jeudi 30 mars 2017

Féminisme, toujours...

Comme je comprends l'amertume d'une Louise d'Epinay, d'une Louise Dupin, ou encore d'une Marie du Deffand, parvenues à l'âge adulte, nourrissant des ambitions intellectuelles, mais se découvrant impuissantes à les concrétiser !

***

Quelles pouvaient être leurs réactions en lisant les règlements des communautés religieuses dont elles étaient pour la plupart issues ? Prenons au hasard celui de Ste-Anne, dépendant de la paroisse de St-Roch à Paris : "...il ne faut pas exiger d'elles (des filles) plus que Dieu leur a donné et qu'elles peuvent faire, si on ne peut pas tirer d'avantage il suffit qu'elles croient ce qui est nécessaire et qu'elles soient de bonnes mœurs"
Puisqu'elles sont inférieures aux hommes, puisqu'elles s'avèrent incapables d'appréhender les matières les plus complexes, qu'elles soient au moins de bonnes moeurs ! 
On s'en contentera bien...
Et on se passera de leur enseigner les mathématiques, les sciences, les langues vivantes, ou encore les langues anciennes ! Pensez donc, à quoi cela leur servirait-il ?


***

J'ai lu et entendu des absurdités sans nom sur le supposé humanisme chrétien au XVIIIè. Et notamment que l'Eglise aurait travaillé à la scolarisation progressive des jeunes filles tout au long de ce siècle. Rendez-vous compte ! 60% d'entre elles savaient signer un document au moment des Etats Généraux (seulement 30% d'entre elles un siècle plus tôt) !
Une politique des plus nobles, n'est-ce pas ?
 Encore faut-il s'interroger sur les finalités de cet enseignement.
"Le défaut d'éducation et d'instruction des jeunes filles a toujours été et est en effet la source de la plupart des dérèglements qu'on voit avec douleur au milieu du christianisme" nous apprend le règlement d'une école charitable de l'époque.
Encourager la dévotion et les exercices de piété chez les jeunes filles, c'est donc s'assurer que ces futures mères transmettront ces pratiques et valeurs dans la cellule familiale. 
Tenir la mère, c'est tenir les enfants. 
C'est donc garder son emprise sur l'ensemble de la communauté sociale. 

Je comprends le raisonnement des autorités ecclésiastiques. Confrontées à la dissidence protestante (qu'elles avaient déjà éliminée) et à la mouvance janséniste (qu'elles ne parvenaient pas à éliminer), elles étaient bien conscientes de voir leur influence diminuer. Combien de fois se sont-elles désolées de constater que les fidèles désertaient les églises le dimanche matin, et plus encore au moment des vêpres et les jours de fêtes?
Voyez cet évêque qui, supprimant certains jours de fêtes dans son diocèse, s'expliquait de la sorte : "c'est ce qui nous a déterminés à cette suppression qui, en diminuant le nombre des Fêtes, vous fera un nouveau motif pour célébrer plus chrétiennement celles qui subsisteront..."
Ou cet autre, se justifiant ainsi : "que le saint jour du dimanche et les autres fêtes réservées fussent plus religieusement observées"
Quel meilleur instrument que la jeune fille (la future mère) pour ramener dans le droit chemin (l'Eglise) les brebis égarées (l'époux, les enfants).
Bien loin d'être guidée par des motifs humanistes, l'Eglise a surtout vu dans ces jeunes filles un coeur de cible essentiel dans sa stratégie de reconquête spirituelle.


