mardi 20 octobre 2020

Faut-il punir les blasphémateurs ?

Loi civile, loi morale, loi religieuse... 

Les événements que nous venons de vivre posent une fois encore la question du droit, sujet déjà central à l'époque des Lumières, notamment dans le combat mené par Voltaire contre l'institution judiciaire de son temps.

Car le droit que s'arrogent aujourd'hui certains hommes de "châtier" leurs prochains, notre justice d'Ancien Régime l'appliquait de manière tout aussi implacable.

 

Diot et Lenoir, brûlés en place publique pour "crime de sodomie"


Rappelons pour commencer que la procédure pénale était alors largement réglementée par l'ordonnance royale datant d'août 1670 et dont vous trouverez le texte ici.  Comme l'explique fort bien D. Jousse dans son Traité de justice criminelle (1771), on peut à cette époque différencier trois types de "crimes", selon l'"objet" auquel ils portent atteinte : les crimes de lèse-majesté (divine ou humaine) et ceux qui s'en prennent aux particuliers : la première catégorie comprend les blasphèmes, les impiétés, l'athéisme (...) ; la seconde comprend les attentats contre la personne du roi et son gouvernement ; la dernière catégorie est celle qui fait offense aux personnes (à leur corps, leur honneur, leurs biens...).
Ce préalable posé, expliquons quel fut  le véritable objectif des Lumières (de Voltaire en particulier), à savoir laïciser la justice et la dépouiller de fondements théologiques qui confondent crime et péché.
Cette revendication imposait en parallèle une réflexion sur la proportionnalité des délits et des peines

 Plus tôt dans le siècle (dans l'Esprit des lois, en 1748), Montesquieu avançait déjà de telles propositions, à savoir que le blasphème et l'impiété ne devaient pas relever des hommes, mais uniquement de Dieu. Pour lui comme pour Voltaire, aucun principe religieux n'avait à interférer dans la pratique judiciaire. Le patriarche de Ferney dira avec la malice qui le caractérise : "il est absurde qu'un insecte croie venger l'être suprême. Ni un juge de village, ni un juge de ville, ne sont des Moïse et des Josué" (Commentaire sur le livre Des délits et des peines, 1766). Précisons d’ailleurs avec Benoît Garnot (il enseigne à l'université de Bourgogne) que ledit Voltaire ne s'est véritablement intéressé à la question judiciaire (l'affaire Calas, notamment) que dans le cadre de son combat anticlérical.

 

Condamné pour blasphème et impiété

 

Il n’appartient à personne de condamner le fonctionnement de la justice pénale du XVIIIè siècle. Pour donner sens au combat mené par les intellectuels des Lumières, je me contenterai donc de rappeler quelques cas de condamnation (j'ai volontairement souligné la nature du crime commis) :

- Arrêt du 4 décembre 1719 par lequel le nommé Claude Detence de Ville-aux-bois, pour blasphèmes, a été condamné à faire amende honorable in figuris, à avoir la langue percée, et aux galères à perpétuité.
- Autre arrêt de la Cour du 29 juillet 1748... par lequel Nicolas Dufour, pour avoir proféré plusieurs horribles et exécrables blasphèmes contre le Saint nom de Dieu, la Sainte Eucharistie et la Sainte Vierge, a été condamné à faire amende honorable nu en chemise et la corde au col, ayant écriteaux devant et derrière, portant ces mots, blasphémateur du Saint Nom de Dieu..., et ensuite à avoir la langue coupée et à être pendu, et son corps brûlé et réduit en cendres.
- Autre arrêt du 13 mars 1724... par lequel Charles Lherbé, nourricier de bestiaux, pour blasphèmes et impiétés exécrables a été condamné... à avoir la langue coupée et à être brûlé vif.
Vous trouverez ces cas mentionnés dans le Traité de justice criminelle (1771) (à partir de la page 266, ici)

mardi 22 septembre 2020

Les Etats Généraux vus par Jean-Christian Petitfils (3)

 Les extraits qui suivent proviennent d'une contribution de l'écrivain Jean-Christian Petitfils au Livre Noir de la Révolution Française (2008). 

Il propose ici une relecture très personnelle de la convocation des Etats Généraux.

 

(pour lire ce qui précède)

L'élément déclenchant fut, comme l'a montré l'historien Timothy Tackett, le refus des députés de la noblesse de vérifier leurs pouvoirs en présence de ceux du tiers. En réaction, ceux-ci se constituèrent en assemblée autonome le 12 juin. Il fallait « couper le câble», comme disait l'abbé Sieyès. Le 17, cette assemblée à laquelle s'étaient joints quelques membres du clergé, dont l'abbé Grégoire, se proclama «Assemblée nationale ». «Ce décret, dira avec pertinence Mme de Staël, était la Révolution même. » Le 19, les délégués du clergé décidèrent de rejoindre le tiers. Le 20, redoutant la dissolution des états généraux, les membres de la nouvelle assemblée prononcèrent le fameux serment du Jeu de Paume, jurant de ne pas se séparer tant qu'une constitution du royaume n'aurait pas été rédigée.

Au regard de l'ancien droit et des institutions monarchiques, c'était un coup d'État sans précédent, un gigantesque déplacement de pouvoir mettant à bas tout l'édifice séculaire du mystère capétien, auréolé du sacre de Reims. L'assemblée s'était emparée du pouvoir constituant au nom de la souveraineté nationale, telle que l'avait définie Sieyès dans sa fameuse brochure, et elle entendait l'exercer en plénitude, dépouillant le roi de sa propre souveraineté.

