lundi 22 juin 2020

L'inspecteur Jean Poussot, raconté par Hervé Bennezon

Dans cet ouvrage, l'historien Hervé Bennezon retrace le parcours d'un des plus efficaces inspecteurs parisiens du XVIIIè siècle.

Un travail de fourmi remarquablement documenté.


Dans sa préface, Robert Muchembled précise que Hervé Bennezon est "le premier historien à décrire l'existence et les actions d'un représentant de base de l'autorité, qui arpente inlassablement les rues de Paris... Il reste au lecteur à découvrir ce bel essai d'histoire vue d'en bas, écrit avec autant de talent que de modestie."

jeudi 11 juin 2020

A mort, les Lumières !

Article intéressant trouvé sur le blog de Médiapart


A MORT LES LUMIERES ! 

 

La philosophie des Lumières est aujourd’hui violemment prise à partie. Ennemie de toujours pour le courant réactionnaire ou l’extrême-droite, elle est désormais également dénoncée par une partie de la Gauche. Certes, le fait, historiquement, n’est pas tout à fait nouveau mais il prend de l’ampleur. En effet, c’est maintenant sans aucune pudeur ni scrupule que l’idéal du Progrès, le règne de la Raison et l’Universalisme sont dénoncés. Les Lumières, dès lors, apparaissent comme étant, au mieux, obsolètes, au pire, néfastes. Le discours anti-Lumières, circonscrit à des sphères politiques connues et identifiées, n’est pas une nouveauté mais il se trouve qu’aujourd’hui il déborde largement de ces champs et se diffuse également au sein de la population où il se révèle être un dissolvant de la démocratie. Il y a donc danger. Philippe Val, qui fut rédacteur en chef de Charlie-Hebdo, avait en son temps tiré le signal d’alarme (Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, Grasset, 2008). Mais Val n’est pas, n’est plus, une référence en ces temps de Zemmour et consorts.
Kant et Voltaire ? Diderot et Montesquieu ? Aux orties ! La philosophie des Lumières et son corollaire, les droits de l’homme, seraient devenus une sorte d’intégrisme, la face cachée d’une dictature morale (la bien-pensance), contre lesquels il est de bon ton de lutter au nom de… la liberté d’expression ! Voilà exactement ce que promeut Marion Maréchal-Le Pen dans sa nouvelle école (ISSEP, Lyon). Là, il convient de réactiver les penseurs contre-révolutionnaires du XIXe siècle (de Bonald, de Maistre) ou, plus proches de nous, les « identitaires »,  les « décadentistes » ou autres « déclinistes ». Voilà qui ne pourra que satisfaire Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et ex patron de la chaîne Histoire (sic) qui a clairement condamné les mythes du progrès et de l’égalité dans son ouvrage La Cause du peuple (Perrin, 2016). On pourrait s’étonner que M. Buisson défende la cause du peuple mais il n’en est rien, c’est une longue tradition à l’extrême-droite aujourd’hui largement réactivée et qui s’étend. De plus, dans certaines circonstances historiques le peuple peut être contre la démocratie (on pourra lire Yascha Mounk, Le Peuple contre la démocratie, Editions de l’Observatoire, 2018).
Un numéro de Charlie-Hebdo (janvier 2019), qu’il convient de souligner puisque depuis 2015 « On est tous Charlie » ( !), se demandait qui voulait éteindre les Lumières. Et le danger est bien plus grand que celui représenté par les seuls frères Karachouaki… Ainsi, pour les contempteurs, nous serions tous aveuglés par les Lumières. Ce qui, en un sens, semble logique et souhaitable… La critique des Lumières, longtemps cantonnée à des cercles politiques précis ou à des positions littéraires et esthétiques somme toute marginales, devient aujourd’hui monnaie courante et semble même constituer, par une inversion sémantique originale, un espoir d’émancipation. Ces pauvres philosophes du XVIIIe siècle, qui ne demandaient qu’émancipation des tutelles morales, religieuses et politiques de leur temps, les voilà pourvoyeurs d’un conservatisme obsolète, voire, et plutôt, d’une forme de tyrannie intellectuelle et morale. C’est le comble ! Si l’on s’intéresse à la situation actuelle, Voltaire, Diderot, pour ne citer qu’eux, promoteurs d’une Europe des Lettres, se voient aujourd’hui dénoncés par une Europe des populismes, et non pas, comme l’adjectif pourrait le laisser croire, par une Europe des Peuples.
