samedi 28 février 2015

L'Encyclopédie (4)


L'arrêt d'interdiction visant les 2 premiers tomes précise que "Sa Majesté a reconnu que dans ces deux volumes on a affecté d'insérer plusieurs maximes tendant à détruire l'autorité royale, à établir l'esprit d'indépendance et de révolte, et, sous des termes obscurs et équivoques, à élever les fondements de l'erreur, de la corruption des moeurs, de l'irréligion et de l'incrédulité" ( 7 février 1752).
Le 11, on décrète l'arrestation de l'abbé de Prades, auteur de la thèse scandaleuse. Par chance, ce dernier a eu le temps de fuir et de trouver refuge, via la Hollande, chez le "roi philosophe" Frédéric II qui l'accueille à bras ouverts. 
Pour sa part, Diderot joue la prudence, quittant discrètement Paris pour se cacher à Langres, auprès de sa famille, où il demeurera jusqu'au début de l'été. 
A en croire le Journal de Barbier (février 52), "cet arrêt du Conseil n'a été donné que pour apaiser les criailleries des Jésuites, et autres religieux..."
De son côté d'Argenson prétend que "le plus vilain rôle est celui des Jansénistes, qui ne veulent de tolérance que pour eux seuls". Tout cela est plus que vraisemblable. Le parti dévot et les Bons Pères disposaient d'appuis à la Cour, le Parlement était sous influence janséniste, tout ce beau monde se haïssait mais savait à l'occasion s'allier contre ces nouveaux impies. Comment le Roi aurait-il pu leur résister ?
extrait du Journal de Barbier (fév 52)
Par chance, les Encyclopédistes disposent eux aussi de leur réseau d'influence. La Pompadour et Malesherbes constituent en l'occurrence des soutiens puissants, à défaut d'être toujours fidèles. D'autre part, et on néglige trop souvent ce motif, la suppression de l'Encyclopédie provoquait un sérieux manque à gagner pour les Libraires parisiens, qui jouaient bien évidemment de cet argument pour s'en plaindre auprès du Directeur de la Librairie. Dans le même temps, on fait planer la menace d'une poursuite de l'impression à l'étranger, d'où les propositions affluent. En août 1752, dans une lettre à Voltaire (qui séjourne alors à Potsdam auprès de Frédéric), d'Alembert écrit : "Nous connaissons bien mieux que personne tout ce qui manque à cet ouvrage. Il ne pourrait être bien fait qu'à Berlin, sous les yeux et avec la protection et les lumières de votre prince philosophe..."
Malesherbes, directeur de la Librairie
Désireux de ménager les deux camps, Malesherbes imagine un projet de réorganisation, qui supprimerait à l'avenir tout risque de scandale. Détaillant son idée, Malesherbes écrit à l'abbé de Bernis, un proche de la favorite : "j'ai pris les mesures que j'ai crues les plus efficaces ; par exemple pour la théologie, l'un des censeurs est chargé de vérifier sur un exemplaire de chaque volume, si toutes les pages ont été vues ou paraphées par lui ou l'un de ses confrères."
Forts de ces arguments (la faillite des Libraires étant mise dans la balance), la Pompadour et ses proches obtiennent du roi qu'il revienne sur sa décision et autorise les Encyclopédistes à reprendre le travail.
En tout et pour tout, l'interdiction aura duré trois mois...
(à suivre ici)

mercredi 25 février 2015

Grands textes du XVIIIè siècle (2)

Le mouvement des Lumières prend son essor dans les pays protestants du XVIIè siècle. 

Hugo Grotius, Du droit de la guerre et de la paix (1625)
 
Hugo Grotius

Le Hollandais Grotius pense le droit naturel dans ses rapports avec les autres formes de droit : le droit humain et le droit divin.



Baruch Spinoza, Traité théologico-politique (1670)
 
Baruch Spinoza

Les matérialistes du XVIIIè, et à leur tête Diderot, doivent beaucoup à Spinoza.


John Locke, Lettre sur la tolérance (1689)
John Locke
Au moment de l'affaire Calas, Voltaire se souviendra de l'Anglais John Locke.

lundi 23 février 2015

Marion Sigaut - Turgot, ou les Lumières au pouvoir



A entendre l'exposé de Marion Sigaut, on en viendrait presque à croire que Turgot fut l'instrument des grands du royaume en même temps que l'oppresseur des petites gens...
Et pour un peu, on imaginerait que ce sont les révoltes populaires d'avril et mai 75 (la guerre des farines) qui ont scellé le sort du contrôleur général...
Turgot


A l'évidence, quand on parcourt dans le détail quelques-unes des grandes mesures qu'il a prises au cours de ce grand virage libéral (S. Kaplan parle d'apocalypse !), on comprend que le contrôleur général des finances se soit fait des ennemis. Lesquels ? 
Voyons un peu le détail :

Ce privilège de vendre de la viande pendant le Carême appartenait jusque-là à l'Hôtel-Dieu, sous contrôle du Parlement de Paris...

