jeudi 29 décembre 2011

Les Confessions (9) : Louise d'Epinay et Rousseau

"Elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. Ce défaut seul eût suffi pour me glacer : jamais mon coeur ni mes sens n'ont su voir une femme dans quelqu'un qui n'eût pas des tétons..."
Louise d'Epinay
C'est ainsi que Rousseau décrit Louise d'Epinay, dix ans après son séjour à l'Ermitage de la Chevrette. Si le portrait n'est guère flatteur, il vient surtout battre en brèche les rumeurs qui ont couru Paris dans les années 1756/57. A cette époque, Louise a déjà mauvaise réputation : on lui prête de nombreuses aventures, et sa récente rupture avec son amant Francueil n'a rien arrangé, d'autant qu'il a bien vite été remplacé par Grimm, l'un de meilleurs amis de Jean-Jacques.
Lorsque Rousseau accepte son invitation, Louise est évidemment ravie. Là voilà, elle, l'égale des grandes salonnières parisiennes puisqu'elle accueille sous son toit, en protectrice, l'une des figures les plus en vue du moment !
"Me voilà donc enfin chez moi, dans un asile agréable et solitaire..." s'exclame d'ailleurs Rousseau au livre IX des Confessions. Hélas, dès le retour de la belle saison, Madame d'Epinay emménage à la Chevrette, et le voilà qui déchante déjà: "...je compris que je m'étais chargé d'une chaîne dont l'amitié seule m'empêchait de sentir le poids : j'avais aggravé ce poids par ma répugnance pour les sociétés nombreuses."
Ce thème de l'aliénation au "puissant" est omniprésent dans l'oeuvre de Rousseau, et il s'explique par sa conception toute personnelle de l'amitié : contrairement aux autres philosophes (Voltaire surtout, mais également Diderot et d'Alembert), le Genevois refuse toute relation de subordination, il revendique même d'être traité d'égal à égal par les personnes de premier rang. Il aura d'ailleurs la même attitude plus tard en s'installant chez le Maréchal de Luxembourg, l'un des hommes les plus éminents du royaume.
l'ermitage de la Chevrette
A l'opposé, on imagine ce qu'attend Louise de son illustre protégé : une présence, une compagnie, une conversation régulière, des apparitions dans ses réceptions à la Chevrette, et surtout le prestige qui en découle...
"Ayant ainsi pris mon parti sur un assujettissement nécessaire, je m'y livrai sans résistance, et le trouvai, du moins la première année, moins onéreux que je ne m'y serais attendu..." conclut Rousseau en évoquant la fin de l'année 1756. Tout va se gâter au printemps suivant avec l'entrée en scène de Sophie d'Houdetot, la cousine et belle-soeur de Louise.
Nous y reviendrons...

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