mardi 29 avril 2014

Les plaisirs du cloître, comédie érotique du XVIIIè siècle (anonyme) (2)

-->
La pièce se déroule au couvent de N.D, dans la chambre d'une jeune pensionnaire prénommée Marton. Impatiente de découvrir l'amour, cette dernière s'en ouvre à son amie, soeur Agathe, qui lui propose un rendez-vous galant avec Clitandre et un Jésuite.Voici la fin de la pièce




SCÈNE III



MARTON, LE JÉSUITE



MARTON

Père, où va donc votre maîtresse?

Clitandre a marché sur ses pas,

On nous a laissés seuls ; ne compterait-on pas

Un peu trop sur notre sagesse?



LE JÉSUITE, embrassant Marton.

Clitandre m'enlève mon bien;

Je vais me venger sur sa belle.



MARTON, souriant.

Punissons ce couple infidèle;

Je ne vous refuserai rien.



LE JÉSUITE, promenant sa main sous la jupe de Marton.

Permettez que ma main s'empare

Du trésor qu'on livre à mes feux.

Souffrez, Marton, qu'elle s'égare

Dans le labyrinthe amoureux.
(Il place la main de Marton.)

Saisissez-vous des biens dont la nature avare

Pour vous a voulu m'enrichir.

Sous vos doigts voyez-le grossir :

Priape, en feu, cherche un asile ;

Daignez le recevoir.



MARTON

Je n'y puis consentir.

Eh ! qui pourrait le contenir?



LE JÉSUITE

Moins la route sera facile

Et plus nous aurons de plaisir.

(Il attire Marton sur lui.)

De mon trait hâte-toi de te percer toi-même,

Vite... vite...



MARTON, sur les genoux du Jésuite, s'agitant vivement.

Ah ! mon roi, sens-tu comme je t'aime?



SCÈNE IV



Sœur AGATHE, CLITANDRE, MARTON, LE JÉSUITE



SŒUR AGATHE, apercevant Marton à cheval sur le Père.

Ah ! ah ! la drôle invention !

En courant de la sorte, aimable postillon.

On arrive bientôt au gîte.



LE JÉSUITE

Ma nonne, il vous sied bien de parler sur ce ton.

Je me venge de votre fuite.



MARTON

Je te fais, cher Clitandre, une infidélité;

Fallait-il me laisser seule avec un Jésuite?

Va, va, tu l'as bien mérité.



CLITANDRE

Oublions chacun notre injure.

Et pour réveiller nos désirs.

Par une nouvelle posture

Diversifions nos plaisirs.

Quittons cette vaine parure

Et ces vêtements odieux ;

Les amants ne sont jamais mieux

Qu'en état de pure nature.

(Ils se déshabillent.)



LE JÉSUITE, dénouant le corset de Marton.

Venez, aimable enfant, dévoilez sans scrupule

Ce corps charmant, digne des dieux.



CLITANDRE, découvrant la gorge de sœur Agathe.

Sous cette guimpe ridicule,

Ah ! ma sœur, quels appas vous cachez à nos yeux !

Que chacun m'écoute en silence :

Agathe aura la complaisance

De se coucher sur ce sopha.

Le Père s'en emparera.

Sur le dos de sa révérence

Aussitôt Marton s'étendra :

J'ouvrirai la danse avec elle.

A chaque coup reçu, ma belle

Sur le Père retombera.

Par ce secours, son allumelle

Plus fort chez la Nonne entrera.

Quand, vers le Jésuite élancée,

Agathe se soulèvera,

Marton par le Père poussée,

Au-devant de mes coups ira.

Mettons ce projet en pratique.

(Ils s'arrangent.)

Qu'à son rôle chacun s'applique.

Ce ricochet voluptueux

Va nous rendre tous quatre heureux.



SŒUR AGATHE

Arrête, je suis écrasée.



LE JÉSUITE

Oh ! tu ne m'échapperas pas.



MARTON

Cher Clitandre, double le pas.



SŒUR AGATHE

Ah ! quelle abondante rosée

Inonde mes secrets appas.



MARTON

Je goûte le bonheur suprême !



CLITANDRE

Et moi, Marton.



LE JÉSUITE

Et moi de même.

{Après un moment de silence, ils se séparent.)



SŒUR AGATHE

Allons nous reposer. Chantons à l'unisson :

Vive, vive l'auteur de cette invention.

Chers amis, buvons à sa gloire.

Eh ! quoi, Marton, tu n'oses boire?