  
 Dans cet édit de février 1776, voici ce que disait Louis XVI des jurandes et communautés d'arts et métiers que Turgot venait de supprimer.

La suppression de la corvée, dont il est question dans ce p.v du lit de justice établi en mars 76, porta atteinte à un autre privilège fiscal. 
Evidemment, ce train de mesures valut au roi les remontrances du Parlement : Dans l'assemblage formé par ces différents ordres, tous les hommes de votre Royaume vous sont sujets ; tous font obligés de contribuer aux besoins de l'Etat. Mais dans cette contribution même, l'ordre et l'harmonie générale se retrouvent toujours.

Le service personnel du Clergé est de remplir toutes les fonctions relatives à l'instruction, au culte religieux, et de contribuer au soulagement des malheureux par ses aumônes.

Le noble consacre son sang à la défense de l'Etat, et assiste de ses conseils le Souverain.

La dernière classe de la Nation qui ne peut rendre des services aussi distingués, s'acquitte envers lui par les tributs , l'industrie et les travaux corporels.

Telle est, Sire, la règle antique des devoirs et des obligations de vos sujets. Quoique tous soient également fidèles et soumis, leurs conditions diverses n'ont jamais été confondues, et la nature de leurs services tient essentiellement à celle de leur état.

Le service des Nobles est noble comme eux : Noble n'est tenu payer la taille ni faire vile Corvée, mais servir en la guerre et autres actes de noblesse.

Ces institutions ne font pas de celles que le hasard a formées, et que le temps puisse changer. Pour les abolir, il faudrait renverser toute la Constitution Françoise. On peut par la voie législative changer ce qui a été établi par elle. Mais ce que le génie, ce que les mœurs, ce que le vœu général d'une Nation, dans la formation pendant toute la durée d'un Empire, lui rendent propre, ne peut être changé."

C'est à son antique constitution que la Monarchie doit son lustre et sa gloire; c'est la Noblesse qui en a posé les fondements, qui les a soutenus. (...)

Si l'on dégrade la Noblesse, si on lui enleve les droits primitifs de sa naissance, elle perdra bientôt son esprit, son courage, et cette élévation d'âme qui la caractérise.

Ce corps, inaltérable dans sa valeur et dans sa fidélité, ne peut souffrir de changement, de diminution dans les honneurs et les distinctions dus à la naissance et aux services de ceux qui le composent.

Ces distinctions, ou plutôt ces droits n'ont été méconnus dans aucun âge de la monarchie...»

Non, décidément, les réformes de Turgot heurtaient trop d'intérêts pour qu'un roi aussi faible que le jeune Louis acceptât de les appliquer. Soumis aux pressions qu'on imagine, il préféra donc sacrifier son contrôleur général. 
Et ce qu'il restait du royaume avec lui...
le renvoi de Turgot

Pour conclure, on se contentera donc d'abonder dans le sens d'Edgar Faure, qui disait : "la jonction de ces réformes assurait celle des oppositions. Il faisait se liguer contre lui des classes socialement très différentes : les privilégiés de l'impôt, noblesse et clergé, grands propriétaires ; les privilégiés des corporations, tous obscurs de naissance, presque toujours de petites gens..." (in La disgrâce de Turgot)

vendredi 20 février 2015

Salons et protections au XVIIIè siècle (2)

(lire l'article précédent )

Et les salonnières, me direz-vous ? Quel profit tiraient-elles de ces sociétés qu'elles animaient semaine après semaine, mois après mois, année après année, offrant leur protection aux uns, une pension aux autres, et un simple espace de rencontre aux plus modestes ?

- Comprenons tout d'abord que cette "bonne société", cette "bonne compagnie", ce "beau monde" (les termes sont éloquents !) permettent aux salonnières de se prémunir contre un mal qui les guette quasiment toutes : l'ennui... "Tout le monde s'ennuie", écrit Mme du Deffand, "personne ne se suffit à soi-même et c'est ce détestable ennui dont chacun est poursuivi et que chacun veut éviter qui met tout en mouvement." Chaque soir, lorsque partent ses derniers invités, la vieille dame songe : "Je suis comme Zaïre. On me laisse à moi-même. Et je ne peux pas être dans de plus mauvaises mains.
lecture de Molière, par JF de Troy (1728)

Dans le quotidien d'une Mme d'Epinay ou d'une Mme Geoffrin, la réunion d'hommes de lettres et d'artistes constitue en premier lieu l'espoir d'un divertissement. D'où l'importance pour ces derniers de souscrire aux règles implicites du lieu dans lequel ils entrent : se montrer plaisant, vif d'esprit, aimable, et maîtriser l'art de la conversation.

- Ces mêmes hommes de lettres sont également recherchés pour leur capacité à produire des éloges, à vanter les mérites de celles et ceux qui les reçoivent. Les épîtres dédicatoires qu'on trouve dans de nombreux ouvrages du XVIIIè constituent la trace écrite d'une pratique tout aussi fréquente à l'oral, lors des réunions hebdomadaires. 

