des subsistances : il faut bien comprendre que la hausse des prix provoque des famines et se révèle mortelle pour les salariés aux revenus fixes.

Le mouvement populaire avait élaboré le programme du Maximum pour répondre à cette offensive mortifère : il défendait « le droit à l’existence et aux moyens de la conserver comme premier des droits de l’homme » et avait même, en la personne de Robespierre, exprimé cela par un concept remarquable : celui « d’économie politique populaire » pour se libérer de « l’économie politique despotique ». Le mouvement populaire s’exprimait avec le courant appelé la Montagne. Mais la Gironde lui répondit à nouveau par la Loi martiale. La Convention était une assemblée constituante et la Gironde prépara la discussion sur la Constitution, mais l’interrompit en février 1793, craignant la poussée démocratique. Elle réussit ainsi à gouverner sans constitution jusqu’à sa chute.

De plus, la Gironde déclara une guerre de conquête avec l’objectif d’occuper la rive gauche du Rhin : la guerre était un moyen de prendre le pouvoir et de créer une diversion. Mais, les peuples occupés n’aimèrent pas la conquête girondine et se défendirent si bien que la politique girondine échoua : l’adversaire menaçait maintenant les frontières de la République. C’est alors que la majorité de la Convention changea et exprima son refus de la politique girondine.

La Révolution des 31 mai-2 juin 1793

Comme pour le 10 août, le peuple organisa sa propre défense et ce furent les assemblées générales des sections de Paris, appuyées par les volontaires partant aux frontières, qui organisent une nouvelle insurrection le 31 mai 1793.

Que demandaient-ils ?

Non la dissolution de la Convention, mais le rappel des députés de la Gironde qu’ils jugeaient infidèles depuis plusieurs mois. Le 31 mai, les sections parisiennes vinrent à la Convention réclamer les 32 députés et ministres qui avaient perdu leur confiance. La discussion dura jusqu’au 2 juin et les mandataires infidèles furent destitués.
arrestation des Girondins (juin 1793)

Voilà un exemple remarquable de l’application de l’institution du mandataire révocable par le peuple souverain. Ces 31 mai-2 juin furent pacifiques, il n’y eut ni mort ni blessé. Et les 32 rappelés furent assignés à résidence, chez eux. La Montagne, qui n’était pas majoritaire en voix à la Convention, fit des propositions qui emportèrent la majorité des députés. Le premier débat de la Convention montagnarde fut celui sur la Constitution qui fut votée le 26 juin suivant, avec une Déclaration des droits naturels, proche de celle de 1789 et une Constitution fondée sur le principe de la souveraineté populaire et de la démocratie communale.

Le 17 juillet, la Convention votait enfin la grande Loi agraire qu’attendaient les paysans : suppression des rentes féodales, partage des terres entre seigneurs et paysans, reconnaissance de la propriété des biens communaux aux communes, partage égal des héritages entre les enfants des deux sexes, y compris les enfants naturels et ouvrait une série de mesures pour distribuer des lopins de terre aux paysans sans terre.

La politique du maximum concernant le marché des subsistances fut enfin appliquée et la politique montagnarde prit en mains la défense des frontières. Pour mener à bien cette politique, la Convention montagnarde renforça la souveraineté populaire au niveau de l’application des lois.

Ce sera mon dernier point.

L’exécutif était, depuis 1789, décentralisé : il n’y avait plus d’appareil d’État. L’application des lois se faisait au niveau local des communes, des districts, des départements par des administrateurs élus par les assemblées générales communales. En décembre 1793, la Convention montagnarde organise le Gouvernement révolutionnaire. Pour empêcher la non application des lois, tactique des contre-révolutionnaires élus dans les instances démocratiques, la loi du Gouvernement révolutionnaire décida que l’application des lois se ferait au niveau de la Commune, sous le contrôle des assemblées générales sur leurs administrateurs élus. Ce fut ainsi que la législation que je viens de rappeler a pu s’appliquer avec une grande rapidité et répondre au mouvement populaire et surtout mettre fin à la guerre civile.