***

Oui, je comprends leur amertume, à ces femmes d'exception. C'est au contact des grands esprits de leur temps qu'elles ont pris conscience de ce qu'on avait fait d'elles.
Des oiseaux amputés de leurs ailes... 
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jeudi 23 mars 2017

Louise d'Epinay : Mon portrait

 
MON PORTRAIT (en mars 1756)






Je vais me montrer telle que je suis. Je commencerai par le côté qui plaira le plus à mon sexe : j'ai trente ans. Je ne suis point jolie ; je ne suis cependant pas laide. Je suis petite, maigre, très bien faite. J'ai l’air jeune, sans fraîcheur; noble, doux, vif, spirituel et intéressant. Mon imagination est tranquille. Mon esprit est lent, juste, réfléchi et sans suite. J’ai dans l’âme de la vivacité, du courage, de la fermeté, de l’élévation et une excessive timidité. Je suis vraie sans être franche. La timidité m'a souvent donné les apparences de la dissimulation et de la fausseté; mais j'ai toujours eu le courage d'avouer ma faiblesse pour détruire le soupçon d'un vice que je n'avais pas. J'ai de la finesse pour arriver à mon but et pour écarter les obstacles ; mais je n'en ai aucune pour pénétrer les projets des autres. Je suis née tendre et sensible, confiante et point coquette. J'aime la retraite, la vie simple et privée ; cependant j'en ai presque toujours mené une contraire à mon goût, ma timidité ayant souvent fait de mes amis des tyrans, et mon caractère léger et confiant m'ayant empêchée longtemps de m'en apercevoir. Je suis très ignorante. Toute mon éducation s'est bornée à cultiver des talents agréables et à me rendre habile dans l’art de faire des sophismes. Il faut que j'aie l’âme bien honnête et un assez grand fonds d'esprit pour n'être pas un fort mauvais sujet et pour ne pas paraître une assez sotte enfant. Une mauvaise santé et des chagrins vifs et répétés ont déterminé au sérieux mon caractère, naturellement très gai. A tout prendre, je m'aimerais assez comme je suis, si je n'avais été souvent malheureuse par ma faute. Je croyais toutes les âmes honnêtes ; je me livrais à la confiance, à l'amitié, et je ne concevais pas qu'on pût abuser de ma bonne foi. Quand je ne pouvais plus me le dissimuler, j'en étais affligée pour l’humanité, médiocrement pour moi, et le chagrin en durait peu : ce qui tient cependant plus à mon caractère qu'à mon âme. La facilité avec laquelle on m'a vue former des liaisons et les rompre m'a fait passer pour inconstante et capricieuse : on a attribué à la légèreté et à l'inconséquence une conduite souvent forcée, dictée par une prudence tardive et quelquefois par l'honneur. Je suis beaucoup plus affectée du bien que du mal. Ceux qui m'ont donné le plus sujet de les haïr ne m'occupent point. Leur présence me gêne, mais je ne leur veux point de mal. Je suis facile à vivre. Je ne suis point exigeante. La tranquillité suffit presque à mon bonheur. Je suis heureuse de tout le mal qu’on ne me fait pas. J'aime mes amis pour eux et mes enfants pour moi. La boussole de mes sentiments à l’égard des derniers est jusqu'à présent la satisfaction qu'ils me donnent. Je ne médis jamais de personne, pas même pour ma défense; mais je n'ai pas toujours eu le courage de faire taire les médisants. Tous mes amis ont eu droit à mon secret, mais j'ai toujours été impénétrable sur celui des autres, moins par discrétion naturelle que par respect pour le dépôt confié. Il n'y a guère qu'un an que je commence à me bien connaître. Le peu de suite que j’ai dans le caractère a retardé l'utilité que je me promettais de mes découvertes. Les premiers pas cependant étaient les plus difficiles; je les dois à l’amour-propre. Il était le principe de ma timidité; il sert aujourd'hui à me garantir de ses inconvénients en se révoltant contre elle. Il m'a délivré de la tyrannie, et sans me faire concevoir la folle espérance d'être parfaitement sage, il me fait prétendre à devenir un jour une femme d'un grand mérite.


(publié à Genève, en 1759)

samedi 11 mars 2017

PROJET D’UNE LOI portant défense d’apprendre à lire aux Femmes. (2)

Pierre Sylvain Maréchal, né le 15 août 1750 à Paris, et mort le 18 janvier 1803 à Montrouge, est un écrivain, poète et pamphlétaire français.
En 1801, il fait paraître un petit chef-d'oeuvre d'humour antiféministe intitulé.
Voici la 1ère partie de ce texte de loi. 
 