Soucieuse de sa réputation, la salonnière sait pertinemment que de tels éloges vont circuler de société en société, et elle a par conséquent tout intérêt à récompenser ceux qui s'en chargent. Dans la même perspective, la réception d'un auteur à succès ou d'un grand voyageur de retour d'expédition contribue au prestige et à la reconnaissance sociale que visent les maîtresses de maison.

- Pour les épouses de financiers (on disait également traitants), l'ouverture d'un salon s'intègre dans un large ensemble de pratiques destinées à mimer le mode de vie de l'aristocratie parisienne. Forts d'une richesse souvent considérable, ces parvenus passés par la savonnette à vilains  ressentent le besoin de dorer un blason qui manque encore d'éclat. On songe évidemment aux Dupin, aux Lalive, à tous ces fermiers généraux (Voltaire les surnommait les quarante rois plébéiens) qui se font construire de somptueux hôtels particuliers, qui achètent des châteaux en province, se constituent des collections de tableaux, offrent des bals, des concerts et des soupers, afin de s'assurer une honorabilité et une respectabilité qui leur manquent. 
Chenonceau, résidence d'été des Dupin
 (à suivre)

mercredi 18 février 2015

Salons et protections au XVIIIè siècle (1)

Dans "Le monde des salons" (Ed. Fayard), Antoine Lilti présente avec beaucoup de lucidité et d'à-propos ce que fut la réalité des salons du XVIIIème siècle.
Il analyse plus particulièrement la relation qui unit l'homme de lettres à la salonnière, s'interrogeant sur la nature de ce donnant-donnant qui conduit les auteurs à fréquenter des sociétés dont ils se plaignent si souvent.
le célèbre salon de Mme Geoffrin

"On y apprend à plaider avec art la cause du mensonge, à ébranler à force de philosophie tous les principes de la vertu", écrit Rousseau dans la Nouvelle Héloïse.  Dans le livre 9 des Confessions, expliquant son besoin de s'éloigner de ce monde, il précise encore : "J'étais si excédé de brochures, de clavecins, de tris, de noeuds, de sots bons mots, de fades minauderies, de petits conteurs et de grands soupers..."
Mais alors comment expliquer que Rousseau, que Diderot, que d'autres encore, se soient soumis à un jeu social qu'ils n'ont jamais cessé de dénoncer ? Comment comprendre qu'une Madame Geoffrin, qu'une Madame du Deffand, que d'autres encore comme Madame de Créquy ou Madame Dupin, aient dépensé, année après année, de véritables fortunes ( parfois plus de 50000 livres par an ) pour accueillir leurs habitués ?

A la première question, Antoine Lilti avance plusieurs explications :

- L'une d'elles, et non des moindres, est que l'homme de lettres qui est reçu dans un salon y trouve de quoi manger et, s'il est un hôte de marque, une place à proximité de la cheminée. Dans une lettre à Walpole datée de mars 1770, Madame du Deffand fait l'état de ses dépenses annuelles et notamment des 18000 livres qu'elle consacre aux frais de table. Si l'on met cette somme en rapport avec les modestes ressources que tirait Rousseau de son métier de copiste, on comprend aisément la nécessité pour bon nombre d'écrivains désargentés de répondre aux invitations des salonnières. 
dépenses et revenus de Mme du Deffand en 1770

- Les bontés de la maîtresse de maison ne se limitent évidemment pas aux plaisirs de la table. Pour subvenir aux besoins de ses protégés, elle les couvre également de cadeaux et de gratifications financières. Ainsi, l'immense richesse de Madame Geoffrin lui permet de pensionner non seulement D'Alembert, mais également le poète Thomas ou encore l'abbé Morellet. Elle n'est d'ailleurs pas en reste avec ses amis peintres du lundi, leur faisant rencontrer des clients potentiels ou leur versant quelque somme d'argent. On trouve sur ses carnets des chiffres comme ceux-ci : " Vien : quatre tableaux pour mon cabinet, 6,000 livres. Vernet : une marine, 2,400 livres. Van Loo : trois tableaux pour ma chambre à coucher, 18,000 livres..."
 
Mme Geoffrin

-Enfin, le salon est un passage obligé pour l'ambitieux qui brigue une place ou une faveur. On y noue de nouvelles relations, on y obtient des protections, on y recherche surtout le succès mondain, étape indispensable dans la reconnaissance publique que recherche l'impétrant. Candidat en novembre 1754 à l'Académie Française, Diderot s'en remet aux bons soins de Madame du Deffand pour lui assurer la victoire et devancer des concurrents bien vus de la Cour comme l'abbé de Boismont ou encore l'abbé Trublet.
Au final, grâce au réseau d'influence de la salonnière, D'Alembert sera élu avec 14 voix, contre 9 et 3 à ses rivaux.
( lire la suite)

vendredi 13 février 2015

La Révolution et les pauvres (3)