La décentralisation communale sous le contrôle des assemblées générales communales dissuadait efficacement les actes contre-révolutionnaires. Pour conclure sur la souveraineté populaire : il n’y a pas eu de dictature avec la Convention montagnarde, mais au contraire un approfondissement de la démocratie communale, expression de la souveraineté du peuple, qui contrôlait les pouvoirs publics, le législatif par le système électoral du mandataire révocable et l’exécutif par la décentralisation et l’application des lois au niveau de la commune.

Le 9 thermidor-17 juillet 1794, les opposants à cette République démocratique et sociale faisaient tomber la Montagne sur un simple vote et détruisirent cette souveraineté populaire, clé de cette expérience.
Les conséquences du 9 thermidor sur la souveraineté populaire

Je précise que ce qui a été maintenu de cette période démocratique a été la réforme agraire : les divers régimes qui ont suivi thermidor, le Directoire, le Consulat, l’Empire, la restauration des Bourbons etc. n’ont jamais osé défaire la réforme agraire, qui s’est maintenue en France.

Il faut souligner que ce fut une des rares réformes agraires en faveur des paysans qui ait pu se maintenir, ce n’a pas été le cas ni en URSS ni en Chine au XXe siècle. Louis XVIII répondait à ses Ultraroyalistes, qui lui demandaient de rétablir la féodalité en France : « Messieurs, voulez-vous rallumer la guerre civile en France ? ». Alors, les Ultraroyalistes se sont calmés.

Par ailleurs, il est important de savoir que la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen a été expulsée, depuis thermidor, du droit constitutionnel français. Vérifiez dans les Constitutions de la France qui ont suivi, c’est une recherche intéressante à vérifier. Et ce n’est que plus de 150 ans après, en 1946, à la suite d’une guerre terrible contre fascisme et nazisme que la Déclaration des droits de 1789 a été réintroduite dans le droit constitutionnel français. Puis, l’ONU a voté sa « Déclaration universelle des droits de l’homme » en 1948.

Enfin, les droits politiques des femmes qui existaient depuis le Moyen Âge, ont eux aussi été supprimés à l’occasion des diverses Constitutions avec leurs diverses formes d’aristocratie des riches depuis Thermidor.

Après la répression sauvage de la Commune de Paris de 1871, la Troisième République a annoncé le rétablissement du suffrage universel, mais c’est inexact : les femmes en étaient exclues et la misogynie, soit une forme de division du peuple, fut légalisée depuis.

Et ce n’est qu’avec la Déclaration des droits, en 1946, que les droits politiques des femmes ont été rétablis en France, les deux ensemble: il est certain que la Résistance a été un grand moment de retrouvailles avec « le sens commun du droit ».

Mais de nouveau, ce dernier est attaqué avec virulence.

lundi 4 février 2019

Florence Gauthier et la question de la souveraineté (1)


Le cercle Le Vent Se Lève (média né en 2016) organisait le 30 novembre dernier une conférence autour de la thématique de la souveraineté populaire telle qu’elle a été théorisée et mise en pratique sous la Révolution française. 
Florence Gauthier, historienne des révolutions de France et de Saint-Domingue Haïti, professeur à l’Université Paris 7-Diderot, a centré son intervention sur l’enjeu des débats sur la souveraineté pendant l’époque révolutionnaire, de 1789 à 1795. Nous retranscrivons ici une partie de son intervention







Au XIVe siècle, le roi proposa d’intégrer ses sujets à la prise de décision politique en créant les États généraux dans le royaume de France (il existe d’autres dénominations comme les Cortès en Espagne ou le Parlement en Angleterre). C’était le grand conseil du roi et tous les corps du royaume envoyaient leurs mandataires, chargés de leur mandat : à savoir, les communautés villageoises, les corps de métiers urbains, les communes urbaines et les deux ordres du clergé et de la noblesse, organisés eux aussi en corps avec leurs mandataires.