***
 
TEXTE DE LA LOI.

                                    
EN CONSÉQUENCE

I.
La raison veut (dut-elle passer pour Vandale) que les femmes (filles, mariées ou veuves) ne mettent jamais le nez dans un livre, jamais la main à la plume.
 
II.
La Raison veut :

À l’homme, — l’épée et la plume.
À la femme, — l’aiguille et le fuseau.
À l’homme, — la massue d’Hercule.
À la femme, — la quenouille d’Omphale.
À l’homme, — les productions du génie.
À la femme, — les sentimens du cœur.

III.
La Raison veut que chaque sexe soit à sa place, et s’y tienne.
Les choses vont mal, quand les deux sexes empiètent l’un sur l’autre.
La lune et le soleil ne luisent point ensemble.
 
IV.
La Raison ne veut pas plus que la langue française, qu’une femme soit auteur : ce titre, sous toutes ses acceptions, est le propre de l’homme seul.
 
V.
La Raison veut que les sexes diffèrent de talents comme d’habits.
Il est aussi révoltant et scandaleux de voir un homme coudre, que de voir une femme écrire ; de voir un homme tresser des cheveux, que de voir une femme tourner des phrases…
 
VI.
La Raison maintient ce vieux Proverbe :
« Les paroles sont des femelles, les écrits sont des mâles. »
En ce qu’il semble faire les parts et assigner à chacun des deux sexes le talent qui lui convient.
N. B. Toute la sagesse des nations est dans leurs proverbes.
 
VII.
La Raison veut que l’on dispense les
femmes d’apprendre — à lire,
— à écrire,
— à imprimer,
— à graver,
— à scander,
— à solfier,
— à peindre, etc.
Quand elles savent un peu de tout cela, c’est trop ordinairement aux dépens de la science du ménage.
 
VIII.
La Raison veut donc que la plume à écrire et le pinceau, le crayon et le burin, soient interdits à la main des femmes ; l’aiguille à coudre et le fuseau, à la main des hommes. (...)
 
XI.
La Raison veut que les femmes, dans leurs loisirs, apprennent naturellement à chanter, sans livres et sans maîtres ; mais qu’elles ignorent toute leur vie combien il y a de notes dans la musique, de lettres dans l’alphabet, de syllabes dans un vers alexandrin ou pentamètre.
Les femmes sont nées pour être aimables et vertueuses, et non pour devenir des virtuoses et des savantes.
 
XII.
La Raison veut que les maris soient les seuls livres de leurs femmes ; livres vivants, où nuit et jour, elles doivent apprendre à lire leurs destinées.
« Il serait bienséant et honorable (dit un vieux livre) d’ouir une femme qui dirait à son mari : mon ami, tu es mon précepteur, mon maître de philosophie… etc. »
(Institution de l’homme, 1626. p. 441. in-8o.) (...)
 
XIII.
La Raison veut que les femmes sachent leur langue maternelle, seulement :
« C’est une vanité aux femmes (a dit quelqu’un) de parler une langue étrangère. »
(Lettre à une demoiselle, p. 149, in-12. 1737.)
 
XIV.
La Raison veut que l’on fasse grace aux femmes de l’étude aride et sèche de la grammaire ; les femmes étant destinées à des occupations plus agréables et moins stériles.
 
XV.
La Raison veut aussi que l’on dispense les femmes des éléments non moins ingrats de la géographie et de l’histoire ; leur mémoire fragile porte mal le fardeau des dates et d’une lourde nomenclature.
Quel inconvénient, d’ailleurs, à ce que les femmes fassent des anachronismes ?
 
XVI.
La Raison veut que les femmes n’apprennent point à lire aux astres : qu’elles comptent les œufs de la basse-cour, et non les étoiles du firmament !
 
XVII.
La Raison veut que l’on interdise aux femmes la botanique par principes : qu’elles se bornent à la connaissance des plantes potagères et de quelques simples !
 