Je lisais dernièrement sur un site prétendument dissident une intervention fort intéressante d'un pseudo royaliste : dans un bel élan antirépublicain, le jeune homme s'en prenait pêle-mêle à toutes les opérations caritatives du moment (notamment aux Restos du Coeur) et reprochait aux pouvoirs publics de ne pas assumer une tâche aussi essentielle. En somme, il n'avait pas saisi que la situation actuelle ressemble à s'y méprendre à celle d'avant 1789, puisqu'elle joue sur le même ressort (culpabiliser le public) et qu'elle aussi fait appel à l'action privée (le chanteur ayant remplacé le curé...) pour stimuler les pratiques charitables...
Après 1789, on l'a vu, l'autorité politique révolutionnaire va retirer cette prérogative au clergé, considérant qu'il est de son devoir à elle de "détruire la mendicité". Habité par ce noble idéal, le Comité de Mendicité va multiplier les rapports et les actions, d'où la création quasi immédiate d'hôpitaux, de travaux publics et d'ateliers de travail pour les chômeurs. "Ce n'est pas le défaut de biens qui constitue la pauvreté. C'est le défaut de travail", lit-on dans un mémoire sur la mendicité écrit à la même époque. 


Quinze millions de livres sont aussitôt affectés à la création d'ateliers de charité. Les départements soumettent alors leurs demandes : à Paris, la maison des Récollets et celle des Dominicains sont converties en ateliers (11 au total) de filature (ils emploieront jusqu'à 4800 femmes et enfants en 1791); 

à Saint-Etienne, une église est transformée en dépôt d'armes, une autre en magasin des fers ; à Aix-en-Provence, l'atelier de Saint-Michel emploie les ouvrières à filer le coton. Ailleurs, en Vendée, dans le Cher, on privilégie les travaux publics : construction ou réfection de routes, programmes de drainage et de terrassement...

Même si les salaires demeurent inférieurs à ceux du secteur privé, la demande explose, les ateliers attirant des chômeurs de tous les coins du royaume. Incapable de faire face,  les autorités tentent souvent de limiter certains abus : ainsi, pour postuler, le pauvre devra présenter un certificat de résidence et d'indigence, établi par les sections locales. 
 
loi du 19 décembre 1790

Pourtant, les premières difficultés apparaissent bientôt : dès 1791, certains députés se demandent si cette activité parallèle ne porte pas préjudice aux manufactures privées (celle-ci perdant une partie de leur main d'oeuvre) ; d'autres reprochent à ces programmes d'être trop coûteux et de grever les dépenses publiques ; les derniers accusent les ateliers de favoriser la paresse et la débauche.
Comme on le constate, malgré les 220 ans qui nous séparent de cette période, les propos n'ont guère changé...
Confrontés aux impératifs financiers, même les plus idéalistes des révolutionnaires finissent par reconnaître leur échec.
Deux ans après leur création, les ateliers de charité seront définitivement abandonnés... (à suivre)

mercredi 11 février 2015

Marion Sigaut sur Voltaire

 

On a souvent été sévère avec  Marion Sigaut
Si l'on excepte sa prise de position en faveur du très médiocre Le Franc de Pompignan (voir ici pour redécouvrir le triste fat qu'il était), son propos sur Maupertuis (voir ici qui était réellement Maupertuis), ainsi que son ignorance du destin posthume de Voltaire (voyez ici ce qu'en pensait Robespierre), on reconnaîtra cette fois la validité de sa charge contre le patriarche de Ferney.
Bon... comme Micromegas, encore faudrait-il prendre un peu de hauteur pour comprendre, in fine, que même un très vilain homme est capable d'écrire une très grande oeuvre.
Sur le sujet, on préférera donc Florence Gauthier ou encore Henri Guillemin... (voir liens ci-contre)

lundi 9 février 2015

La Révolution et les pauvres (2)


Se conformant aux imprécations de Voltaire et à celles d'autres intellectuels des Lumières (notamment les physiocrates), les Assemblées constituante et législative vont accuser l'Eglise et les pratiques de charité d'échouer dans leur mission et de favoriser le parasitisme.

Le Comité de Mendicité, né en 1790 et réunissant des membres des trois ordres, aura donc pour ambition de "trouver les moyens de détruire la mendicité"(cf rapport du comité de mendicité et de la constituante). Rien moins que cela ! Autrefois dévolue au clergé, cette tâche, conçue comme un devoir sacré, incombe désormais à l'Etat puisque comme le soulignait déjà Necker :"c'est au gouvernement, interprète et dépositaire de l'harmonie sociale, c'est à lui de faire, pour cette classe nombreuse et déshéritée, tout ce que l'ordre et la justice lui permettent..."
En premier lieu, le Comité va donc collationner des statistiques dans 51 départements du royaume, avant de parvenir à ce constat ahurissant : sur une population de 16 millions d'habitants, le nombre de mendiants serait environ de 2 millions. Soit un sur huit !
Les membres du Comité, et en son sein Liancourt, se mettent aussitôt au travail, prenant pour credo que "chaque homme ayant droit à sa subsistance, la société doit pourvoir à la subsistance de tous ceux de ses membres qui pourront en manquer, et cette secourable assistance ne doit pas être regardée comme un bienfait... elle est, pour la société, une dette inviolable et sacrée.
le duc de Liancourt
Dans leur 5è rapport de septembre 1790, on constate toutefois   que le nombre de pauvres a été réévalué à... 1/20 de la population. Ils décrètent que tous ceux dont les impôts sont inférieurs au salaire d'une journée de travail auront droit à une assistance immédiate ; que ceux qui ne paient pas plus de deux ou trois journées de salaire pourront demander des secours en cas de maladie grave ou d'accident ; que les pauvres valides ne seront assistés que par des offres d'emploi. Au demeurant, la distribution d'argent ou de vivres aux individus en état de travailler est aussitôt abolie. On financera désormais des hôpitaux sur les fonds gouvernementaux, on organisera des travaux publics pour les chômeurs, on repensera le systèmes de pensions d'état, on créera des ateliers de travail (voir ci-dessous)...