Le moment était capital, décisif, même si les députés mirent un certain temps à en tirer toutes les conséquences. On passait d'une représentation de la nation à l'ancienne, assise sur la juxtaposition des intérêts sociaux, à celle d'une nation moderne, fondée sur un corps politique unifié, englobant l'ensemble des citoyens, dans laquelle en définitive le roi n'avait plus sa place, sinon comme un simple fonctionnaire. À l'absolutisme monarchique, qui dans la réalité n'était qu'une fiction, compte tenu de la multitude des corps intermédiaires de l'Ancien Régime, se substituait l'absolutisme populaire, pouvoir fort, redoutable, détenteur de toute autorité, exécutive, législative et judiciaire, enclin par son origine comme par sa nature à la toute-puissance. Le rejet du bicaméralisme en septembre ne fit qu'aggraver le mouvement. Ce concept d'une souveraineté unique, appartenant à la nation et s'incarnant dans une assemblée omnipotente, allait peser lourd sur la suite de la tragédie révolutionnaire. Bientôt, on verra l'assemblée réduire les pouvoirs du roi telle une peau de chagrin, voulant légiférer jusque dans le domaine religieux, au point de se prendre parfois pour un concile œcuménique! «Nous sommes une convention nationale, dira le député Camus le 3 mai 1790. Nous avons assurément le pouvoir de changer la religion, mais nous ne le ferons pas» ! Cette appropriation sans partage de la souveraineté par une assemblée élue rendait impraticable toute monarchie constitutionnelle, malgré la bonne volonté de Louis XVI, prêt pourtant, pour le bonheur de son peuple, à tenter l'expérience. Roi réformateur, ayant accepté la fin de la société d'ordres, les droits de l'homme et à peu près toutes les transformations de la société civile, il aurait pu être le meilleur roi possible pour la Révolution naissante, mais c'est elle finalement qui, par son intransigeance dogmatique, n'a pas voulu de lui.

Il est permis de penser que tous les maux ultérieurs de la Révolution, l'emballement des événements, les désordres, le déchirement des factions, le déchaînement des violences, la Terreur elle-même,trouvent leur origine dans cet acte fondateur. Une si brutale et si violente révolution juridique permet aussi de comprendre pourquoi la démocratie française sera fort différente des démocraties britannique ou américaine, sagement hérissées de contre-pouvoirs, respectueuses du droit des minorités et qui, elles, n'ont pas eu l'audace prométhéenne de placer au centre de leur réflexion politique la question quasi métaphysique de la souveraineté originelle.

La rupture radicale est souvent l'ennemie du bien commun

dimanche 16 août 2020

Les Etats Généraux vus par Jean-Christian Petitfils (2)

Les extraits qui suivent proviennent d'une contribution de l'écrivain Jean-Christian Petitfils au Livre Noir de la Révolution Française (2008). 
Il propose ici une relecture très personnelle de la convocation des Etats Généraux. 




À l'ouverture des états généraux, le 5 mai 1789, le monarque avait donc récupéré une large capacité de manœuvre. Sans doute la situation sociale était-elle devenue délicate au fil des mois. En avril, la troupe avait dû réprimer durement l'émeute Réveillon, qui avait fait tache d'huile aux faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel. On avait dénombré au moins 300 morts. On peut néanmoins penser qu'en dépit de ces troubles liés à des difficultés économiques que l'Ancien Régime connaissait régulièrement, la France, à ce moment-là, aurait pu évoluer en douceur vers un nouveau régime, conduisant à la disparition de la société d'ordres. Au vieil absolutisme monarchique se serait substituée une monarchie constitutionnelle dotée d'une représentation permanente des peuples. De là sans doute serait née progressivement une monarchie parlementaire, qui aurait maintenu dans son principe - et c'est ce qui était important pour la stabilité de l'ordre public - la souveraineté royale. C'est ce qui était advenu à l'Angleterre après sa Glorious Revolution de 1688. L'évolution vers la « modernité» s'était faite en douceur au cours du XVIIIe siècle. 
Aujourd'hui encore, en Grande-Bretagne, la reine est, en son Parlement, la « fontaine des pouvoirs ». Elle est pleinement souveraine, ce qui n'empêche pas la nation britannique d'être l'une des plus démocratiques du monde.

Pourquoi donc et comment cette marge de manœuvre dont Louis XVI disposait à l'ouverture des états généraux a-t-elle été gâchée?

Trois facteurs principaux au moins expliquent le déclenchement de la crise révolutionnaire de juin, «tragédie centrale du règne », comme l'a bien vu l'historien britannique John Hardman.

Le premier fut la singulière division du Conseil du roi et de la cour. Une large partie de l'entourage royal rejoignit le clan des partisans de l'absolutisme animé par le comte d'Artois: le groupe des Polignac, favorable au début à la modernisation de la monarchie administrative, et la reine elle-même, qui allait exercer sur son mari une influence néfaste. Tous estimaient qu'il fallait mettre un coup d'arrêt à la fermentation de l'opinion. Artois avait dit à son frère que «sa couronne était en danger, que Necker était un second Cromwell ».

Le second facteur fut le refus de Necker, à qui incombait la conduite des affaires intérieures, de proposer aux états généraux un programme détaillé de réformes. L'assemblée des députés, forte de 1 154 membres, réunie à l'hôtel des Menus-Plaisirs, se trouva ainsi livrée à elle-même, après une séance d'ouverture le 5 mai, magnifique quant au déploiement du faste monarchique, mais atone sur le plan politique et qui laissait sur leur faim les éléments les plus réformateurs. Le discours de Necker, en particulier, faisait étalage de chiffres, de technique financière, au milieu d'un flot de lieux communs, évoquait longuement la dette et le déficit, sans proposer le moindre remède. Personne ne comprit où il voulait en venir. Et ce fut tout. Des semaines furent perdues ensuite à vérifier les pouvoirs des élus, dans une vive atmosphère de tension entre les trois ordres. L'inaction engendra l'exaspération.

