lundi 9 février 2015

La Révolution et les pauvres (2)


Se conformant aux imprécations de Voltaire et à celles d'autres intellectuels des Lumières (notamment les physiocrates), les Assemblées constituante et législative vont accuser l'Eglise et les pratiques de charité d'échouer dans leur mission et de favoriser le parasitisme.

Le Comité de Mendicité, né en 1790 et réunissant des membres des trois ordres, aura donc pour ambition de "trouver les moyens de détruire la mendicité"(cf rapport du comité de mendicité et de la constituante). Rien moins que cela ! Autrefois dévolue au clergé, cette tâche, conçue comme un devoir sacré, incombe désormais à l'Etat puisque comme le soulignait déjà Necker :"c'est au gouvernement, interprète et dépositaire de l'harmonie sociale, c'est à lui de faire, pour cette classe nombreuse et déshéritée, tout ce que l'ordre et la justice lui permettent..."
En premier lieu, le Comité va donc collationner des statistiques dans 51 départements du royaume, avant de parvenir à ce constat ahurissant : sur une population de 16 millions d'habitants, le nombre de mendiants serait environ de 2 millions. Soit un sur huit !
Les membres du Comité, et en son sein Liancourt, se mettent aussitôt au travail, prenant pour credo que "chaque homme ayant droit à sa subsistance, la société doit pourvoir à la subsistance de tous ceux de ses membres qui pourront en manquer, et cette secourable assistance ne doit pas être regardée comme un bienfait... elle est, pour la société, une dette inviolable et sacrée.
le duc de Liancourt
Dans leur 5è rapport de septembre 1790, on constate toutefois   que le nombre de pauvres a été réévalué à... 1/20 de la population. Ils décrètent que tous ceux dont les impôts sont inférieurs au salaire d'une journée de travail auront droit à une assistance immédiate ; que ceux qui ne paient pas plus de deux ou trois journées de salaire pourront demander des secours en cas de maladie grave ou d'accident ; que les pauvres valides ne seront assistés que par des offres d'emploi. Au demeurant, la distribution d'argent ou de vivres aux individus en état de travailler est aussitôt abolie. On financera désormais des hôpitaux sur les fonds gouvernementaux, on organisera des travaux publics pour les chômeurs, on repensera le systèmes de pensions d'état, on créera des ateliers de travail (voir ci-dessous)...

 L'assemblée Nationale, considérant combien il importe que les ateliers publics ne soient qu'un secours accordé à ceux qui manquent véritablement de travail, que les fonds qu'on y destine soient répartis sur le plus grand nombre possible d'indigens, qu'ils ne soient préjudiciables ni à l'agriculture ni aux manufactures et ne deviennent une
sorte d'encouragement il l'imprévoyance et à la paresse, A DÉCRÉTÉ ce qui suit :
Art. 1." Les ateliers de secours actuellement existant dans la ville de Paris seront supprimés ; il en sera sur-le-champ formé de nouveaux , soit dans la ville de Paris et sa banlieue, soit dans les différents départements où des travaux auront été jugés nécessaires par les directoires.
2. Ces ateliers seront de deux espèces :
Dans la première, les administrateurs n'admettront que des ouvriers qui travailleront à la tâche;
Dans la seconde, ils occuperont les hommes faibles ou moins accoutumés aux travaux de terrasse, qui seront payés à la journée.
3. La fixation du prix des travaux à la tâche ou à la journée sera toujours inférieure au prix courant du pays pour les travaux du même genre, et sera déterminée par les corps administratifs des lieux où les ateliers seront ouverts. Les règlements pour la police desdits ateliers seront également faits par ces mêmes corps administratifs. ,
4. Ceux des ouvriers qui contreviendront aux règlements qui seront faits, soit pour la police des ateliers, soit pour la fixation du prix des ouvrages, seront jugés comme pour faits de police, par les officiers municipaux des lieux, et punis ainsi qu'il appartiendra ; et en cas d'attroupements séditieux, d'insubordination ou autres faits graves, ils seront arrêtés, poursuivis dans les tribunaux ordinaires comme perturbateurs du repos public, et punis comme tels, suivant l'exigence des cas.
5. A compter du jour de la publication du présent décret, toute personne non actuellement domiciliée à Paris , ou qui n'y serait pas née, et qui se présenterait pour avoir de l'ouvrage, ne sera pas admise aux ateliers de secours qui seront ouverts conformément à l'article 1.; et pour le surplus, l'Assemblée nationale renvoie aux dispositions du décret du 30 mai dernier, concernant la mendicité de Paris.
Porté par un élan empreint de générosité, le Comité ne va pas tarder à se heurter aux premières difficultés. (à suivre ici)

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