XVIII.
La Raison n’approuve pas les femmes qui assistent aux leçons de la chimie : les cuisinières qui ne savent pas lire, sont celles qui font la meilleure soupe.
N. B. Le législateur des femmes espère qu’on lui pardonnera ces menus détails. L’utile avant tout.
« Rien n’est vil dans l’intérieur du domestique, pour une femme sage, » dit un poète de la Chine.
(V. Mém. Chin. T. IV. p. 179. in-4o.)
 
XIX.
La Raison souffre de voir les femmes grossir le troupeau des gens de lettres ; elles ont assez déjà des infirmités attachées à leur sexe, sans s’exposer encore à celles de cette profession.
 
XX.
La Raison veut que le médecin d’une femme de lettres lui ordonne, avant tout, de poser la plume et de renoncer aux livres, à tout jamais.
La nièce de Descartes mourut de la pierre, causée par son obstination à l’étude.
Or, le plus beau livre ne vaut pas une femme saine de corps et d’âme.
 
XXI.
La Raison veut que l’on dise toujours les trois Grâces, mais que l’on ne dise plus les neuf Muses ; mythologie injurieuse au sexe, puisqu’elle tend à faire croire que sur douze femmes, on en compte neuf de pédantes, sur trois seulement d’aimables.
« Le goût des lettres chez les femmes, (dit Thomas) a été regardé comme une sorte de pédantisme. »
(Essai sur les Femmes.)
 
XXII.
La Raison déclare qu’une mère de famille n’a pas besoin de savoir lire, pour bien élever ses filles.
 
XXIII.
La Raison et la décence veulent qu’une fille reçoive des leçons de sa mère seulement.
L’éducation du sexe n’eut d’abord (dans le temps que Rome était vertueuse) pour objet, que l’économie intérieure de la maison, et les ouvrages que les mères apprenaient elles-mêmes à leurs filles.
(Habitudes et mœurs privées des Romains, in-8o. p. 275 et 276.)
 
XXIV.
La Raison n’approuve pas ces maisons d’éducation pour les jeunes demoiselles, où on leur apprend tout, excepté la seule chose qu’elles doivent connaître, la science du ménage.
La belle éducation donnée à St-Cyr aux jeunes filles nobles et pauvres, en faisait des femmes pédantes et hautaines. (...)
 
XXVIII.
La Raison veut que toute fille de bonne maison, avant d’obtenir un mari, fasse preuve de talents utiles.
 
XIX.
La Raison veut qu’une jeune vierge, instruite par sa mère aux seules vertus privées, aux seuls détails du ménage, et bien pénétrée de l’amour de ses devoirs et du travail, soit dispensée d’avoir une dot pour avoir un mari.
 
XXX.
La Raison ne conseille à personne de choisir pour épouse et compagne la fille d’une femme lettrée.

mercredi 8 mars 2017

PROJET D’UNE LOI portant défense d’apprendre à lire aux Femmes. (1)

Pierre Sylvain Maréchal, né le 15 août 1750 à Paris, et mort le 18 janvier 1803 à Montrouge, est un écrivain, poète et pamphlétaire français.
En 1801, il fait paraître un petit chef-d'oeuvre d'humour antiféministe intitulé : 
Projet d'une loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes.


***

AUX CHEFS DE MAISON,
AUX PÈRES DE FAMILLE,
ET AUX MARIS.