Le dernier facteur fut la maladie du petit dauphin, Louis Joseph Xavier, qui mourut de tuberculose à sept ans, le 4 juin. Louis et Marie-Antoinette furent accablés par ce décès, qui ne souleva pas la moindre émotion dans l'opinion. «À partir de ce jour-là, écrira la reine à son frère Léopold, le peuple est en délire et je ne cesse de dévorer mes larmes. » Les députés du tiers, qui avaient élu Bailly comme doyen - Bailly qui déclarait: «Vos fidèles communes (ainsi désignait-il, à l'image de l'Angleterre, l'assemblée particulière du tiers état) n'oublieront jamais cette alliance du trône et du peuple contre les aristocraties» -, insistèrent pour être reçus par le roi, comme l'avaient été les nobles. Sans succès. Louis, tout à sa douleur, refusa, en s'interrogeant: «N'y a-t-il pas un père parmi ces gens-là? » Les députés bretons du tiers, particulièrement hostiles à la noblesse, tous membres du club Breton, ancêtre du club des Jacobins, allèrent trouver l'ancien intendant de Bretagne, Bertrand de Molleville, et lui demandèrent eux aussi comment approcher le roi et le soutenir dans sa volonté de réformes. La délégation, une fois de plus, fut éconduite. Le garde des Sceaux Barentin, acquis à la faction du comte d'Artois, faisait barrage devant le roi, de plus en plus isolé et enfermé dans un impénétrable silence. L'autisme apathique du pouvoir, incapable de communiquer, l'irritante aboulie du roi, l'attentisme prudent de Necker créèrent un climat de malaise, d'incertitude et d'incompréhension qui allait vite dégénérer. L'image débonnaire et paternelle du monarque se brouilla sans doute dès ce moment-là. Ce fut en tout cas la vacuité du gouvernement royal qui déclencha le mouvement de 1789. Les députés des états généraux n'étaient pas à l'origine des révolutionnaires, ils allaient le devenir.

(à suivre ici)

mardi 7 juillet 2020

Les Etats Généraux vus par Jean-Christian Petitfils (1)


Les extraits qui suivent proviennent d'une contribution de l'écrivain Jean-Christian Petitfils au Livre Noir de la Révolution Françaisen (2008). 
Il propose ici une relecture très personnelle de la convocation des Etats Généraux.
 
JC Petitfils

Qu'allait faire Louis XVI? À un Conseil élargi, tenu le 27 décembre, les discussions furent particulièrement vives. Les avis divergeaient parmi les ministres et secrétaires d'État. En définitive, Louis se prononça en faveur de la double représentation du tiers. La reine, exceptionnellement conviée au Conseil, qui s'était exclamée au cours de la crise de mai: « Je suis la reine du tiers, moi! », approuva. Une question subsistait, celle du vote.
Devait-il se faire par tête ou par ordre? Il fut décidé que les ordres régleraient eux-mêmes la question. C'était déjà un progrès, même si les fondements de la société d'ordres n'étaient pas remis en cause, pas plus, bien entendu, que la souveraineté royale. Plus importante était l'acceptation par le monarque de la tenue d'états généraux périodiques, chargés de voter les nouveaux impôts notamment, première étape d'un système de monarchie constitutionnelle. Pour tenir compte de la volonté populaire, Louis XVI bousculait jusqu'à la sacro-sainte constitution coutumière de son royaume, défendue par ses prédécesseurs! Osera-t-on encore dire qu'il n'était pas un roi réformateur?
Cependant, la situation économique s'était aggravée. En raison d'un automne et d'un hiver très rigoureux (le gel avait partiellement paralysé l'économie du royaume), la misère avait gagné les campagnes, jetant sur les routes des milliers de désœuvrés et de chômeurs. La disette, voire dans certaines zones la famine, menaçait. La question du ravitaillement des villes devenait épineuse, malgré le retour au contrôle des approvisionnements (la « police des grains») dès septembre 1788 et les achats de farine à l'étranger. Le prix du pain atteindra le 14 juillet 1789 un record, jamais égalé depuis la mort de Louis XIV. Le climat social s'alourdissait. Un climat pré-insurrectionnel s'installait, encouragé par l'attente des états généraux. On ne comptait plus les pillages de boulangeries, de greniers à sel ou de granges dîmières. Des émeutes de la misère éclataient un peu partout en province, jusque dans les grandes villes.
La bataille électorale pour la désignation des députés aux états généraux se déroula cependant dans une totale liberté d'opinion. Journaux, pamphlets, libelles, brochures proliférèrent. Les autorités se montrèrent fort libérales, supprimant la censure et autorisant la réouverture des clubs. Les sociétés de pensée, les loges franc-maçonnes, les comités mesmériens, sans leur attribuer le rôle primordial que certains ont cru leur assigner, contribuèrent grandement à la mise en forme des cahiers de doléances et à la diffusion de modèles pré-rédigés. L'historien Augustin Cochin l'a fort bien montré. La plus importante des associations politiques était la « Société des Trente », fer de lance du parti national, qui comptait dans ses rangs les ducs de La Rochefoucauld, de Luynes, de Montmorency-Luxembourg, le marquis de La Fayette, Mgr de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, le vicomte de Mirabeau, Condorcet, les frères Lameth, le président Le Peletier de Saint-Fargeau, l'avocat général Hérault de Séchelles, le conseiller Du Port ...
Dans la foisonnante littérature politique qui circulait à cette époque, deux ouvrages connurent un franc succès : les Mémoires sur les états généraux du comte d'Antraigues, rousseauiste et violemment anti-absolutiste, qui représentait le courant aristocratique et réactionnaire, nostalgique de la féodalité, et Qu'est-ce que le tiers état?, paru anonymement au début de 1789 et dont l'auteur était l'abbé Sieyès. Ce dernier brûlot occupe une place capitale dans l'histoire de la pensée politique en ce qu'il énonce avec une clarté inégalée le principe de la souveraineté nationale. On connaît la formule lapidaire par laquelle il commence:
 « Qu'est-ce que le tiers état? Tout.
Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique? Rien.
Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »
Formule percutante, mais inexacte si l'on poursuit la lecture de l'opuscule: Sieyès, en réalité, déniait toute représentativité aux deux autres ordres constitutifs de la nation, le clergé et la noblesse.
« Le tiers est la nation tout entière », martelait-il. Ce sera donc à lui d'être le « tout ». « Le tiers seul, dira-t-on, ne peut pas former les états généraux. Eh bien, tant mieux ! Il composera une assemblée nationale. » L'abbé posait ainsi la question de la souveraineté nationale, détentrice non seulement du pouvoir législatif, mais aussi du pouvoir constituant, ce qui signifiait implicitement la subordination totale du monarque à la volonté politique exprimée par l'«assemblée nationale» à venir. Jusque-là, la souveraineté royale tirait sa puissance et sa justification - en dehors, bien sûr, de l'affirmation de son origine divine - du monopole du pouvoir politique qu'il assumait face à la diversité des corps et des ordres. La souveraineté nationale, exprimée par Sieyès, était exclusive de la souveraineté monarchique.
Louis XVI, évidemment, ne pouvait faire sienne cette théorie.
Il considérait que les états généraux représentaient la diversité des intérêts du pays et non les opinions ou les idées politiques. En aucune manière, même s'il acceptait désormais leur consultation périodique, il ne pouvait voir en eux autre chose qu'un organe consultatif destiné à éclairer ses décisions. Selon la bonne tradition monarchique, la plénitude des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire lui revenait. Lui seul faisait corps avec la nation.
Il escomptait donc que cette diversité des intérêts à représenter apparaîtrait au cours de la campagne électorale. C'est la raison pour laquelle, contrairement à Marie de Médicis au moment des états de 1614, il n'intervint pas dans la bataille des candidats ou l'élaboration d'un programme. Il ne s'était évidemment pas rendu compte qu'il avait perdu le monopole du politique et que la bataille avait changé de front. « Il ne s'agit plus que très secondairement du roi, du despotisme et de la Constitution ; c'est une guerre entre le tiers et les deux autres ordres », observait le journaliste Mallet du Pan en janvier 1789.
Pourtant, la situation ne paraissait nullement alarmante. La brochure de l'abbé Sieyès n'énonçait qu'un point de vue minoritaire et fort radical que les autres membres du parti national ne reprenaient pas encore à leur compte. Des quelque 60 000 cahiers de doléances ressortait une aspiration générale à la liberté et au respect de la propriété. Beaucoup souhaitaient la suppression des lettres de cachet, la réunion périodique des états généraux, le consentement de l'impôt et de l'emprunt par la représentation nationale ... Tout cela était d'ailleurs plus ou moins acquis, hormis peut-être la disparition pure et simple de la justice retenue du roi (les lettres de cachet), qui permettait de régler sans publicité ni retard des questions délicates, touchant parfois à l'honneur des familles. En revanche, personne ne remettait en cause le caractère monarchique du régime. Nombre de cahiers qualifiaient Louis XVI de « roi sauveur », « père du peuple, régénérateur de la France », «monarque libérateur », «meilleur des rois» vers qui convergeait un « transport d'amour et de reconnaissance». .. Globalement, le peuple souhaitait ardemment une alliance entre la Couronne et le tiers, contre les aristocraties.