Face au retour du religieux, aux philosophies antirationalistes, aux replis nationaux ou communautaires et au règne du complotisme, des fake-news et de la post-vérité, la philosophie des Lumières semble bien démunie. Ainsi, les démocraties libérales, filles des Lumières et modèles qui semblaient indépassables durant des décennies dans le monde occidental, paraissent aujourd’hui, sinon proches de l’agonie, à tout le moins très souffrantes. L’Europe démocratique est actuellement bien malmenée et voit éclore en son sein des courants autoritaires et « illibéraux », donc, par définition, anti-Lumières. Sous couvert d’anti-élitisme une vague nauséabonde déferle sur l’Europe. De l’Italie à la Scandinavie, en passant par la Hongrie, l’Espagne et la Pologne, et peut-être bientôt la France, voilà un flux clairement ennemi de la philosophie des Lumières. Si le Président Macron s’est, dès le soir de son élection, érigé en défenseur des Lumières, qu’il associe au projet européen, sa politique sociale désastreuse n’est pas faite pour servir ce combat. Elle créé, dans l’opinion générale, une association douloureuse entre Lumières et « gagnants de la mondialisation ». Ainsi, ceux « qui sont tout » seraient aussi les garants de l’esprit des Lumières. Il est alors aisé de comprendre que celui-ci soit ouvertement critiqué. A ce jeu l’esprit des Lumières ne sera pas gagnant et un grand tort lui est fait. Emmanuel Macron a eu certes le mérite de replacer les Lumières dans le discours politique mais cela reste un discours…
Attaquer les Lumières c’est s’en prendre à l’idée de Progrès ou plutôt aujourd’hui, sous la menace écologique, à ce qui est perçu comme l’illusion du Progrès. Il est par conséquent de plus en plus délicat de se définir comme « progressiste » quand le progrès ne peut être assimilé qu’à des risques majeurs ou, socialement, à la réussite des plus nantis. Ainsi, la philosophie des Lumières est identifiée et dénoncée comme la matrice d’un libéralisme dévastateur et donc condamnée à ce titre. Ainsi fait, entre autres, le philosophe Jean-Claude Michéa. La philosophie des Lumières serait mère de l’ultra-libéralisme et se cacherait derrière le paravent bien commode des Droits de l’Homme pour faire accepter toute sa nocivité. Dès lors que les tenants de la nouvelle modernité sont également des libéraux, partisans de réformes d’importance et socialement douloureuses, et, pour certains, se réclamant des Lumières, ils entraînent celles-ci dans un opprobre général. Déjà, en 2006, Régis Debray avait dénoncé les « Aveuglantes Lumières ».
Les coups pleuvent donc sur les Lumières et ils viennent désormais de droite comme de gauche. Quant aux catholiques ultraconservateurs ils voient là comme l’occasion d’une revanche inespérée. L’universalisme des Lumières se retrouve, une nouvelle fois, accusé d’avoir crée une société d’individus atomisés, coupés des racines essentielles (le territoire, la famille et, pour certains, l’Eglise). Ainsi reviennent en force les auteurs contre-révolutionnaires (de Bonald, de Maistre, Burke…) dont on retrouve les livres sur la table de chevet des néo-maurrassiens et qui alimentent la nouvelle pensée réactionnaire dont Zemmour est le parfait exemple. De même assiste-t-on à une convergence entre les nouveaux réactionnaires, les « identitaires » et les défenseurs des racines chrétiennes de la France. Convergence qui s’exprime et se matérialise dans les débats sociétaux : mariage homosexuel, PMA, GPA, remise en cause de la loi de 1905… Pour ne rien dire de l’immigration…
Virginie Vota, une nouvelle venue chez les Anti-Lumières
