lundi 23 février 2015

Marion Sigaut - Turgot, ou les Lumières au pouvoir



A entendre l'exposé de Marion Sigaut, on en viendrait presque à croire que Turgot fut l'instrument des grands du royaume en même temps que l'oppresseur des petites gens...
Et pour un peu, on imaginerait que ce sont les révoltes populaires d'avril et mai 75 (la guerre des farines) qui ont scellé le sort du contrôleur général...
Turgot


A l'évidence, quand on parcourt dans le détail quelques-unes des grandes mesures qu'il a prises au cours de ce grand virage libéral (S. Kaplan parle d'apocalypse !), on comprend que le contrôleur général des finances se soit fait des ennemis. Lesquels ? 
Voyons un peu le détail :

Ce privilège de vendre de la viande pendant le Carême appartenait jusque-là à l'Hôtel-Dieu, sous contrôle du Parlement de Paris...

  
 Dans cet édit de février 1776, voici ce que disait Louis XVI des jurandes et communautés d'arts et métiers que Turgot venait de supprimer.

La suppression de la corvée, dont il est question dans ce p.v du lit de justice établi en mars 76, porta atteinte à un autre privilège fiscal. 
Evidemment, ce train de mesures valut au roi les remontrances du Parlement : Dans l'assemblage formé par ces différents ordres, tous les hommes de votre Royaume vous sont sujets ; tous font obligés de contribuer aux besoins de l'Etat. Mais dans cette contribution même, l'ordre et l'harmonie générale se retrouvent toujours.

Le service personnel du Clergé est de remplir toutes les fonctions relatives à l'instruction, au culte religieux, et de contribuer au soulagement des malheureux par ses aumônes.

Le noble consacre son sang à la défense de l'Etat, et assiste de ses conseils le Souverain.

La dernière classe de la Nation qui ne peut rendre des services aussi distingués, s'acquitte envers lui par les tributs , l'industrie et les travaux corporels.

Telle est, Sire, la règle antique des devoirs et des obligations de vos sujets. Quoique tous soient également fidèles et soumis, leurs conditions diverses n'ont jamais été confondues, et la nature de leurs services tient essentiellement à celle de leur état.

Le service des Nobles est noble comme eux : Noble n'est tenu payer la taille ni faire vile Corvée, mais servir en la guerre et autres actes de noblesse.

Ces institutions ne font pas de celles que le hasard a formées, et que le temps puisse changer. Pour les abolir, il faudrait renverser toute la Constitution Françoise. On peut par la voie législative changer ce qui a été établi par elle. Mais ce que le génie, ce que les mœurs, ce que le vœu général d'une Nation, dans la formation pendant toute la durée d'un Empire, lui rendent propre, ne peut être changé."

C'est à son antique constitution que la Monarchie doit son lustre et sa gloire; c'est la Noblesse qui en a posé les fondements, qui les a soutenus. (...)

Si l'on dégrade la Noblesse, si on lui enleve les droits primitifs de sa naissance, elle perdra bientôt son esprit, son courage, et cette élévation d'âme qui la caractérise.

Ce corps, inaltérable dans sa valeur et dans sa fidélité, ne peut souffrir de changement, de diminution dans les honneurs et les distinctions dus à la naissance et aux services de ceux qui le composent.

Ces distinctions, ou plutôt ces droits n'ont été méconnus dans aucun âge de la monarchie...»

Non, décidément, les réformes de Turgot heurtaient trop d'intérêts pour qu'un roi aussi faible que le jeune Louis acceptât de les appliquer. Soumis aux pressions qu'on imagine, il préféra donc sacrifier son contrôleur général. 
Et ce qu'il restait du royaume avec lui...
le renvoi de Turgot

Pour conclure, on se contentera donc d'abonder dans le sens d'Edgar Faure, qui disait : "la jonction de ces réformes assurait celle des oppositions. Il faisait se liguer contre lui des classes socialement très différentes : les privilégiés de l'impôt, noblesse et clergé, grands propriétaires ; les privilégiés des corporations, tous obscurs de naissance, presque toujours de petites gens..." (in La disgrâce de Turgot)

2 commentaires:

  1. Il est grand temps de démonter l'imposture Sigaut, dont les thèses farfelues ont de plus en plus d'écho parmi les simples d'esprit de la fachosphère. Si rien n'est fait pour la contrer définitivement, elle gagnera à sa cause la majorité des internautes, y compris ceux qui ne sont pas a priori des fachos.

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  2. L'histoire qu'elle propose, limitée au noir et au blanc, aux gentils et aux méchants, séduit inévitablement un large public. D'autre part, Marion Sigaut supporte mal d'être contredite ou prise en défaut. J'en ai fait les frais.Disons, sans trahir un secret, que ses méthodes se révèlent à l'occasion aussi détestables que celles d'un Voltaire...

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