(à suivre)

lundi 22 juin 2020

L'inspecteur Jean Poussot, raconté par Hervé Bennezon

Dans cet ouvrage, l'historien Hervé Bennezon retrace le parcours d'un des plus efficaces inspecteurs parisiens du XVIIIè siècle.

Un travail de fourmi remarquablement documenté.


Dans sa préface, Robert Muchembled précise que Hervé Bennezon est "le premier historien à décrire l'existence et les actions d'un représentant de base de l'autorité, qui arpente inlassablement les rues de Paris... Il reste au lecteur à découvrir ce bel essai d'histoire vue d'en bas, écrit avec autant de talent que de modestie."

jeudi 11 juin 2020

A mort, les Lumières !

Article intéressant trouvé sur le blog de Médiapart


A MORT LES LUMIERES ! 

 

La philosophie des Lumières est aujourd’hui violemment prise à partie. Ennemie de toujours pour le courant réactionnaire ou l’extrême-droite, elle est désormais également dénoncée par une partie de la Gauche. Certes, le fait, historiquement, n’est pas tout à fait nouveau mais il prend de l’ampleur. En effet, c’est maintenant sans aucune pudeur ni scrupule que l’idéal du Progrès, le règne de la Raison et l’Universalisme sont dénoncés. Les Lumières, dès lors, apparaissent comme étant, au mieux, obsolètes, au pire, néfastes. Le discours anti-Lumières, circonscrit à des sphères politiques connues et identifiées, n’est pas une nouveauté mais il se trouve qu’aujourd’hui il déborde largement de ces champs et se diffuse également au sein de la population où il se révèle être un dissolvant de la démocratie. Il y a donc danger. Philippe Val, qui fut rédacteur en chef de Charlie-Hebdo, avait en son temps tiré le signal d’alarme (Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, Grasset, 2008). Mais Val n’est pas, n’est plus, une référence en ces temps de Zemmour et consorts.
Kant et Voltaire ? Diderot et Montesquieu ? Aux orties ! La philosophie des Lumières et son corollaire, les droits de l’homme, seraient devenus une sorte d’intégrisme, la face cachée d’une dictature morale (la bien-pensance), contre lesquels il est de bon ton de lutter au nom de… la liberté d’expression ! Voilà exactement ce que promeut Marion Maréchal-Le Pen dans sa nouvelle école (ISSEP, Lyon). Là, il convient de réactiver les penseurs contre-révolutionnaires du XIXe siècle (de Bonald, de Maistre) ou, plus proches de nous, les « identitaires »,  les « décadentistes » ou autres « déclinistes ». Voilà qui ne pourra que satisfaire Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et ex patron de la chaîne Histoire (sic) qui a clairement condamné les mythes du progrès et de l’égalité dans son ouvrage La Cause du peuple (Perrin, 2016). On pourrait s’étonner que M. Buisson défende la cause du peuple mais il n’en est rien, c’est une longue tradition à l’extrême-droite aujourd’hui largement réactivée et qui s’étend. De plus, dans certaines circonstances historiques le peuple peut être contre la démocratie (on pourra lire Yascha Mounk, Le Peuple contre la démocratie, Editions de l’Observatoire, 2018).
Un numéro de Charlie-Hebdo (janvier 2019), qu’il convient de souligner puisque depuis 2015 « On est tous Charlie » ( !), se demandait qui voulait éteindre les Lumières. Et le danger est bien plus grand que celui représenté par les seuls frères Karachouaki… Ainsi, pour les contempteurs, nous serions tous aveuglés par les Lumières. Ce qui, en un sens, semble logique et souhaitable… La critique des Lumières, longtemps cantonnée à des cercles politiques précis ou à des positions littéraires et esthétiques somme toute marginales, devient aujourd’hui monnaie courante et semble même constituer, par une inversion sémantique originale, un espoir d’émancipation. Ces pauvres philosophes du XVIIIe siècle, qui ne demandaient qu’émancipation des tutelles morales, religieuses et politiques de leur temps, les voilà pourvoyeurs d’un conservatisme obsolète, voire, et plutôt, d’une forme de tyrannie intellectuelle et morale. C’est le comble ! Si l’on s’intéresse à la situation actuelle, Voltaire, Diderot, pour ne citer qu’eux, promoteurs d’une Europe des Lettres, se voient aujourd’hui dénoncés par une Europe des populismes, et non pas, comme l’adjectif pourrait le laisser croire, par une Europe des Peuples.
Face au retour du religieux, aux philosophies antirationalistes, aux replis nationaux ou communautaires et au règne du complotisme, des fake-news et de la post-vérité, la philosophie des Lumières semble bien démunie. Ainsi, les démocraties libérales, filles des Lumières et modèles qui semblaient indépassables durant des décennies dans le monde occidental, paraissent aujourd’hui, sinon proches de l’agonie, à tout le moins très souffrantes. L’Europe démocratique est actuellement bien malmenée et voit éclore en son sein des courants autoritaires et « illibéraux », donc, par définition, anti-Lumières. Sous couvert d’anti-élitisme une vague nauséabonde déferle sur l’Europe. De l’Italie à la Scandinavie, en passant par la Hongrie, l’Espagne et la Pologne, et peut-être bientôt la France, voilà un flux clairement ennemi de la philosophie des Lumières. Si le Président Macron s’est, dès le soir de son élection, érigé en défenseur des Lumières, qu’il associe au projet européen, sa politique sociale désastreuse n’est pas faite pour servir ce combat. Elle créé, dans l’opinion générale, une association douloureuse entre Lumières et « gagnants de la mondialisation ». Ainsi, ceux « qui sont tout » seraient aussi les garants de l’esprit des Lumières. Il est alors aisé de comprendre que celui-ci soit ouvertement critiqué. A ce jeu l’esprit des Lumières ne sera pas gagnant et un grand tort lui est fait. Emmanuel Macron a eu certes le mérite de replacer les Lumières dans le discours politique mais cela reste un discours…