Le peuple, réuni dans le Tiers état dans le royaume de France, participait aux décisions politiques du royaume et surtout, avait le droit précieux de consentir le montant des impôts. Droit précieux que nous avons perdu, mais qui vient pourtant d’entrer en mouvement revendicatif récemment. Retenons qu’à partir des États généraux, la souveraineté était partagée entre le roi et ses sujets selon la Constitution du royaume, fondée sur ce contrat social éclairé par la conscience populaire du « sens commun du droit ».



Je dois préciser maintenant le système électoral de tous ces corps : c’est celui du fidei commis en latin, commis de confiance ou mandataire révocable par ses électeurs. Nous ne le connaissons plus, il a disparu en France depuis la répression brutale de la Commune de Paris de 1871 et il est interdit dans la Constitution actuelle comme je viens de le rappeler. Le commis de confiance est une institution que nous connaissons encore sous des formes qui ne sont pas celles du système électoral.



Un médecin que l’on choisit : si on trouve qu’il ne convient plus, on en choisit un autre, tout simplement. Un ministre est choisit par un roi ou par une assemblée habilitée à le faire. Si le ministre ne fait pas ce qu’on lui demande, il est remplacé tout simplement.



Dans le système électoral médiéval, l’assemblée générale des communautés villageoises, à titre d’exemple, choisissait ses mandataires pour se rendre aux États généraux : ce mandataire était chargé d’un mandat et il était entretenu par les mandants ou électeurs. S’il ne remplissait pas son mandat, ses mandants le rappelaient et le remplaçaient, tout simplement. L’institution du mandataire, choisie, contrôlée par ses mandants et révocable si elle trahit son mandat a été celle du système électoral dans toutes les élections depuis le Moyen-âge et a duré des siècles et faisait partie intégrante de la culture politique du peuple, mais aussi du clergé ou de la noblesse. L’institution du mandataire n’est pas une institution démocratique en soi, mais elle le devient lorsque c’est un corps comme les assemblées générales de communes qui le pratiquent.



Or, depuis le XVIIe siècle, le roi n’a plus convoqué les États généraux. Je ne peux expliquer les raisons faute de temps. Et, depuis ce moment, la monarchie a été qualifiée de « despotique et tyrannique » parce que les sujets du roi étaient exclus de la prise de décision politique. En 1789, la crise de la monarchie française était telle que le roi ne pouvait plus gouverner. Louis XVI a choisi de convoquer à nouveau les États généraux. Ce choix d’une solution politique, en associant ses sujets aux décisions à prendre pour le futur, est à mettre à son actif. Et la société s’en est largement réjouie.



Les élections du Tiers état se sont faites au premier niveau des assemblées générales des habitants des deux sexes des communautés villageoises, dans les villes divisées en quartiers ou par corps de métiers et ont choisi leurs mandataires chargés du mandat des cahiers de doléances. Les mandataires de ce premier niveau se sont retrouvés au chef-lieu de bailliage et ont choisi, parmi eux, les mandataires qui iraient à Versailles, mandatés par la refonte des doléances en un cahier de bailliage. Les États généraux, convoqués selon la tradition le 1er mai, se sont réunis à Versailles le 5 mai 1789.

ouverture des Etats Généraux (mai 1789)


Les États généraux se transforment en Assemblée nationale constituante



A Versailles, un noyau de députés proposa de donner une Constitution à la France et parvint à entraîner une majorité de députés, ouvrant ainsi l’acte 1 de la Révolution : le 20 juin 1789 par le Serment du Jeu de Paume, ces députés se déclaraient, par leur propre volonté, « Assemblée nationale constituante » et juraient de ne point se séparer avant d’avoir réalisé cette Constitution. La réponse du roi fut la répression : il se préparait à réprimer militairement les députés et la ville de Paris, qui suivait avec passion ce qu’il se passait à Versailles.

 
serment du Jeu de Paume

Pourquoi cette réponse du roi ? Parce que l’Assemblée nationale constituante lui a retiré sa souveraineté. Et pourquoi a-t-elle pu le faire ? Parce qu’elle était une assemblée de mandataires révocables devant leurs électeurs et il s’agissait bien de la souveraineté populaire en acte : les mandataires de tous les habitants du royaume.