 L'assemblée Nationale, considérant combien il importe que les ateliers publics ne soient qu'un secours accordé à ceux qui manquent véritablement de travail, que les fonds qu'on y destine soient répartis sur le plus grand nombre possible d'indigens, qu'ils ne soient préjudiciables ni à l'agriculture ni aux manufactures et ne deviennent une
sorte d'encouragement il l'imprévoyance et à la paresse, A DÉCRÉTÉ ce qui suit :
Art. 1." Les ateliers de secours actuellement existant dans la ville de Paris seront supprimés ; il en sera sur-le-champ formé de nouveaux , soit dans la ville de Paris et sa banlieue, soit dans les différents départements où des travaux auront été jugés nécessaires par les directoires.
2. Ces ateliers seront de deux espèces :
Dans la première, les administrateurs n'admettront que des ouvriers qui travailleront à la tâche;
Dans la seconde, ils occuperont les hommes faibles ou moins accoutumés aux travaux de terrasse, qui seront payés à la journée.
3. La fixation du prix des travaux à la tâche ou à la journée sera toujours inférieure au prix courant du pays pour les travaux du même genre, et sera déterminée par les corps administratifs des lieux où les ateliers seront ouverts. Les règlements pour la police desdits ateliers seront également faits par ces mêmes corps administratifs. ,
4. Ceux des ouvriers qui contreviendront aux règlements qui seront faits, soit pour la police des ateliers, soit pour la fixation du prix des ouvrages, seront jugés comme pour faits de police, par les officiers municipaux des lieux, et punis ainsi qu'il appartiendra ; et en cas d'attroupements séditieux, d'insubordination ou autres faits graves, ils seront arrêtés, poursuivis dans les tribunaux ordinaires comme perturbateurs du repos public, et punis comme tels, suivant l'exigence des cas.
5. A compter du jour de la publication du présent décret, toute personne non actuellement domiciliée à Paris , ou qui n'y serait pas née, et qui se présenterait pour avoir de l'ouvrage, ne sera pas admise aux ateliers de secours qui seront ouverts conformément à l'article 1.; et pour le surplus, l'Assemblée nationale renvoie aux dispositions du décret du 30 mai dernier, concernant la mendicité de Paris.
Porté par un élan empreint de générosité, le Comité ne va pas tarder à se heurter aux premières difficultés. (à suivre ici)

samedi 7 février 2015

La Révolution et la Convention, vues par Florence Gauthier

Florence Gauthier poursuit, dans le texte ci-dessous, l’analyse des bouleversements institutionnels pendant la Révolution française en analysant le travail constitutionnel de la Convention.
***

La Convention, nouvelle assemblée constituante, 22 septembre 1792 - 22 août 1795
Par Florence Gauthier, Université Paris VII Denis Diderot