Qui plus que vous doit sentir la nécessité et l’urgence de la Loi dont le Projet vous est adressé, et soumis à votre prudence ? Les bons ménages deviennent rares ; et c’est vous, les premiers, qui portez la peine des préjugés et des abus qui ont envahi l’éducation des femmes.
Vous tiendrez donc la main à ce Réglement ; il vous intéresse plus peut-être encore que les femmes qui en sont l’objet principal.
Les puissances mâles et femelles du Bas-Empire de la Littérature, vont s’agiter à la promulgation de la présente Loi. On prononcera malédiction sur le Législateur indiscret et téméraire. Déjà en butte aux prêtres, comment n’a-t-il pas craint de leur donner les femmes de lettres pour auxiliaires ? La coalition des femmes de lettres et des prêtres, est une rude chose ; mais que pourra-t-elle si les bons esprits, si les têtes saines opposent leur égide, et placent cette Loi sous le bouclier de la raison ?
Les bonnes mères de famille, les excellentes femmes de ménage, les épouses sensibles, les jeunes filles naïves et toutes naturelles, vengées enfin du méprisant abandon où on les reléguait, sauront peut-être quelque gré au Rédacteur de cette Loi, et rendront justice à la pureté de ses intentions.
Nous ne sommes point dupes (s’écrieront quelques flatteurs des femmes) des ménagements qu’on prend ici pour faire entendre que les deux sexes ne doivent pas être rangés précisément sur la même ligne, dans la grande échelle des êtres, et qu’il faut placer un sexe au-dessous de l’autre.
Il faut répondre : ce n’est point là du tout la pensée du Législateur des femmes. Dans le plan qu’il s’est tracé de la nature, il n’y a pas un seul être inférieur à un autre. Toutes les productions sorties de ses mains sont autant de chef-d’œuvres ; et parmi une infinité de chef-d’œuvres, il seroit absurde d’établir ou de supposer des préférences.
Les deux sexes sont parfaitement égaux ; c’est-à-dire, aussi parfaits l’un que l’autre, dans ce qui les constitue. Rien dans la nature n’est comparable à un bel homme, qu’une belle femme.

Ajoutons pour finir : il n’y a rien de plus laid au monde qu’un homme singeant la femme, si ce n’est une femme singeant l’homme.
Ce Projet de Loi ne pouvait paraître plus à propos, qu’au moment où l’on s’occupe de l’organisation définitive des études.
Vous remarquerez que dans son rapport, si estimable, sur l’Instruction publique, Chaptal garde le plus profond silence touchant les femmes ; il ne leur suppose aucunement la nécessité d’apprendre à lire, à écrire, etc. Partagerait-il l’opinion que leur esprit naturel n’a pas besoin de culture ?



AUX FEMMES.

Si l’on vous interdit l’arbre de la science,
Conservez sans regret votre douce ignorance,
Gardienne des vertus, et mère des plaisirs ;
À des jeux innocents consacrez vos loisirs, etc.
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PROJET


D’UNE LOI,

Portant défense d’apprendre à lire aux Femmes.

MOTIFS DE LA LOI.

Considérant :
1o. Que l’amour honnête, le chaste hymen, la tendresse maternelle, la piété filiale, la reconnaissance des bienfaits… etc., sont antérieurs à l’invention de l’alphabet et de l’écriture, et à l’étude des langues ; ont subsisté, et peuvent encore subsister sans elles.

Considérant :
2o. Les inconvénients graves qui résultent pour les deux sexes, de ce que les femmes sachent lire.

Considérant :
3o. Qu’apprendre à lire aux femmes est un hors-d’œuvre, nuisible à leur éducation naturelle : c’est un luxe dont l’effet fut presque toujours l’altération et la ruine des mœurs.

Considérant :
4o. Que cette fleur d’innocence qui caractérise une vierge, commence à perdre de son velouté, de sa fraîcheur, du moment que l’art et la science y touchent, du moment qu’un maître en approche. La première leçon que reçoit une jeune fille est le premier pas qu’on l’oblige à faire pour s’éloigner de la nature.
Considérant :
5o. Que l’intention de la bonne et sage nature a été que les femmes exclusivement occupées des soins domestiques, s’honoreraient de tenir dans leurs mains, non pas un livre ou une plume, mais bien une quenouille ou un fuseau.