Or, on l’a dit, une partie de la Gauche est elle aussi touchée par ce mouvement. Si une partie des intellectuels de gauche se replie sur les Lumières au travers d’un néo-républicanisme érigé sur les ruines du marxisme, qui ne rend pas toujours service à la cause, et fait de la philosophie du XVIIIe siècle l’un des fondements de l’identité française, une autre partie, investie notamment dans les études post-coloniales, dénonce les principes abstraits et le rationalisme hérités des Lumières et de la Révolution qui conduiraient, selon eux, à un universalisme républicain ethnocentriste. Cette pensée, d’origine universitaire, est aujourd‘hui récupérée, instrumentalisée et « racisée » par des mouvements communautaristes, ce qui, de toute évidence, est difficilement compatible avec l’universalisme des Lumières. Au cœur de cette sensibilité l’universalisme est réduit à une « affaire de Blancs », ce qui serait, si tel était le cas, pour le moins dangereux. Ainsi, pour les « décoloniaux », par exemple, le pays des Lumières aurait passé par profits et pertes une partie de l’humanité (non « blanche ») dans sa définition de l’universalisme. Ce que peut, hélas, confirmer sans peine le colonialisme. Enfin, du côté des féministes, la philosophie des Lumières est également la cible de critiques car celle-ci aurait fait peu de cas de la condition féminine. Pour être globalement vrai ce reproche oublie le combat d’un Condorcet, certes, à ce sujet, très isolé. Mais, devant tant d’attaques, on reste pensif car au nom de quoi parler du droit des femmes ou des minorités, si ce n’est, in fine, au nom de l’universalisme ? L’impératif moral kantien peut apporter une réponse.
Joseph de Maistre, l'un des maîtres à penser des Anti-Lumières
Dès lors peut-on s’interroger : la post-modernité sera-t-elle destructrice des Lumières ou celles-ci sont-elles solubles dans celle-là ? En ces temps de crispation sociale intense ne serait-il pas opportun, face à la déliquescence des élites et aux exagérations et simplifications excessives populaires de réaffirmer le pouvoir de la Raison ? Pour demeurer dans un cadre strictement hexagonal, le pacte républicain français, historiquement, repose sur la Raison. Certes, en son temps, la philosophie du XVIIIe siècle n’a pas tout mis en lumière (la question sociale par exemple) et la Révolution a, par la suite, fait de la Raison, au nom de la Vertu, un instrument particulièrement redoutable. Ne convient-il pas aujourd’hui de réaffirmer le pacte républicain, fondé sur la Raison, et de faire place également à une nouvelle raison démocratique ?
Une des grandes difficultés actuelles est que le savoir, et sa reconnaissance, sont en crise. Or la Raison s’appuie sur le savoir et sur la reconnaissance de celui-ci. Ainsi, le droit des élites à diriger s’est longtemps adossé au savoir qu’on leur attribuait et à leur capacité à agir en fonction de la Raison. Tout cela semble bien loin. Mais, si le fondement du savoir est sapé, l’édifice est ébranlé et les émotions se substituent à la Raison. Les élites, cachées derrière le paravent du savoir (on dit aujourd’hui le plus souvent « expertise ») et de la Raison, à laquelle elles ne rendent pas service, sont, en grande partie, responsables d’avoir dénaturé ces fondements de l’intelligence, de l’universalisme et, disons le, d’un certain humanisme. Ainsi, leur discours ne passe plus car il masque le plus souvent la justification des inégalités et un mépris de classe, auxquels il faut ajouter une profonde fracture culturelle.
Savoir et Raison sont désormais l’objet de procès. Ce qui, chacun en conviendra, est fort regrettable. La Raison, émancipatrice par nature, est aujourd‘hui bien souvent dénoncée, et ce fort paradoxalement, comme un frein à l’émancipation (est-ce à dire la libération des instincts ?). Pire, elle serait devenue, sous ses oripeaux universalistes et libéraux, quasiment totalitaire. Alors, faut-il, avec Jean M. Goulemot, se résigner à dire Adieu les philosophes (Seuil, 2001) ? Ou redonner sa place pleine et entière à la Raison afin d’éviter que les passions ne soient par trop dévastatrices ?... De quoi devenir comme Jacques, fataliste…
                                                                                              Yanis Laric 
(avril 2020, blog Mediapart)