Pourquoi une deuxième constituante après celle de 1789-1791 ? Précisons les grands enjeux de la période pour le comprendre.
En 1789, cherchant une issue à la crise, la monarchie choisit d’ouvrir un processus politique en réunissant les États généraux, qui ne l’avaient plus été depuis 1614 ! Le suffrage était très ouvert pour le Tiers-état : une voix par chef de feu - et les femmes l’étaient très souvent : elles n’étaient nullement exclues à cause de « leur » sexe, contrairement aux mystifications récentes à ce sujet. Par contre étaient exclus ceux qui n’avaient pas de « feu » : les errants et les domestiques qui habitaient chez leur maître.
Les députés des États généraux ont commencé par accomplir une révolution juridique en remplaçant la souveraineté royale par la souveraineté populaire : ils l’ont fait en tant que commis de confiance.
Le commis de confiance (en latin : fidei commis) est une personne à qui une assemblée confie une mission. Cette « confiance » signifie que les électeurs demandent des comptes au commis de confiance et que, si celui-ci trahit leur mission ou se révèle incapable de la mener, il sera destitué en cours de mission par ses électeurs et remplacé : voilà ce qu’était la responsabilité du commis de confiance devant ses électeurs. Il est important de savoir que cette institution est apparue au Moyen-âge et a été pratiquée dans les communautés villageoises, les communes urbaines ou les corps de métier et les États généraux durant des siècles, jusqu’à la Révolution comprise, et disparut au XIXe siècle.
Puis, le mouvement populaire est entré sur la scène politique avec l’immense jacquerie de juillet 1789, accompagnée de la « révolution municipale », qui rétablit les pratiques électorales populaires là où elles avaient été amputées depuis le XVIe siècle. C’est ainsi que les États généraux se sont transformés en Assemblée nationale constituante, en juin 1789, et ont voté la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen, le 26 août, précisant les principes constituants de la nouvelle société.
Mais, dès septembre 1789, les possédants prirent peur du peuple et de la démocratie. C’est alors que l’objectif de la Constituante se modifia et l’abbé Sieyès inspira la Constitution de 1791, qui violait les principes de la Déclaration des droits sur deux points fondamentaux : en supprimant la souveraineté populaire, par l’exclusion des « citoyens passifs » de leurs droits politiques, puis l’institution même du commis de confiance.
Cette Constitution de 1791 établit une monarchie constitutionnelle et une aristocratie des riches, instaura la « loi martiale » qui réprimait les manifestations, et continua de supprimer l’exercice des droits et libertés démocratiques pour les « citoyens passifs », comme ceux de réunion et de grève pour les ouvriers urbains et ruraux - ces derniers étant les plus nombreux et de loin, en tant qu’ouvriers agricoles - (Loi d’Allarde et loi Le Chapelier).
l'abbé Sieyes

Le parti démocratique est né de cet état de fait et a lutté pour rétablir les principes violés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et prendre la défense du mouvement populaire. Cette lutte devint l’enjeu et le ressort de la période révolutionnaire.

Les citoyens utilisent le droit de résistance à l’oppression pour organiser la Révolution du 10 août 1792, qui renversa la monarchie et la Constitution de 1791 et convoqua une nouvelle assemblée constituante : la Convention !
Le nom de Convention - terme venu des expériences politiques anglaises depuis le XVIIe siècle - exprimait le droit de réunion du peuple, qui s’effectua avec la Révolution du 10 août 1792, convoqué par lui-même, en tant qu’expression de la souveraineté populaire, et non plus par le roi !
En l’absence de constitution, les élections de la Convention se firent en reprenant les institutions des États généraux de 1789, avec quelques modifications. Il est intéressant de rappeler que là où le mouvement populaire dominait, le suffrage des deux sexes était de règle, selon les pratiques populaires médiévales.
Le 21 et 22 septembre 1792, la Convention instaurait la Première République, mais le parti de la Gironde qui s’imposa, tenta, une fois encore, de repousser la démocratie en éludant par différents moyens le débat sur la Constitution. Voici quelques-uns de ces moyens : la Gironde tenta de délégitimer la Révolution du 10 août 1792 en calomniant le mouvement populaire et les députés démocrates, accusés de « tyrannie », et en cherchant à empêcher le procès de la monarchie et du roi ; elle éluda l’application de la législation agraire qui avait été faite immédiatement après le 10 août, par l’Assemblée encore en place, et supprimait la féodalité en faveur des paysans ; elle chercha enfin un moyen de diversion en se précipitant dans la conquête des soi-disant « frontières naturelles » de la France, sous prétexte de libérer les peuples de leurs tyrans ! Elle échoua : les Belges et les Rhénans n’aimèrent pas ces « missionnaires armés » et préférèrent la défense organisée par leurs rois et leurs princes !
En France, cet échec belliciste provoqua la censure des citoyens contre les 22 députés girondins, qui furent « rappelés pour avoir perdu la confiance des électeurs », lors de la Révolution des 31 mai - 2 juin 1793.
Il s’agissait d’une application remarquable de cette institution précieuse du commis de confiance, qui, lorsqu’il a précisément perdu cette confiance, est destitué ! C’est ce qui arriva à ces 22 députés girondins et aux ministres de ce même parti, qui furent assignés à résidence avec interdiction de se représenter aux élections.
Notons que les historiens qui ignorent l’institution, fort ancienne, du commis de confiance interprètent cet épisode comme ils le peuvent, mais ne cherchant guère du côté des institutions de la souveraineté populaire, mais plutôt du côté des « coups de force », la Révolution des 31 mai - 2 juin 1793, au lieu d’être comprise comme l’expression même de la conscience des citoyens, sombre dans le « coup d’État  » !
l'arrestation des Girondins
On aura compris que la Convention, élue en septembre 1792, se maintenait et qu’elle avait remplacé les 22 députés qui avaient « perdu la confiance des électeurs ». Elle était toujours constituante et ce fut le parti de la Montagne qui forma le gouvernement.
 