Te faut-il, pour calmer tes feux.

Avaler à longs traits le nectar amoureux?

(Ils boivent et mangent.)



CLITANDRE

Marton, mon feu renaît. Retourne-toi, ma chère,
Offre-moi ce revers charmant.

Que deux singes voilés naguère

Ont traité si cruellement.

(Il la retourne.)

Ah ! ciel, des coups de fouet j'y reconnais la trace :

Par des coups moins fâcheux il faut que je l'efface.

Allons, la croupe haute et la tête bien bas.

Tiens-toi ferme, et surtout ne me déboute pas.

(Il se met sur elle.)



MARTON, se débattant.

Que fais-tu donc, méchant? Ah ciel ! quelle infamie !

Viens à mon secours, chère amie :

Il s'écarte du droit chemin

Pour pénétrer dans le voisin.



SŒUR AGATHE

Clitandre, gardez-vous d'outrager la nature.

De cet aimable objet par une flamme impure

Ne profanez point les attraits.

(Elle l'arrache de dessus Marton, qui sort.)



CLITANDRE, courant après Agathe.

Soit, mais vous en paierez les frais.

(Il la renverse et la baise.)



SŒUR AGATHE, embrassant Clitandre.

J'approuve ta vengeance. A l'honneur d'une amie

Il faut bien, je le vois, que je me sacrifie.




SCÈNE V



Sœur AGATHE, LE JÉSUITE, CLITANDRE



LE JÉSUITE, attaquant Clitandre par derrière.

Quoi? Pendant que vous vous baisez,

Je resterai les bras croisés ?

Pardonne à ma robe, Clitandre;

En voyant l'embonpoint et la vive blancheur

De ton joli postérieur.

D'un goût italien je n'ai pu me défendre.

Poursuis ; ne te dérange pas :

S'il le faut, pour t'attendre, on redouble le pas.



CLITANDRE, après qu'ils ont fini.

J'excuse en toi, papa, le goût antiphysique;

Il tient à l'habit jésuitique.

Mais, quand d'un sexe aimable on peut combler les vœux,

Comment peut-on chérir ce commerce honteux?



LE JÉSUITE

Ce goût n'est point si ridicule i

Hylas fut le mignon d'Hercule;

Socrate brûla, nous dit-on,

Pour Alcibiade et Phédon ;

Jupiter amoureux enleva Ganymède ;

Hyacinthe amusait les loisirs d'Apollon ;

César caressait Nicomède ;

Chez la reine des nations,

Chaque empereur eut ses gitons.

On vit dans tous les temps la Grèce et l'Italie

Suivre cette douce manie.

Aujourd'hui, même avec succès,

Elle règne chez les Français.



SŒUR AGATHE

Taisez-vous, séducteur, une telle infamie

Ne peut qu'exciter mon courroux.

Elle doit sa naissance à cette secte impie

Qui voudrait se passer de nous.

Pour brûler d'une ardeur et réciproque et pure.

L'homme et la femme furent faits.

Prostituer son sexe, outrager la nature

Fut toujours à mes yeux le plus grand des forfaits.



SCÈNE VI ET DERNIÈRE



MARTON, Sœur AGATHE, GLITANDRE, LE JÉSUITE



MARTON, sortant du cabinet où elle s'était réfugiée.

J'apporte une triste nouvelle,

Amis, avec la nuit nos plaisirs vont finir.

Agathe, la cloche t'appelle,

Et le ciel commence à blanchir.



SŒUR AGATHE

Adieu donc, vigoureux athlètes.

Objets de nos brûlants désirs,

Ramenez quelquefois dans ces tristes retraites

L'amour, les jeux et les plaisirs.

Tandis que vingt beautés faciles,

Clitandre, à tes transports céderont tour à tour

Et que tes écoliers dociles,

Cher père, à tes besoins s'offriront chaque jour,

Entre ces murs épais, pour jamais resserrée.

Je verrai dans les pleurs mes jours se consumer,

Si, touchés des tourments d'une fille égarée.

Vous ne venez les ranimer.



LE JÉSUITE

Non; je ne reçois point un adieu si funeste.

Pour fêter encor vos appas, .

Belles, un seul instant nous reste ;

Reprenons nos tendres ébats.



MARTON

Avant de commencer une joute nouvelle.

Rassurez nos cœurs délicats;

Chers amis, ne nous trompez pas.

Jurez qu'au moindre avis, pleins d'une ardeur fidèle,

Vous revolerez dans nos bras.