Considérant :
6o. Combien une femme qui ne sait pas lire est réservée dans ses propos, pudibonde dans ses manières, parcimonieuse en paroles, timide et modeste hors de chez elle, égale et indulgente… Combien, au contraire, celle qui sait lire et écrire a de penchant à la médisance, à l’amour propre, au dédain de tous ceux et de toutes celles qui en savent un peu moins… 

Considérant :
7o. Combien il est dangereux de cultiver l’esprit des femmes, d’après la Réflexion morale de la Rochefoucault qui les connaissait si bien : « L’esprit de la plupart des femmes sert plus à fortifier leur folie que leur raison. »

Considérant :
8o. Que la nature elle-même, en pourvoyant les femmes d’une prodigieuse aptitude à parler, semble avoir voulu leur épargner le soin d’apprendre à lire, à écrire. (...)


Considérant :
10o. « Que chaque sexe a son rôle. Celui de l’homme étant d’instruire et de protéger, suppose une organisation forte dans toutes ses parties. Le rôle de la femme doit être bien moins prononcé. Douceur et sensibilité en sont les deux principaux caractères. Tous ses droits, tous ses devoirs, tous ses talents se bornent là, et ce lot vaut peut-être bien l’autre. »

Considérant :
11o. « Que la société civile, dans la distribution de ses rôles, n’en a donné qu’un passif aux femmes. Leur empire a pour limites le seuil de la maison paternelle ou maritale. C’est là qu’elles règnent véritablement. C’est là que, par leurs soins journaliers, elles dédommagent les hommes des travaux et des peines qu’ils endurent hors de leurs foyers. Compagnes tendres et soumises, les femmes ne doivent prendre d’autre ascendant que celui des graces et des vertus privées ; et ce plan de conduite, conforme à la nature, a constamment rendu heureuses celles qui ont eu le bon esprit de ne pas porter leurs vues plus haut. La félicité du genre humain repose, toute, sur les mœurs domestiques. »

Considérant :
12o. Que les hommages que le premier sexe s’est fait une douce habitude de rendre à l’autre, ne sont point adressés au savoir des femmes, mais seulement à leurs grâces et à leurs vertus.
Considérant :
13o. Que les femmes qui se targuent de savoir lire et de bien écrire, ne sont pas celles qui savent aimer le mieux.
L’esprit et le talent refroidissent le cœur.
S…

Considérant :
14o. Que la coquetterie d’esprit est dans les femmes un travers qui, comme l’autre coquetterie, mène au ridicule, et quelquefois au scandale. (...)

Considérant :
 24o. Combien une jeune fille qui sait lire a de peine à résister à la tentation de jeter les yeux sur les lettres d’amour d’un séducteur éloquent.

Considérant :
25o. Combien les romans et les ouvrages de dévotion font de ravage dans le tendre cerveau des femmes.

Considérant :
26o. Combien la lecture est contagieuse : sitôt qu’une femme ouvre un livre, elle se croit en état d’en faire ;
Et femme qui compose en sait plus qu’il ne faut. (...)

Considérant :
31o. Que pour l’ordinaire, une femme perd de ses grâces et même de ses mœurs, à mesure qu’elle gagne en savoir et en talents.
Pour peu qu’elle sache lire et écrire, une femme se croit émancipée, et hors de la tutelle où la nature et la société l’ont mise pour son propre intérêt.
Considérant :
32o. Que la cause supprimée, l’effet tombe de lui-même : ainsi, les femmes ne sachant plus lire, ne nous offriront plus le risible travers de ces diplomates femelles, qui du fond d’un boudoir, le Publiciste à la main, disposent des empires, font la part aux rois, aux républiques… etc.
Considérant :
33o. Que la qualité de femme qui sait lire, n’ajoute rien aux titres sublimes et touchants de bonne fille, bonne épouse et bonne mère, ni aux moyens d’en remplir les devoirs doux et sacrés.
Considérant :
34o. Que la place d’une femme n’est point sur les bancs d’une école, encore moins dans une chaire de théologie, de physique ou de droit, comme il s’est vu plus d’une fois à Bologne, en Italie.