Le premier acte de la Convention montagnarde fut d’achever immédiatement la Constitution qui fut votée le 24 juin 1793 : la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen, que la Gironde avait tenté de supprimer, fut rétablie, ainsi que la souveraineté nationale. Par contre, la nouvelle constitution supprima la « loi martiale », dont la Loi Le Chapelier qui en faisait partie, mises en place sous la Constituante contre le mouvement démocratique. La Constitution fut ensuite présentée aux citoyens, en août suivant, et acceptée.
La Montagne mena une politique démocratique et sociale : en une année, cette politique républicaine a supprimé la féodalité en France en opérant une réforme agraire en faveur des paysans, y compris pauvres et sans terre ; elle mena une politique d’aide sociale efficace, organisée par les communes elles-mêmes ; elle mit en place une politique de contrôle démocratique pour empêcher que le capital commercial s’empare du marché des denrées de première nécessité (subsistances et matières premières) : cette « politique du maximum » était dirigée contre la terrible « arme alimentaire », qui depuis, s’est largement répandue dans le monde ; elle abolit encore l’esclavage dans toutes les colonies et ouvrit un processus de décolonisation avec la Révolution de Saint-Domingue le 16 pluviôse an II - 4 février 1794. L’esclavage fut effectivement aboli non seulement à Saint-Domingue, mais aussi en Guyane, en Guadeloupe et à Sainte-Lucie ; elle gagna enfin la guerre que menait la coalition des monarques européens, qui cherchaient, déjà, à la détruire.
Elle fut cependant renversée par une alliance de possédants et de colons esclavagistes le 9 thermidor an II - 27 juillet 1794.  

Quelles en furent les conséquences ?
Après avoir éliminé les députés de la Montagne, la Convention, devenue thermidorienne, détruisit la politique démocratique et sociale et renoua avec une nouvelle guerre de conquête en Europe. Une insurrection populaire fut réprimée par l’armée en prairial an III - 20-23 mai 1795 et permit aux Thermidoriens de renverser la Constitution légale de 1793 et d’en préparer une nouvelle : et là, il s’agissait bien d’un coup d’État parlementaire !
La nouvelle Constitution, votée le 22 août 1795, se débarrassa de la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen, qui fut chassée du droit constitutionnel français et pour longtemps ! Une nouvelle forme d’aristocratie des riches excluant les pauvres et les femmes, mettait fin au principe déclaré en 1789 de la souveraineté populaire. La loi martiale fut restaurée.
Puis, Napoléon Bonaparte rétablit le colonialisme et l’esclavage en 1802 et la monarchie en 1804, en créant l’Empire.


Ne restait-il rien de la Révolution ? 
Ce serait une erreur de le croire : aucun gouvernement aussi contre-révolutionnaire qu’il se voulut, y compris la restauration des Bourbons en 1815, n’osa toucher à l’abolition de la féodalité réalisée au profit des paysans ! Et puis encore, l’idée de la Déclaration des droits universels de l’homme et du citoyen et l’expérience d’un peuple qui avait réussi à se donner la constitution de son choix, ne pouvaient s’oublier et continuèrent de creuser leur sillon. C’est la raison pour laquelle la période de la Convention montagnarde donne lieu à tant de controverses pour tenter de faire perdre de vue qu’à l’époque, les peuples opprimés par la féodalité, le capitalisme, l’impérialisme esclavagiste ont salué cet événement du nom de « la Grande Révolution ».
L’expérience de République démocratique et sociale à souveraineté populaire a été dissimulée par certains courants, qui ne veulent y voir qu’une « révolution bourgeoise » ! D’autres sont parvenus, depuis la fin du XIXe siècle, à occulter les politiques coloniales de la période et le fait que l’abolition de l’esclavage s’est bien faite sous la Convention montagnarde, d’autres encore ont réussi à répandre l’idée farfelue que la Constitution de 1793 « n’aurait jamais été appliquée » et que la Montagne aurait établi une « dictature » et gouverné « par la terreur », mais ces efforts ont été étudiés et critiqués depuis les dernières décennies et il est indéniable que nous traversons une période de recherches neuves sur ces questions, qui sont autant d’enjeux d’une brûlante actualité.
Malgré trois tentatives d’insurrections populaires successives au XIXe siècle, l’éclipse de la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen dura, dans le droit constitutionnel français, jusqu’en… 1946 ! Il faut rappeler que ce fut à l’issue de cette effroyable guerre défensive contre nazisme et fascisme, qu’en France, le Conseil National de la Résistance proposa, en 1944, une nouvelle république démocratique et sociale, fondée sur une souveraineté populaire réelle, incluant les femmes, privées de leurs droits politiques depuis… 1795, et restaurant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

vendredi 6 février 2015

La Révolution et les pauvres (1)

Quel était le nombre de pauvres, de mendiants et d'indigents sous l'Ancien Régime ? Si certains historiens avancent des chiffres, l'absence de recensement et de statistiques sérieuses les rend trop souvent douteux. Même si la frontière est étroite, on se gardera également de confondre ces malheureux, souvent incapables de subvenir à leurs besoins, avec des vagabonds (colporteurs, bateleurs et autres itinérants) déjà perçus comme un fléau social.
Quoi qu'il en soit, et contrairement à certaines opinions répandues, l'administration royale a tout au long du XVIIIè siècle lutté contre le fléau de la pauvreté qui menaçait aussi bien les citadins que les campagnards. Chômeurs saisonniers, vieillards malades, hommes de peine confrontés au risque d'une mauvaise récolte, servantes engrossées, les petites gens n'étaient jamais à l'abri de perdre le minimum vital, à savoir se nourrir et se loger.

