Lors de cette intervention donnée à Montréal au mois de mars 2014, Marion Sigaut évoque l'exécution de Calas (à partir de la 38è min.), précisant un peu plus loin que l'intolérance et le fanatisme religieux n'y ont eu aucune part...
Il y a trois ans de cela, dans un court billet consacré à cette affaire (voir ici), j'expliquais les raisons qui ont conduit Voltaire à prendre fait et cause pour le drapier toulousain, accusé fin 1761 du meurtre de son fils et condamné à mort par le Parlement toulousain au début de l'année suivante. Peu après l'exécution, Voltaire écrit au Cardinal de Bernis : "Il faut regarder le parlement de Toulouse, ou les protestants, avec des yeux d'horreur." Deux jours plus tard (le 27 mars), il dit à son ami le Comte d'Argental : "Il y a certainement d'un côté ou d'un autre, un fanatisme horrible". Dans un premier temps, même s'il a des doutes, Voltaire admet encore la version officielle : si le protestant Calas a tué son fils pour l'empêcher de se convertir au catholicisme, il n'a eu que ce qu'il méritait. Quelques jours auparavant, il écrivait d'ailleurs à l'un de ses correspondants : "Vous avez entendu parler d'un bon huguenot que le Parlement de Toulouse a fait rouer pour avoir pendu son fils (...) Il a immolé son fils à Dieu (...) Nous ne valons pas grand-chose mais les huguenots sont pires que nous...".
Voltaire n'a jamais été très charitable avec les culs-bénits (il qualifiera souvent l'épouse Calas d'"huguenote imbécile"). Pourtant, de quelque côté qu'il la prenne, il sent que cette affaire peut lui profiter :
- si le père est coupable, c'est qu'il voulait empêcher son fils de se convertir (rappelons que ce dernier voulait entrer au barreau et que la loi en excluait alors les protestants).
- s'il est innocent, c'est que le capitoul David de Baudrigue l'a accusé à tort, après une enquête bâclée, et dans un climat anti-protestant qui devait servir ses intérêts personnels.
Dans les deux cas, la question religieuse est évidemment au centre de l'affaire, quoi qu'en dise Marion Sigaut. S'il en fallait une autre preuve, il suffirait de relater dans le détail l'inhumation du corps de Marc-Antoine Calas, le 8 novembre 1761 : on le porte dans un cimetière catholique (rappelons qu'il ne l'était pas), et la procession est encadrée par des membres de la confrérie des Pénitents blancs (communauté catholique). Au cours du service religieux, on présente aux yeux de l'assistance un squelette représentant le défunt, portant dans une main la palme du martyr et dans l'autre un écriteau avec l'inscription "Abjuration de l'hérésie"...
Pénitents blancs |
En somme, alors que l'instruction n'est pas encore achevée, l'opinion publique a déjà tranché :
1- Marc-Antoine Calas ne s'est pas suicidé (sans quoi son corps aurait été jeté à la voirie)
2- Le mobile du meurtre est religieux.
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