Attaquer les Lumières c’est s’en prendre à l’idée de Progrès ou plutôt aujourd’hui, sous la menace écologique, à ce qui est perçu comme l’illusion du Progrès. Il est par conséquent de plus en plus délicat de se définir comme « progressiste » quand le progrès ne peut être assimilé qu’à des risques majeurs ou, socialement, à la réussite des plus nantis. Ainsi, la philosophie des Lumières est identifiée et dénoncée comme la matrice d’un libéralisme dévastateur et donc condamnée à ce titre. Ainsi fait, entre autres, le philosophe Jean-Claude Michéa. La philosophie des Lumières serait mère de l’ultra-libéralisme et se cacherait derrière le paravent bien commode des Droits de l’Homme pour faire accepter toute sa nocivité. Dès lors que les tenants de la nouvelle modernité sont également des libéraux, partisans de réformes d’importance et socialement douloureuses, et, pour certains, se réclamant des Lumières, ils entraînent celles-ci dans un opprobre général. Déjà, en 2006, Régis Debray avait dénoncé les « Aveuglantes Lumières ».
Les coups pleuvent donc sur les Lumières et ils viennent désormais de droite comme de gauche. Quant aux catholiques ultraconservateurs ils voient là comme l’occasion d’une revanche inespérée. L’universalisme des Lumières se retrouve, une nouvelle fois, accusé d’avoir crée une société d’individus atomisés, coupés des racines essentielles (le territoire, la famille et, pour certains, l’Eglise). Ainsi reviennent en force les auteurs contre-révolutionnaires (de Bonald, de Maistre, Burke…) dont on retrouve les livres sur la table de chevet des néo-maurrassiens et qui alimentent la nouvelle pensée réactionnaire dont Zemmour est le parfait exemple. De même assiste-t-on à une convergence entre les nouveaux réactionnaires, les « identitaires » et les défenseurs des racines chrétiennes de la France. Convergence qui s’exprime et se matérialise dans les débats sociétaux : mariage homosexuel, PMA, GPA, remise en cause de la loi de 1905… Pour ne rien dire de l’immigration…
Virginie Vota, une nouvelle venue chez les Anti-Lumières
Or, on l’a dit, une partie de la Gauche est elle aussi touchée par ce mouvement. Si une partie des intellectuels de gauche se replie sur les Lumières au travers d’un néo-républicanisme érigé sur les ruines du marxisme, qui ne rend pas toujours service à la cause, et fait de la philosophie du XVIIIe siècle l’un des fondements de l’identité française, une autre partie, investie notamment dans les études post-coloniales, dénonce les principes abstraits et le rationalisme hérités des Lumières et de la Révolution qui conduiraient, selon eux, à un universalisme républicain ethnocentriste. Cette pensée, d’origine universitaire, est aujourd‘hui récupérée, instrumentalisée et « racisée » par des mouvements communautaristes, ce qui, de toute évidence, est difficilement compatible avec l’universalisme des Lumières. Au cœur de cette sensibilité l’universalisme est réduit à une « affaire de Blancs », ce qui serait, si tel était le cas, pour le moins dangereux. Ainsi, pour les « décoloniaux », par exemple, le pays des Lumières aurait passé par profits et pertes une partie de l’humanité (non « blanche ») dans sa définition de l’universalisme. Ce que peut, hélas, confirmer sans peine le colonialisme. Enfin, du côté des féministes, la philosophie des Lumières est également la cible de critiques car celle-ci aurait fait peu de cas de la condition féminine. Pour être globalement vrai ce reproche oublie le combat d’un Condorcet, certes, à ce sujet, très isolé. Mais, devant tant d’attaques, on reste pensif car au nom de quoi parler du droit des femmes ou des minorités, si ce n’est, in fine, au nom de l’universalisme ? L’impératif moral kantien peut apporter une réponse.
Joseph de Maistre, l'un des maîtres à penser des Anti-Lumières
Dès lors peut-on s’interroger : la post-modernité sera-t-elle destructrice des Lumières ou celles-ci sont-elles solubles dans celle-là ? En ces temps de crispation sociale intense ne serait-il pas opportun, face à la déliquescence des élites et aux exagérations et simplifications excessives populaires de réaffirmer le pouvoir de la Raison ? Pour demeurer dans un cadre strictement hexagonal, le pacte républicain français, historiquement, repose sur la Raison. Certes, en son temps, la philosophie du XVIIIe siècle n’a pas tout mis en lumière (la question sociale par exemple) et la Révolution a, par la suite, fait de la Raison, au nom de la Vertu, un instrument particulièrement redoutable. Ne convient-il pas aujourd’hui de réaffirmer le pacte républicain, fondé sur la Raison, et de faire place également à une nouvelle raison démocratique ?
Une des grandes difficultés actuelles est que le savoir, et sa reconnaissance, sont en crise. Or la Raison s’appuie sur le savoir et sur la reconnaissance de celui-ci. Ainsi, le droit des élites à diriger s’est longtemps adossé au savoir qu’on leur attribuait et à leur capacité à agir en fonction de la Raison. Tout cela semble bien loin. Mais, si le fondement du savoir est sapé, l’édifice est ébranlé et les émotions se substituent à la Raison. Les élites, cachées derrière le paravent du savoir (on dit aujourd’hui le plus souvent « expertise ») et de la Raison, à laquelle elles ne rendent pas service, sont, en grande partie, responsables d’avoir dénaturé ces fondements de l’intelligence, de l’universalisme et, disons le, d’un certain humanisme. Ainsi, leur discours ne passe plus car il masque le plus souvent la justification des inégalités et un mépris de classe, auxquels il faut ajouter une profonde fracture culturelle.
Savoir et Raison sont désormais l’objet de procès. Ce qui, chacun en conviendra, est fort regrettable. La Raison, émancipatrice par nature, est aujourd‘hui bien souvent dénoncée, et ce fort paradoxalement, comme un frein à l’émancipation (est-ce à dire la libération des instincts ?). Pire, elle serait devenue, sous ses oripeaux universalistes et libéraux, quasiment totalitaire. Alors, faut-il, avec Jean M. Goulemot, se résigner à dire Adieu les philosophes (Seuil, 2001) ? Ou redonner sa place pleine et entière à la Raison afin d’éviter que les passions ne soient par trop dévastatrices ?... De quoi devenir comme Jacques, fataliste…
                                                                                              Yanis Laric 
(avril 2020, blog Mediapart)

