(lire l'article précédent )
Et les salonnières, me direz-vous ? Quel profit tiraient-elles de ces sociétés qu'elles animaient semaine après semaine, mois après mois, année après année, offrant leur protection aux uns, une pension aux autres, et un simple espace de rencontre aux plus modestes ?
- Comprenons tout d'abord que cette "bonne société", cette "bonne compagnie", ce "beau monde" (les termes sont éloquents !) permettent aux salonnières de se prémunir contre un mal qui les guette quasiment toutes : l'ennui... "Tout le monde s'ennuie", écrit Mme du Deffand, "personne ne se suffit à soi-même et c'est ce détestable ennui dont chacun est poursuivi et que chacun veut éviter qui met tout en mouvement." Chaque soir, lorsque partent ses derniers invités, la vieille dame songe : "Je suis comme Zaïre. On me laisse à moi-même. Et je ne peux pas être dans de plus mauvaises mains."
Dans le quotidien d'une Mme d'Epinay ou d'une Mme Geoffrin, la réunion d'hommes de lettres et d'artistes constitue en premier lieu l'espoir d'un divertissement. D'où l'importance pour ces derniers de souscrire aux règles implicites du lieu dans lequel ils entrent : se montrer plaisant, vif d'esprit, aimable, et maîtriser l'art de la conversation.
- Ces mêmes hommes de lettres sont également recherchés pour leur capacité à produire des éloges, à vanter les mérites de celles et ceux qui les reçoivent. Les épîtres dédicatoires qu'on trouve dans de nombreux ouvrages du XVIIIè constituent la trace écrite d'une pratique tout aussi fréquente à l'oral, lors des réunions hebdomadaires.
Soucieuse de sa réputation, la salonnière sait pertinemment que de tels éloges vont circuler de société en société, et elle a par conséquent tout intérêt à récompenser ceux qui s'en chargent. Dans la même perspective, la réception d'un auteur à succès ou d'un grand voyageur de retour d'expédition contribue au prestige et à la reconnaissance sociale que visent les maîtresses de maison.
- Pour les épouses de financiers (on disait également traitants), l'ouverture d'un salon s'intègre dans un large ensemble de pratiques destinées à mimer le mode de vie de l'aristocratie parisienne. Forts d'une richesse souvent considérable, ces parvenus passés par la savonnette à vilains ressentent le besoin de dorer un blason qui manque encore d'éclat. On songe évidemment aux Dupin, aux Lalive, à tous ces fermiers généraux (Voltaire les surnommait les quarante rois plébéiens) qui se font construire de somptueux hôtels particuliers, qui achètent des châteaux en province, se constituent des collections de tableaux, offrent des bals, des concerts et des soupers, afin de s'assurer une honorabilité et une respectabilité qui leur manquent.
Et les salonnières, me direz-vous ? Quel profit tiraient-elles de ces sociétés qu'elles animaient semaine après semaine, mois après mois, année après année, offrant leur protection aux uns, une pension aux autres, et un simple espace de rencontre aux plus modestes ?
- Comprenons tout d'abord que cette "bonne société", cette "bonne compagnie", ce "beau monde" (les termes sont éloquents !) permettent aux salonnières de se prémunir contre un mal qui les guette quasiment toutes : l'ennui... "Tout le monde s'ennuie", écrit Mme du Deffand, "personne ne se suffit à soi-même et c'est ce détestable ennui dont chacun est poursuivi et que chacun veut éviter qui met tout en mouvement." Chaque soir, lorsque partent ses derniers invités, la vieille dame songe : "Je suis comme Zaïre. On me laisse à moi-même. Et je ne peux pas être dans de plus mauvaises mains."
lecture de Molière, par JF de Troy (1728) |
Dans le quotidien d'une Mme d'Epinay ou d'une Mme Geoffrin, la réunion d'hommes de lettres et d'artistes constitue en premier lieu l'espoir d'un divertissement. D'où l'importance pour ces derniers de souscrire aux règles implicites du lieu dans lequel ils entrent : se montrer plaisant, vif d'esprit, aimable, et maîtriser l'art de la conversation.
- Ces mêmes hommes de lettres sont également recherchés pour leur capacité à produire des éloges, à vanter les mérites de celles et ceux qui les reçoivent. Les épîtres dédicatoires qu'on trouve dans de nombreux ouvrages du XVIIIè constituent la trace écrite d'une pratique tout aussi fréquente à l'oral, lors des réunions hebdomadaires.
Soucieuse de sa réputation, la salonnière sait pertinemment que de tels éloges vont circuler de société en société, et elle a par conséquent tout intérêt à récompenser ceux qui s'en chargent. Dans la même perspective, la réception d'un auteur à succès ou d'un grand voyageur de retour d'expédition contribue au prestige et à la reconnaissance sociale que visent les maîtresses de maison.
- Pour les épouses de financiers (on disait également traitants), l'ouverture d'un salon s'intègre dans un large ensemble de pratiques destinées à mimer le mode de vie de l'aristocratie parisienne. Forts d'une richesse souvent considérable, ces parvenus passés par la savonnette à vilains ressentent le besoin de dorer un blason qui manque encore d'éclat. On songe évidemment aux Dupin, aux Lalive, à tous ces fermiers généraux (Voltaire les surnommait les quarante rois plébéiens) qui se font construire de somptueux hôtels particuliers, qui achètent des châteaux en province, se constituent des collections de tableaux, offrent des bals, des concerts et des soupers, afin de s'assurer une honorabilité et une respectabilité qui leur manquent.
Chenonceau, résidence d'été des Dupin |
(à suivre)
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