CLITANDRE, LE JESUITE

Nous le jurons tous deux.



CLITANDRE

Que le dieu de Gythère

Nous fasse éprouver sa colère

Si vous brûlez pour des ingrats.

Mais profitons du temps. Marton, sois moins sévère,

A l'instant que ton jeune amant

Au temple des plaisirs entrera par devant,

Ouvre l'autre porte au bon Père :

Tandis que ton doigt libertin

De la fringante sœur fourragera les charmes,

L'aimable nonne, de sa main.

Par un chatouillement badin,

Hâtera l'effet de nos armes.



LE JÉSUITE

Cher Clitandre, que tardez-vous?

De sa grotte Vénus vous accorde l'entrée.

Marton, recevez sans courroux

Ce trait enflammé dont les coups

Portent de nouveaux feux dans votre âme enivrée. •

Frappons..., frappons à l'unisson

La voluptueuse Marton;

Redoublons son tendre délire.

A la fougue de nos désirs

Que ses sens ne puissent suffire ;

Faisons-la succomber sous le poids des plaisirs.



CLITANDRE

Que tes chatouillements, Agathe,

Augmentent ma félicité !



SŒUR AGATHE

Marton, que ta main délicate,

Par sa folâtre activité,

Dans mes sens agités répand de volupté !



MARTON

Eh ! vite... cher ami... je me meurs... je me pâme;

Par des torrents délicieux

Apaisez l'ardeur qui m'enflamme.

Je sens... Ah ! quel plaisir! vous m'inondez tous deux.



SŒUR AGATHE

Arrête-toi, Marton, je n'y saurais suffire.

Quel doux frémissement !...



MARTON

Quels coups impétueux !



CLITANDRE

Trémoussement voluptueux !



LE JÉSUITE

Douce langueur... fougueux délire!

Nous goûtons le bonheur des dieux.

(Il tombe sur le sopha.)



CLITANDRE

Reprenons nos habits. Adieu, filles charmantes,

Dont l'aimable naïveté

Effacera les traits de ces froides amantes

Que guide le caprice et la cupidité.

Belles sans art et sans parure,

Tendres avec sincérité.

Vous savez égayer une austère clôture

Et vous suivez en liberté

Le doux penchant de la nature.

Que je quitte à regret ce séjour enchanté !

Dans le monde, l'amour est un rude esclavage.

Les sentiments et le langage,

Tout respire la fraude et l'infidélité.

La pudeur d'une femme est un masque hypocrite ;

Dans ses plus doux transports règne la fausseté.

C'est dans le cloître seul qu'habite

La véritable volupté.


lundi 28 avril 2014

Les plaisirs du cloître, comédie érotique du XVIIIè siècle (anonyme) (1)

-->La pièce se déroule au couvent de N.D, dans la chambre d'une jeune pensionnaire prénommée Marton. Impatiente de découvrir l'amour, cette dernière s'en ouvre à son amie, soeur Agathe, qui lui propose un rendez-vous galant avec Clitandre et un Jésuite.La rencontre a lieu au cours de l'acte III.
                                                             ----------------------

Avis aux lecteurs
Cette comédie avait été composée pour un théâtre de société; la difficulté de bien distribuer les rôles a empêché jusqu'à présent qu'elle n'ait été jouée. Ceux d'Agathe et de Marton étaient aisés à remplir et brigués par les jeunes dames. Ceux de Clitandre et du Jésuite demandaient des acteurs d'une certaine force, et personne n'osa s'en charger. Il viendra peut-être des temps plus heureux. Quoique cette pièce doive emprunter une partie de son mérite du jeu du théâtre et de la nouveauté du spectacle, l'auteur a cru que la simple lecture pourrait amuser. Il a évité avec soin toute expression qui eût pu blesser des oreilles délicates. Pourquoi craindrait-on de jeter la vue sur des objets qui sont tous les jours sous nos yeux, que la plupart des lecteurs connaissent par expérience et dont le détail ne choque personne dans les contes et les romans? S'il se trouve dans cet ouvrage quelques situations un peu vives, elles tiennent nécessairement au sujet. L'auteur se flatte de l'avoir traité avec toute la décence dont il était susceptible.
Heureux si le beau sexe, pour qui seul il a travaillé, daigne lire sa pièce et lui accorde son suffrage.
(...)
 
ACTE TROISIEME



SCÈNE PREMIÈRE

Sœur AGATHE, MARTON



SŒUR AGATHE

Tout succède au gré de nos vœux,

Marton, un jeune enfant m'attendait à la porte;

Nos amants l'envoyaient ; viens vite, je t'apporte

La réponse de tous les deux.