vendredi 5 juin 2020

L'anti-Justine, roman érotique de Restif de la Bretonne (4)

 L'anti-Justine est un roman de Restif de la Bretonne, paru en 1798. Dans les chapitres précédents, le jeune Jean-Baptiste a évoqué son éveil à la sexualité en compagnie de ses soeurs, Babiche et Madeleine.
Il rend ensuite visite à Marie, son autre soeur.

 
Restif de la Bretonne

 

Chapitre IV. D’un autre beau-frère cocu

Madeleine évita de m’accorder des faveurs, dont les suites l’effrayaient ! Mais je ne sentis pas longtemps cette privation : huit jours après la dernière scène, je partis pour venir à Paris. J’y allais pour apprendre ; mais il ne sera pas ici question de mes études. Je fus logé chez la belle Marie, la seconde de mes aînées.
J’avais, pour mon pucelage, fait cocu mon père ; j’avais cornifié mon frère utérin, en faisant décharger, et foutant enfin avec émission une sœur paternelle qu’il avait épousée et que j’engrossai, car Bourgelat n’a jamais eu que cet enfant, venu au monde neuf mois après ma fouterie au grenier à foin. Mais j’avais encore bien de l’ouvrage, avec huit sœurs, dont six, ou du moins cinq, étaient souverainement enconnables.
Mais revenons à Marie, la plus belle de toutes… Un jour de Vierge, Marie était parée, chaussée avec ce goût particulier aux jolies femmes, et un superbe bouquet ombrageait ses blancs tétons. Elle me fit bander. J’avais quatorze ans ; j’avais déjà foutu et engrossé trois femmes, car Mammellasse avait une fille, qu’elle se vantait que je lui avais faite, et qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Jenovefette Linguet. Ainsi, je n’eus pas des désirs vagues ; je tendais directement au con de ma provocante aînée. Après le dîner, elle alla dormir, dans une alcôve obscure, et s’étendit sur le lit conjugal. Elle avait vu bander son mari, dont la culotte blanche était juste, et elle voulait lui donner le plaisir de le lui mettre parée. Je me cachai pour les guetter. Mais mon beau-frère, après avoir pris les tétons et le con de ma sœur, avoir admiré ce dernier, en éclairant l’alcôve, se réserva sans doute pour la nuit suivante : il se retira doucement ; je lui vis prendre sa canne, son chapeau, et sortir. J’allai pousser un verrou.
En revenant, je refermai les rideaux, le mari les avait laissés ouverts, et sa femme troussée. Je me mis sur elle déculotté, bien bandant, et j’enfilai sa fente, suçant tantôt ses tétons découverts, tantôt ses lèvres entr’ouvertes. Elle me croyait son mari. Un bout de langue me chatouilla. J’étais entré tout calotté. Le filet, que je n’avais pas encore coupé, recourbait mon vit et le faisait paraître gros comme celui de l’époux. Je poussai. Ma belle s’agita, et mon long vit atteignit le fond. Alors ma sœur, demi-pâmée, se trémoussa. Je déchargeai…, et je m’évanouis…