Considérant :
36o. Que les femmes ayant reçu une organisation physique plus frêle et un caractère moral moins décidé que les hommes ; l’étude des lettres n’est pas un puissant moyen de donner de la force et de l’énergie. De l’aveu des philosophes eux-mêmes, les lettres énervent quand elles ne corrompent point.
Fénélon a dit :
« Les femmes ont, d’ordinaire, l’esprit encore plus faible que les hommes. »
Voyez son traité de l’éducation des filles.
Considérant :
37o. Que les femmes les mieux instruites, les plus savantes n’ont jamais enrichi les sciences et les arts d’aucune découverte. « Il n’y a jamais eu de femmes inventrices » dit Voltaire dans ses Questions Encyclop. L’invention de la gaze n’est pas même due à une femme.
Considérant :
38o. Que, quoiqu’on en ait dit, l’esprit et le cœur ont un sexe comme le corps dans la dépendance duquel ils sont tous deux, le moral et le physique étant unis d’une intimité si étroite qu’ils ne font qu’un.

Considérant :
39o. La mort précoce de plusieurs jeunes filles que leurs mères avaient condamnées à l’étude des langues et à d’autres sciences toutes aussi peu compatibles aux forces et aux goûts naturels d’une jeune personne. 

Considérant :
40o. Que presque toujours quand les femmes tiennent la plume, c’est un homme qui la taille. Le mathématicien Clairaut rendit ce service à madame Duchatelet.
Colletet faisait les vers de sa servante, devenue sa femme.
Considérant :
41o. Que, les femmes n’étant assujetties à aucune charge publique, à aucune fonction administrative, n’ayant pas même droit aux fauteuils de l’Institut, elles n’ont nul besoin de savoir lire, écrire…
Considérant :
42o. Que les femmes ont trop d’occupations dans leur ménage, pour trouver du temps de reste et à perdre en lectures, écritures…
Considérant :
43o. Que les douces fonctions de la vie privée sont assez multipliées pour occuper toute entière une femme de mérite ; et que celle qui embrasse la profession d’écrire, n’est pas moins ridicule que ces soldats qui pendant les loisirs de la caserne, prennent l’aiguille de la marchande de modes, ou le tambour de la brodeuse. »
(Galerie Univ. des Hommes illustres, in-4o. Art. Voltaire. Notes.)
Considérant :
44o. Qu’il y a scandale et discorde dans un ménage, quand une femme en sait autant ou plus que le mari.
Considérant :
45o. Combien doit être difficile le ménage d’une femme qui fait des livres, unie à un homme qui n’en sait pas faire.
Considérant :
46o. Combien la première éducation des enfans, nécessairement confiée à leur mère, souffre quand la mère est distraite de ses devoirs par la manie du bel esprit.
« La couvée est mal tenue, quand la poule veut chanter aussi haut que le coq, » dit un vieux proverbe.
Considérant :
47o. Que l’art de plaire et la science du ménage ne s’apprennent pas dans les livres.
L’art d’aimer d’Ovide n’a rien appris aux femmes.
Considérant :
48o. Combien il est ridicule et révoltant de voir une fille à marier, une femme en ménage ou une mère de famille enfiler des rimes, coudre des mots, et pâlir sur une brochure, tandis que la mal-propreté, le désordre ou le manque de tout se fait sentir dans l’intérieur de la maison.
 
Considérant :
52o. Combien les femmes deviennent négligentes, paresseuses, hautaines, exigeantes, acariâtres, peu soumises, pour peu qu’elles sachent lire et écrire ; combien est insoutenable celle qui vise à l’esprit ou au savoir, celle qui parle comme un livre.


Considérant :
53o. Que depuis qu’on rencontre dans toutes les professions, des femmes qui savent lire, la nourrice fait jeûner son nourrisson ; la marchande néglige son comptoir, et la cuisinière son service ; l’ouvrière commence plus tard et finit plus tôt sa journée ; la coëffeuse distraite brûle la blonde chevelure de sa dame ; la garde-malade et l’épicière-droguiste tuent leurs malades par des qui-pro-quo ; et la jeune fille devenue raisonneuse, dit que sa maman radote, et traite son papa de bon-homme.

(à suivre ici)