Que je vais tendrement caresser mon jésuite !

Vois la lettre qui m'est écrite.

(Elle lit.)

« Je rendrai, cette nuit, hommage à tes appas,

« Nous ferons à Marton oublier sa disgrâce.

« Reçois Priape dans tes bras

« Sous le manteau de saint Ignace. »



MARTON

Si la vigueur du père égale son esprit,

Que ton sort est heureux! ma chère.

Voyons ce que Clitandre écrit.

(Elle lit.)

« Ce soir, à l'ombre du mystère,

« Marton, je vole à vos genoux.

« J'en jure par l'amour, j'en jure par sa mère :

« Votre amant fortuné sera digne de vous. »

Ce billet est charmant.



SŒUR AGATHE

Chacun a son mérite.

Si celui de Clitandre est plus respectueux,

Je vois dans celui du Jésuite

Un ton plus familier, plus vif, plus amoureux.



MARTON

Faut-il s'en étonner? Des transports de Clitandre

Jusqu'ici ma sagesse avait su se défendre.

Maître de tes appas, le père est moins flatté

D'un bien qu'il a déjà goûté.

Mais, chut... j'entends du bruit... Ah! que je suis émue!

On entre : où me cacher? Ah ciel! je suis perdue.



SCÈNE II



LE JÉSUITE, CLITANDRE, Sœur AGATHE, MARTON.



LE JÉSUITE, sautant au col d'Agathe.

Ma reine, je vole à ta voix.

Que par ce baiser plein de flamme,

Répété mille et mille fois.

Tous mes feux passent dans ton âme.



GLITANDRE, aux genoux de Marton.

Vous me fuyez, Marton. Ah! quelle cruauté!

Rendez-vous aux désirs de l'amant le plus tendre.

De mes transports cessez de vous défendre

Dans ces heureux moments faits pour la volupté.



MARTON, se débattant.

Dans quel abîme, Agathe, ô ciel! m'as-tu conduite?



SŒUR AGATHE

Eh quoi! tu fais l'enfant? tu prétends résister?

Cède au plaisir sans hésiter.

(Elle l'embrasse.)

Viens, timide Marton; mon cœur te félicite

Du bonheur que tu vas goûter.



LE JÉSUITE, entraînant Agathe.

C'est assez, laissons-les, ma chère :

Pour accorder ces deux amants,

Ta présence est peu nécessaire.

Ne perdons point ainsi de précieux moments.



SŒUR AGATHE

Me siérait-il d'être sévère?

Allons sur ce sopha voisin;

D'un torrent de plaisir viens inonder mon sein :

Je me livre à toi, mon cher père.

(Ils se retirent vers le fond du théâtre et se baisent.)



MARTON, pendant que Clitandre la renverse sur le lit et la trousse.

Ah! Clitandre, que faites-vous?

Quoi! vous me mettez toute nue?



CLITANDRE

Permets que j'adore à genoux

Les célestes attraits dont l'amour t'a pourvue;

Laisse-moi de ton corps contempler la blancheur,

L'élasticité, la fraîcheur.

Pardonne un amoureux caprice.

De ce petit lieu de délices,

Qu'ombrage une épaisse toison.

Par ce baiser ardent je prends possession.



MARTON, s'agitant.

Y pensez-vous? Cessez, Clitandre


CLITANDRE  

Bannis un ridicule effroi.



MARTON

Tu te précipites sur moi?

Cruel, de tes transports je ne puis me défendre.

Laisse-moi, du moins, cher amant,

Me placer plus commodément.

(Elle s'arrange et croise ses jambes sur les reins de Clitandre.)



SŒUR AGATHE, se rapprochant.

Eh bien, ami, Marton est-elle encor pucelle ?



CLITANDRE

J'ai soumis à la fin cette beauté rebelle.

Dans ce petit antre charmant

Je vais porter l'embrasement.



SŒUR AGATHE

Ne la ménagez point.



MARTON

Ah! cruel! Quel martyre!

Quelle grosseur!... Il me déchire...

Arrête... Ouf... il me crève... Arrête un seul moment...

Le bourreau va toujours; il ne veut pas m'entendre.



LE JÉSUITE

Sois insensible à son tourment;

Ce n'est pas le cas d'être tendre.



MARTON

Il redouble... le chien... Ah!... ah!



CLITANDRE

Je suis vainqueur.

Je vais, pour calmer ta douleur.