Ce fut ce qui me fit reconnaître. La belle savoura les dernières oscillations de mon vit. Mais dès qu’elle eut éprouvé tout le charme d’une copieuse décharge, elle se déconna en me jetant sur le côté ; elle ouvrit les deux rideaux de l’alcôve, et me regardant : « Ah ! grand Dieu ! c’est Cupidonnet ! Il m’a déchargé tout au fond ! Il s’est évanoui de plaisir !… » Je revenais à moi. Elle me gronda, en me demandant qui m’avait appris cela ? « Ta beauté, lui dis-je, adorable sœur ! — Mais si jeune ! » Je lui racontai alors toute ma vie : Comme j’avais patiné, léché le conin de Jenovefette ; comme j’avais gamahuché, enfin enfilé le con soyeux de Madeleine ; foutu Mad. Linguet, la croyant Mad. Bourgelat ; comment Mammellasse s’était fait enconner par moi ; comment, ne pouvant me passer de con, je léchotais le conichon de Babiche ; comment j’avais engrossé les trois femmes que j’avais enconnées ! « Ah ! ciel !… Mais tu es bien indiscret ! — Je ne le suis avec toi que parce que tu es ma sœur aînée, que je t’ai foutue (le récit que je venais de débiter, les tétons de ma sœur, sa chaussure, me faisaient rebander), et que je vais, divine Marie, te foutre encore. — Mais mon mari… — J’ai poussé le verrou… » Elle me pressa contre son beau sein, en me disant tout bas : « Petit coquin, fais-moi aussi un enfant !… » Je la ré-enconnai, j’émis sans m’évanouir. 

La belle Marie n’avait pas encore eu d’enfant ; je fus père de Mlle Beauconin, fille unique de mon beau-frère de ce nom.
Je passerai toutes les fouteries communes ; ce n’est qu’à force de volupté, de tableaux libidineux tels que les savoureuses jouissances qui vont suivre, qu’on peut combattre avantageusement, dans le cœur et l’esprit des libertins blasés, les goûts atroces éveillés par les abominables productions de l’infâme et cruel de Sade ! Ainsi, je réserve toute ma chaleur pour décrire des jouissances ineffables, au-dessus de tout ce qu’a pu inventer l’imagination exquisement bourrelle de l’auteur de Justine. 

( à suivre )

mardi 12 mai 2020

L'anti-Justine, roman érotique de Restif de la Bretonne (3)


Chapitre III. De la mère foutue

L'anti-Justine est un roman de Restif de la Bretonne, paru en 1798. Dans les chapitres précédents, le jeune Jean-Baptiste a évoqué son éveil à la sexualité en compagnie de ses soeurs, Babiche et Madeleine.

Cette dernière venant de se marier, il décide de lui rendre visite.

(pour lire depuis le début)



Comme après le mariage de Madeleine et son retour à Reims j’étais un peu plus formé, je désirai vivement de le lui mettre. Depuis plus de deux ans, j’en étais réduit à patiner et gamahucher ma sœur Babiche, avec quelques-unes de nos cousines germaines. Mais, ou mon vit grossissait, ou tous ces conins imberbes rétrécissaient… Je demandai un rendez-vous nocturne à la nouvelle Mad. Bourgelat. Elle me l’accorda pour le soir même. Nous étions à notre ferme, et son mari venait de partir, pour se rendre à Reims, où une affaire l’appelait. Je ne sais par quelle aventure, cette même nuit, mon père se trouva incommodé. Ma mère, après l’avoir secouru, craignant de le gêner, alla se mettre auprès de sa bru. Celle-ci, la voyant endormie, se leva doucement, pour venir coucher avec moi, tandis que de mon côté j’allais à elle. Nous ne nous rencontrâmes pas, malheureusement !… Je me mis à côté de la femme que je trouvai dans le lit. Elle était sur le dos ; je la montai tout endormie et l’enconnai. J’étais surpris d’entrer aussi largement ! Elle me serra dans ses bras, hocha quelques coups de cul, moitié assoupie, en disant : « Jamais ! Jamais, vous ne m’avez donné tant de plaisir !… » Je déchargeai aussi, mais je m’évanouis sur ses tétons, encore fermes parce qu’elle n’avait pas nourri, et qu’on ne les lui avait jamais patinés. Mme Bourgelat revint auprès de nous au moment où je m’évanouissais.


Elle fut bien étonnée des mots que venait de prononcer sa doublement belle-mère ! Elle comprit que je l’avais foutue, et elle me reporta dans mon lit encore évanoui… Ainsi donc, c’est dans le con maternel que je venais d’émettre ma première semence !… Ma mère, entièrement éveillée, dit à Madeleine : « Mais que faites-vous donc, ma fille ? » J’étais revenu à moi. Ma sœur retourna au lit de ma mère, qui lui dit tout bas : « Ma bru, vous avez de drôles de façons !…Mon mari, répondit Mme Bourgelat, me fait souvent mettre dessus ; je rêvais, et je l’ai fait. Eveillée, je suis sautée du lit. » Ma mère crut cela.

Cependant le coup porta. Mme Linguet devint grosse, et accoucha secrètement d’un fils, beau comme Adonis, et elle eut l’adresse de le substituer à un garçon de son fils, cet enfant étant mort en naissant. C’est de lui dont il sera un jour question, sous le surnom de Cupidonnet, dit Petitcoq, mon neveu.