L'assistance aux pauvres est alors quasi exclusivement organisée, gérée et distribuée par l'Eglise. La plupart des hôpitaux, on le sait, sont des fondations cléricales, et toutes les institutions charitables relèvent elles aussi du clergé. C'est lui qui fait appel aux dons privés, insistant constamment sur l'obligation morale du riche de faire l'aumône aux nécessiteux. La charité est alors conçue et présentée comme un acte chrétien qui profite non seulement au bénéficiaire, mais également au donateur. Ainsi, dans ses mémoires, Louise d'Epinay s'émerveille de voir sa fille Angélique mettre de côté quelques sous pour les distribuer à ses pauvres à l'issue de la messe... Pour sa part, le curé joue évidemment un rôle central : il connaît ses paroissiens, il se prononce sur leurs demandes de secours, il est lié par ses fonctions à l'hospice local ou même aux greniers à grains ; en somme, personne n'est mieux placé que lui pour répartir les aumônes et les secours.
 
lutte contre la mendicité
Au demeurant, l'Eglise accepte l'existence de ces "enfants souffrants du Christ" comme une évidence, elle ne cherche en aucun à éradiquer l'indigence, s'en servant au contraire comme un moyen d'édifier les fidèles et de leur promettre le salut.
Au cours de la 2nde moitié du XVIIIè siècle, la déchristianisation lente mais progressive du royaume va avoir une première conséquence, particulièrement sensible dans les grandes villes (les plus éclairées, dirons-nous...) : celle de réduire considérablement l'aide matérielle et financière recueillie puis donnée aux indigents. Face au déclin de cette pratique ancestrale, certains philosophes des Lumières auront beau jeu d'ironiser et d'accuser les hauts dignitaires de l'Eglise, voire certains moines et curés, d'être des parasites improductifs, inutiles à la société, et incapables d'assumer leur tâche. Dans l'article "abbé" de son Dictionnaire Philosophique, Voltaire écrit : "L’abbé spirituel était un pauvre à la tête de plusieurs autres pauvres : mais les pauvres pères spirituels ont eu depuis deux cent, quatre cent mille livres de rente ; et il y a aujourd’hui des pauvres pères spirituels en Allemagne qui ont un régiment des gardes.
  Un pauvre qui a fait serment d’être pauvre, et qui, en conséquence, est souverain ! on l’a déjà dit, il faut le redire mille fois, cela est intolérable. Les lois réclament contre cet abus, la religion s’en indigne, et les véritables pauvres sans vêtement et sans nourriture poussent des cris au ciel à la porte de monsieur l’abbé.
  Mais j’entends messieurs les abbés d’Italie, d’Allemagne, de Flandre, de Bourgogne, qui disent : Pourquoi n’accumulerions-nous pas des biens et des honneurs ? pourquoi ne serions-nous pas princes ? les évêques le sont bien. Ils étaient originairement pauvres comme nous ; ils se sont enrichis, ils se sont élevés ; l’un d’eux est devenu supérieur aux rois ; laissez-nous les imiter autant que nous pourrons.
  Vous avez raison, messieurs, envahissez la terre ; elle appartient au fort ou à l’habile qui s’en empare ; vous avez profité des temps d’ignorance, de superstition, de démence, pour nous dépouiller de nos héritages et pour nous fouler à vos pieds, pour vous engraisser de la substance des malheureux : tremblez que le jour de la raison n’arrive."
La charge est sévère, et sans doute injuste, mais comme toujours avec Voltaire, elle s'avère efficace. (à suivre ici)

mardi 3 février 2015

L'histoire de France enseignée à nos enfants (5)

J'entendais dernièrement une historienne (du moins se présente-t-elle ainsi...) vanter la qualité des manuels d'histoire de son enfance. 
Vous trouverez ci-dessous quelques pages extraites de l'ouvrage Histoire de France, publié en 1949, et destiné aux élèves de cours élémentaire.
Je vous laisse apprécier la courte présentation qu'il propose de Robespierre, puis celle de Bonaparte.

Au regard de ses propos sur les derniers rois de l'Ancien Régime, l'auteur fait preuve de beaucoup de mansuétude à l'égard de Robespierre, qui "aime le peuple et voudrait le rendre heureux"
Bonaparte est quant à lui mis en scène dans un épisode glorieux (la prise du pont d'Arcole). On le voit menant la troupe, le drapeau tricolore à la main, sans se préoccuper des ennemis qui "l'arrosent (l'hyperbole est saisissante) de balles et de boulets"
Surprenant exercice que celui d'apprendre à dessiner l'aigle impérial...