Verser sur ta blessure un baume salutaire;

Le sens-tu?... le sens-tu, ma chère?



MARTON, se trémoussant.

Je sens une douce chaleur.

Qui me pénètre jusqu'au cœur.

Je sens distiller goutte à goutte...

Perce... enfonce, aimable vainqueur.

Ne t'amuse point sur la route...

Pousse, ami... pousse vivement...

Où suis-je?... Je me meurs... Soutiens-moi, cher amant...



CLITANDRE, se relevant.

Ma reine me pardonne-t-elle?

Je sens ce qu'elle a dû souffrir.

Pour les jeunes beautés, nécessité cruelle,

Il faut par la douleur arriver au plaisir.



MARTON, rabaissant ses Jupons.

De joie et de regret, tour à tour combattue.

J'ose à peine sur toi, cruel, lever la vue.

Adieu vertu, sagesse, honneur,

Un instant a souillé ma gloire et ma pudeur.

Cher Clitandre, ah! du moins, si tu m'étais fidèle :

On attaque, on subjugue, on oublie une belle.



CLITANDRE, tendrement.

Bannis ces soupçons odieux.

Comblé de tes faveurs, je t'en aimerai mieux;

Viens : je veux sur toi-même en sceller la promesse.



MARTON, entraînant Clitandre.

Eh bien, jouis de ma faiblesse;

Monte sur ce lit avec moi.

Je m'abandonne toute à toi.



LE JÉSUITE, à sœur Agathe.

Accompliront-ils seuls l'amoureux sacrifice?

Soulage mon tourment, daigne, aimable novice.

M'offrira contre-sens l'objet de mes désirs.

Tout chemin peut conduire au temple des plaisirs.



SŒUR AGATHE

Ah! qu'un amant est tyrannique!

Tu le veux, il faut le vouloir.

(Elle se place et relève ses cotillons; le Jésuite se courbe sur elle et la menace d'une fausse attaque.)

Point de caresse jésuitique,

Fripon, ou pour jamais je renonce à te voir.

Je ne prétends te recevoir

Que par la route canonique.



LE JÉSUITE

Belle Agathe, sur moi tu connais ton pouvoir;

Je ne te ferai point d'injure;

Si parfois au collège à nos jeunes garçons

Nous donnons de telles leçons,

C'est pour soulager la nature.

Soulève-toi, ma sœur.

Suis-je bien?



SŒUR AGATHE

Pousse avec vigueur...

Pousse, ami ; ne crains point d'ébranler ta monture.



LE JÉSUITE

Comme tu l'as gobé ! Pour prix de ton ardeur.

Reçois ce trait de feu.



SŒUR AGATHE

Quelle flamme subtile

Dans mon cœur embrasé distille...

Ne finiras-tu point... je n'y saurais tenir...

Je vais expirer de plaisir.



MARTON, tirant le Jésuite par sa robe.

Allons donc, libertin, rendez-moi mon amie;

Athlètes, suspendez vos coups ;

J'apporte des gâteaux pour Clitandre et pour vous;

Ce vin rallumera votre flamme amortie

Buvons à Bacchus, à l'Amour

Rendons hommage tour à tour.



(Ils mangent et boivent; pendant ce temps, Agathe et Clitandre s'éclipsent.) à suivre...


dimanche 27 avril 2014

Vues de Paris au XVIIIè siècle

le port aux blés, quai des ormes : on y décharge le blé, l'orge, l'avoine, en provenance des plateaux de l'Yonne et de la Brie. A l'extrême gauche, on distingue Notre-Dame   
La statue du roi Louis XIV était initialement pédestre ; démolie à la révolution (en 1792), elle fut remplacée par une statue équestre en 1822.
La Bastille, et sur la droite, la monumentale porte Saint-Antoine. Celle-ci, trop gênante pour la circulation, sera détruite en 1778-79 (?). Elle comportait trois ouvertures, deux pour les piétons, une pour les voitures.
l'île Louviers, autrefois reliée à la rive droite par la passerelle de Grammont. On aperçoit sur l'île (notamment ci-dessous) les amas de bois flotté qui servaient aux ébénistes et aux charpentiers du faubourg Saint-Antoine

mercredi 23 avril 2014

Voltaire et l'affaire Calas... (2)

                               

Lors de cette intervention donnée à Montréal au mois de mars 2014, Marion Sigaut évoque l'exécution de Calas (à partir de la 38è min.), précisant un peu plus loin que l'intolérance et le fanatisme religieux n'y ont eu aucune part...