L’acte 2 de la Révolution s’est produit en juillet 1789, au moment où le roi préparait la répression. Ce fut le peuple entier qui se souleva, sous forme de jacqueries énormes, dans quasiment tout le pays. Les Jacques armés s’en prirent à la féodalité et commencèrent le brûlement des titres de seigneurie, exprimant clairement leur refus de maintenir plus longtemps la féodalité. De plus, villes et campagnes prirent le pouvoir local et créèrent les Gardes nationales avec des citoyens volontaires. Ce soulèvement appelé par les contemporains « Grande Peur » entraîna l’effondrement de la grande institution de la monarchie. Pourquoi ? Parce que les intendants et les gouverneurs militaires, agents du roi, se cachèrent tant ils avaient peur.



En août 1789, le roi avait perdu sa souveraineté, son épée et son administration. La nouvelle situation du pays, au lendemain de la Grande Peur, va mettre en lumière le débat de fond sur la question centrale de la souveraineté. Le mouvement populaire de juillet a empêché le roi de réprimer : le peuple s’est armé avec les Gardes nationales et c’est lui qui a sauvé l’Assemblée constituante.



L’Assemblée vote deux décisions importantes : le 4 août, elle vote un décret rendant hommage à la jacquerie : « L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal ». Mais elle ne l’appliquera pas. Et, le 26 août, elle vote une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui expose la théorie politique que je résume : les principes éthiques sont contenus dans l’article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », et dans le droit de résistance à l’oppression (Art. 2), elle fonde la société politique sur le principe de la souveraineté populaire et sur la suprématie du pouvoir législatif sur l’exécutif.



Mais, le principe de l’égalité en droits va diviser l’Assemblée en un « côté droit » qui refuse la Déclaration des droits et un « côté gauche » qui s’engage à défendre les principes de la Déclaration des droits.



A partir de là, le « côté droit » de l’Assemblée va passer à l’offensive et voter une Constitution établissant une monarchie constitutionnelle et une aristocratie des riches, qui réserve, comme son nom l’indique, les droits politiques à un certain niveau de richesses. C’est la Constitution de 1791, qui a été mise en application de septembre 1791 au 10 août 1792, qui l’a renversée.

Que faisait le mouvement populaire de 1789 à 1792 ?



Il s’est organisé d’une manière autonome : les paysans d’une part, qui représentent plus de 85 % de la population, vont poursuivre les jacqueries. Pourquoi ? Parce que l’Assemblée nationale ne répond pas à leur programme de suppression de la féodalité et de récupération des biens communaux usurpés par les seigneurs.




Les jacqueries vont reprendre et imposer leur rythme à la Révolution. Depuis juillet 1789, il y eut cinq autres jacqueries, soit deux par an entre 1789 et 1793, qui éclatent à travers le pays, renforcent le mouvement paysan et son pouvoir local et récupèrent, dans les faits, des communaux usurpés avec les droits d’usage et poursuivent le brûlement des titres féodaux. L’Assemblée nationale a décrété la Loi martiale contre toutes les formes du mouvement populaire, mais n’a pas les moyens de l’appliquer. Pourquoi ? Parce que les paysans se protègent en s’armant et que les soldats ne sont pas toujours disposés à réprimer : c’était cela aussi la Révolution. L’Assemblée nationale, avec la Loi martiale, a déclenché une guerre civile ouverte.

(à suivre ici)
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samedi 2 février 2019

Florilège anti-républicain...

A mettre les pieds dans la tambouille des anti-républicains, on s'attire inévitablement quelques insultes et autres invectives.
On préfère en rire et rajouter une couche sur le fumier de leur ignorance !

Florilège... 

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On ne saurait trop conseiller à ces férus d'Histoire de retourner aux textes, et surtout de les lire !!!
A très bientôt, j'imagine...