vendredi 5 juin 2020

L'anti-Justine, roman érotique de Restif de la Bretonne (4)

 L'anti-Justine est un roman de Restif de la Bretonne, paru en 1798. Dans les chapitres précédents, le jeune Jean-Baptiste a évoqué son éveil à la sexualité en compagnie de ses soeurs, Babiche et Madeleine.
Il rend ensuite visite à Marie, son autre soeur.

 
Restif de la Bretonne

 

Chapitre IV. D’un autre beau-frère cocu

Madeleine évita de m’accorder des faveurs, dont les suites l’effrayaient ! Mais je ne sentis pas longtemps cette privation : huit jours après la dernière scène, je partis pour venir à Paris. J’y allais pour apprendre ; mais il ne sera pas ici question de mes études. Je fus logé chez la belle Marie, la seconde de mes aînées.
J’avais, pour mon pucelage, fait cocu mon père ; j’avais cornifié mon frère utérin, en faisant décharger, et foutant enfin avec émission une sœur paternelle qu’il avait épousée et que j’engrossai, car Bourgelat n’a jamais eu que cet enfant, venu au monde neuf mois après ma fouterie au grenier à foin. Mais j’avais encore bien de l’ouvrage, avec huit sœurs, dont six, ou du moins cinq, étaient souverainement enconnables.
Mais revenons à Marie, la plus belle de toutes… Un jour de Vierge, Marie était parée, chaussée avec ce goût particulier aux jolies femmes, et un superbe bouquet ombrageait ses blancs tétons. Elle me fit bander. J’avais quatorze ans ; j’avais déjà foutu et engrossé trois femmes, car Mammellasse avait une fille, qu’elle se vantait que je lui avais faite, et qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Jenovefette Linguet. Ainsi, je n’eus pas des désirs vagues ; je tendais directement au con de ma provocante aînée. Après le dîner, elle alla dormir, dans une alcôve obscure, et s’étendit sur le lit conjugal. Elle avait vu bander son mari, dont la culotte blanche était juste, et elle voulait lui donner le plaisir de le lui mettre parée. Je me cachai pour les guetter. Mais mon beau-frère, après avoir pris les tétons et le con de ma sœur, avoir admiré ce dernier, en éclairant l’alcôve, se réserva sans doute pour la nuit suivante : il se retira doucement ; je lui vis prendre sa canne, son chapeau, et sortir. J’allai pousser un verrou.
En revenant, je refermai les rideaux, le mari les avait laissés ouverts, et sa femme troussée. Je me mis sur elle déculotté, bien bandant, et j’enfilai sa fente, suçant tantôt ses tétons découverts, tantôt ses lèvres entr’ouvertes. Elle me croyait son mari. Un bout de langue me chatouilla. J’étais entré tout calotté. Le filet, que je n’avais pas encore coupé, recourbait mon vit et le faisait paraître gros comme celui de l’époux. Je poussai. Ma belle s’agita, et mon long vit atteignit le fond. Alors ma sœur, demi-pâmée, se trémoussa. Je déchargeai…, et je m’évanouis…


Ce fut ce qui me fit reconnaître. La belle savoura les dernières oscillations de mon vit. Mais dès qu’elle eut éprouvé tout le charme d’une copieuse décharge, elle se déconna en me jetant sur le côté ; elle ouvrit les deux rideaux de l’alcôve, et me regardant : « Ah ! grand Dieu ! c’est Cupidonnet ! Il m’a déchargé tout au fond ! Il s’est évanoui de plaisir !… » Je revenais à moi. Elle me gronda, en me demandant qui m’avait appris cela ? « Ta beauté, lui dis-je, adorable sœur ! — Mais si jeune ! » Je lui racontai alors toute ma vie : Comme j’avais patiné, léché le conin de Jenovefette ; comme j’avais gamahuché, enfin enfilé le con soyeux de Madeleine ; foutu Mad. Linguet, la croyant Mad. Bourgelat ; comment Mammellasse s’était fait enconner par moi ; comment, ne pouvant me passer de con, je léchotais le conichon de Babiche ; comment j’avais engrossé les trois femmes que j’avais enconnées ! « Ah ! ciel !… Mais tu es bien indiscret ! — Je ne le suis avec toi que parce que tu es ma sœur aînée, que je t’ai foutue (le récit que je venais de débiter, les tétons de ma sœur, sa chaussure, me faisaient rebander), et que je vais, divine Marie, te foutre encore. — Mais mon mari… — J’ai poussé le verrou… » Elle me pressa contre son beau sein, en me disant tout bas : « Petit coquin, fais-moi aussi un enfant !… » Je la ré-enconnai, j’émis sans m’évanouir. 

La belle Marie n’avait pas encore eu d’enfant ; je fus père de Mlle Beauconin, fille unique de mon beau-frère de ce nom.
Je passerai toutes les fouteries communes ; ce n’est qu’à force de volupté, de tableaux libidineux tels que les savoureuses jouissances qui vont suivre, qu’on peut combattre avantageusement, dans le cœur et l’esprit des libertins blasés, les goûts atroces éveillés par les abominables productions de l’infâme et cruel de Sade ! Ainsi, je réserve toute ma chaleur pour décrire des jouissances ineffables, au-dessus de tout ce qu’a pu inventer l’imagination exquisement bourrelle de l’auteur de Justine. 

( à suivre )