Huit jours s’écoulèrent. Après quoi, bien remis de mon évanouissement, j’eus un autre rendez-vous. Mais admirez mon malheur ! Nous avions été entendus d’une grosse tétonnière, notre moissonneuse, qui dormait dans la grange. Comme Mme Bourgelat devait venir dans mon lit, Mammellasse, qui m’aimait, car elle se branlait souvent à mon intention, et qui d’ailleurs n’était pas méchante, se contenta de dire à mon frère de fermer les nuits la porte de sa chambre à la clef, et de la cacher, pour cause… Il le fit. Mais jugez de mon étonnement, quand, au lieu d’un con soyeux, et de tétons ronds et délicats, je patinai une conasse à crins de cheval, et deux gros ballons bien gonflés. Elle se le mit, je poussai, et j’eus assez de plaisir. Mais je fus encore prêt à m’évanouir.

Enfin je le mis à Madeleine, dans le grenier à foin. J’allais comme un fou, en l’enconnant. Mais au troisième coup de cul qu’elle donna, je m’évanouis… 

(à suivre ici)








vendredi 8 mai 2020

L'anti-Justine, roman érotique de Restif de la Bretonne (2)

L'anti-Justine est un roman de Restif de la Bretonne, paru en 1798. Dans le chapitre précédent, le jeune Jean-Baptiste a évoqué son éveil à la sexualité (voir ici)

 

Chapitre II. Du con soyeux

Mes autres sœurs étaient l’une sérieuse, elle me retint dans les bornes, mais j’ai depuis foutu ses deux filles à Paris ; ma troisième était encore trop jeune ; ç’a été une superbe fille à dix-huit ans ; je me rejetai néanmoins sur cette enfant, lorsque je m’aperçus que Cathos, jumelle de Jenovefette, était inabordable. Il me fallait un con, depuis que j’en avais palpé un. Je patinai Babiche (NDLR : caresser) ; enfin, un dimanche qu’elle était bien arrangée et que ma mère l’avait baignée, je la gamahuchai (pratiquer le cunnilingus).
Ce fut à cette bénigne opération que je fus surpris par l’ardente Madeleine au con soyeux ; elle nous examina longtemps avant de nous troubler, et voyant que la petite avait du plaisir, elle fut tentée. Elle parla. Nous nous remîmes décemment. Madeleine ne dit mot ; elle renvoya Babiche, puis elle hasarda de badiner avec moi. Elle me renversa sur la paille de la grange, j’avais attiré Babiche, et lorsque je fus par terre, elle me chatouilla, passant par-dessus moi, jambe de ça, jambe de  ! Par hasard je portai la main sous ses jupes, et j’y trouvai l’admirable con soyeux. Ce poil divin détermina mon goût pour elle. Je devins fou du con de Madeleine Linguet, je lui demandai à le baiser. « Petit coquin ! me dit-elle, attends un moment. » Elle alla au puits tirer un seau d’eau et s’accroupit dessus… Elle revint et badina encore. Enflammé, hors de moi, je lui dis, dans ma fureur érotique : « Il faut que je lèche ce joli trou ! » Elle se mit sur le dos, les jambes écartées, je léchai ; la belle Madeleine hocha du cul : « Darde ta langue dedans, cher petit ami ! » me disait-elle, et je dardais, et elle haussait la motte. Je fourgonnais avec rage ! Elle eut tant de plaisir qu’elle se récria. Je bandais comme un petit carme, et comme je ne déchargeais pas, j’avais toujours la même ardeur ; aussi m’adorait-elle. Obligée de me quitter, Madeleine me donna des friandises, que je mangeai avec Babiche

Un soir, ma sœur au con soyeux me dit : « Cupidonnet, ta jolie broquette est toujours bien roide, quand tu me lèches. Il me semble que si nous étions dans le même lit, tu pourrais la faire entrer dans la bouche de ma petite marmotte que tu aimes tant à sucer et dont le poil est si doux ! J’aurais sûrement bien du plaisir ! Et peut-être toi aussi ? Viens c’te nuit… »
Quand tout le monde fut endormi, je me glissai dans le lit de ma grande sœur. Elle me dit : « J’ai vu mon père, un jour qu’il venait de caresser ma sœur, la belle Marie, qui partait pour Paris, courir sur ta mère, sa grosse broche bien roide, et lui fendre la marmotte ; je vais te montrer, tu feras comme lui. Et moi aussi, je l’ai vu. Bon ! bon ! » Elle se disposa, me plaça sur elle, me dit de pousser, et riposta. Mais elle était pucelle, et quoique bandant roide, je ne pus introduire, je me faisais mal. Pour Madeleine Linguet, elle déchargea sans doute, car elle se pâma.
Oh ! que je regrettai ce joli con soyeux, que je léchais et fourgonnais depuis six mois ! Mon père, Claude Linguet, qui ne me ressemblait pas, éloignait ses filles dès qu’elles l’avaient fait bander. On prétend que Madeleine avait tenté de se le faire mettre par lui… Quoi qu’il en soit, trois jours après, elle partit pour la capitale, notre frère aîné, l’ecclésiastique, lui avait trouvé une place de gouvernante d’un chanoine de Saint-Honoré. Ce cafard ne tarda pas à connaître ce qu’elle valait. Il y avait une porte dérobée, de lui seul connue, qui donnait dans la chambre de ses gouvernantes, qu’il allait patiner durant la nuit. Mais il n’avait jamais trouvé de con aussi joli, que le con soyeux de Mlle Linguet ! Il voulut le voir. Sa beauté le ravit, et il n’eut plus de repos qu’il ne l’eût foutu. Une nuit, qu’elle dormait d’autant plus fort qu’elle en faisait semblant, il la gamahucha. Elle déchargea sensiblement. Aussitôt le chanoine monte sur elle et l’enconne. Elle le pressa dans ses bras, en remuant du cul. « Ah ! mignonne, lui dit-il, que tu as le mouvement bon ! Mais n’as-tu pas de mal ? car je te crois un peu putain ! » Sa chemise et les draps ensanglantés lui prouvèrent qu’elle était pucelle. Il l’adora. Elle foutit saintement avec ce saint homme pendant deux ans, et le mit au tombeau. Cependant il la dota ; ce qui fit qu’elle épousa le fils du premier mari de ma mère

(à suivre ici