Il y a trois ans de cela, dans un court billet consacré à cette affaire (voir ici), j'expliquais les raisons qui ont conduit Voltaire à prendre fait et cause pour le drapier toulousain, accusé fin 1761 du meurtre de son fils et condamné à mort par le Parlement toulousain au début de l'année suivante. Peu après l'exécution, Voltaire écrit au Cardinal de Bernis : "Il faut regarder le parlement de Toulouse, ou les protestants, avec des yeux d'horreur." Deux jours plus tard (le 27 mars), il dit à son ami le Comte d'Argental : "Il y a certainement d'un côté ou d'un autre, un fanatisme horrible". Dans un premier temps, même s'il a des doutes, Voltaire admet encore la version officielle : si le protestant Calas a tué son fils pour l'empêcher de se convertir au catholicisme, il n'a eu que ce qu'il méritait. Quelques jours auparavant, il écrivait d'ailleurs à l'un de ses correspondants : "Vous avez entendu parler d'un bon huguenot que le Parlement de Toulouse a fait rouer pour avoir pendu son fils (...) Il a immolé son fils à Dieu (...) Nous ne valons pas grand-chose mais les huguenots sont pires que nous...". 
Voltaire n'a jamais été très charitable avec les culs-bénits (il qualifiera souvent l'épouse Calas d'"huguenote imbécile"). Pourtant, de quelque côté qu'il la prenne, il sent que cette affaire peut lui profiter :

- si le père est coupable, c'est qu'il voulait empêcher son fils de se convertir (rappelons que ce dernier voulait entrer au barreau et que la loi en excluait alors les protestants).
- s'il est innocent, c'est que le capitoul David de Baudrigue l'a accusé à tort, après une enquête bâclée, et dans un climat anti-protestant qui devait servir ses intérêts personnels.
 
le capitoul Baudrigue désignant le coupable Calas
Dans les deux cas, la question religieuse est évidemment au centre de l'affaire, quoi qu'en dise Marion Sigaut. S'il en fallait une autre preuve, il suffirait de relater dans le détail l'inhumation du corps de Marc-Antoine Calas, le 8 novembre 1761 : on le porte dans un cimetière catholique (rappelons qu'il ne l'était pas), et la procession est encadrée par des membres de la confrérie des Pénitents blancs (communauté catholique). Au cours du service religieux, on présente aux yeux de l'assistance un squelette représentant le défunt, portant dans une main la palme du martyr et dans l'autre un écriteau avec l'inscription "Abjuration de l'hérésie"...
Pénitents blancs
En somme, alors que l'instruction n'est pas encore achevée, l'opinion publique a déjà tranché : 
1- Marc-Antoine Calas ne s'est pas suicidé (sans quoi son corps aurait été jeté à la voirie)
2- Le mobile du meurtre est religieux.
3- Jean Calas est donc coupable. 

(à suivre)

lundi 21 avril 2014

Paris, par Nicolas Jean-Baptiste Raguenet (3)

Nicolas Jean-Baptiste Raguenet (1715-1793) a consacré plus de 70 toiles à des vues de Paris.
Au loin, le Pont Neuf ; sur la gauche St Germain l'Auxerrois ; à droite, le Collège des Quatre Nations, siège actuel de l'Institut de France
le Pont Neuf vu depuis le quai de Conti (rive gauche)
le palais des Tuileries ; on discerne l'église St Roch au loin (sur la gauche) 
le pont Marie, construit entre 1614 et 1635, supporte 25 maisons ; sur la gauche, le port au foin ; sur la droite, l'île Saint-Louis 
le port au vin (ou port Saint-Bernard) vu depuis l'Arsenal ; au loin, sur la gauche, les moulins qui surplombent le faubourg Saint-Marcel ; au centre, on distingue le clocher de l'église Saint-Médard

dimanche 20 avril 2014

Paris, par Nicolas Jean-Baptiste Raguenet (2)

Nicolas Jean-Baptiste Raguenet (1715-1793) a consacré plus de 70 toiles à des vues de Paris.
le palais de l'archevêché vu de la rive gauche ; au loin, le pont de la tournelle

le cloître de Notre-Dame vu de la Grêve

sur la gauche, le pont rouge ; sur la droite, le pont Notre-Dame ; la vue est prise depuis le quai des ormes, où se trouvait le port au blé, grand centre d'approvisionnement de la ville.


le chevet de Notre-Dame et la pointe occidentale de l'île Saint-Louis (à droite)