mercredi 29 juin 2011

La folie de Rousseau (1)

Le samedi 24 février 1776, soit deux ans avant sa mort, Rousseau se rend à Notre-Dame pour y déposer le manuscrit de ses "Dialogues". Il trouve les grilles fermées. A ses yeux, même le ciel se fait désormais le complice de ses ennemis : "Je sortis rapidement de l’église, résolu de n’y rentrer de mes jours, et me livrant à toute mon agitation, je courus tout le reste du jour, errant de toutes parts, ne sachant ni où j’étais ni où 
j’allais ".  
Il écrit alors une espèce de billet circulaire adressé à la nation française, en fait plusieurs copies et tente de les distribuer, sur les promenades et dans les rues, aux inconnus dont la physionomie lui inspire confiance. Mais, ajoute-t-il, tous refusent son écrit. En voici les premiers paragraphes.



"A TOUT FRANÇOIS AIMANT ENCORE LA JUSTICE ET LA VERITE.
François! nation jadis aimable et douce, qu'êtes-vous devenus? Que vous êtes changés pour un étranger infortuné, seul, à votre merci, sans appui, sans défenseur, mais qui n'en auroit pas besoin chez un peuple juste; pour un homme sans fard et sans fiel, ennemi de l'injustice, mais patient à l'endurer, qui jamais n'a fait, ni voulu, ni rendu le mal à personne, et qui, depuis quinze ans, plongé, traîné par vous dans la fange de l'opprobre et de la diffamation, se voit, se sent charger à l'envi d'indignités inouïes jusqu'ici parmi les humains, sans avoir pu jamais en apprendre au moins la cause! C'est donc là votre franchise, votre douceur, votre hospitalité? Quittez ce vieux nom de Francs, il doit trop vous faire rougir. Le persécuteur de Job auroit pu beaucoup apprendre de ceux qui vous guident dans l'art de rendre un mortel malheureux. Ils vous ont persuadé , je n'en doute pas, ils vous ont prouvé même, comme cela est toujours facile en se cachant à l'accusé, que je méritois ces traitements indignes, pires cent fois que la mort. En ce cas, je dois me résigner ; car je n'attends, ni ne veux d'eux, ni de vous aucune grâce; mais ce que je veux, et qui m'est dû tout au moins, après une condamnation si cruelle et si infamante, c'est qu'on m'apprenne enfin quels sont mes crimes, et comment et par qui j'ai été jugé.
Pourquoi faut-il qu'un scandale aussi public soit pour moi seul un mystère impénétrable? A quoi bon tant de machines, de ruses, de trahisons , de mensonges, pour cacher au coupable ses crimes, qu'il doit savoir mieux que personne s'il est vrai qu'il les ait commis? "

L'Histoire retient de ses dernières années (1770-1778) qu'"à la fin de sa vie, Rousseau a sombré dans la folie". Un tel document, je le concède, présente de quoi accréditer cette thèse. Mais j'ai appris à me méfier de l'Histoire, surtout lorsqu'elle concerne Rousseau.
Il nous faudra donc y revenir.

samedi 25 juin 2011

Ce bon Voltaire (3)

Statue de Voltaire à Ferney
 Daté de 1761, ce courrier est signé du nom de Ximénès, poète et auteur dramatique du XVIIIème siècle. On sait aujourd'hui que c'est Voltaire qui l'a écrit... Il lancera peu après à ses amis philosophes le signal de la curée.
L'anecdote rapportée ici n'a vraisemblablement jamais eu lieu, mais elle participe de l'entreprise de dénigrement décidée par le patriarche de Ferney. 
Même si cette scène est imaginaire, il est pourtant vrai que Rousseau a quelque peu été chahuté par des musiciens de l'Opéra, fâchés de ses propos sur la musique française. 
Mais trêve de bavardages, je vous laisse savourer l'humour très particulier de Voltaire.

"Monsieur,  

Je frémis pour notre ami Jean-Jacques, je tremble pour ses jours. Il est vrai que le clergé, la noblesse, le parlement, et les dames même, n’ont fait que rire de ses injures et de ses systèmes; heureusement même pour lui, l’ennui que causent ses six volumes est si prodigieux que bien des gens, qui auraient remarqué ses petites témérités, ont mieux aimé laisser là le livre que de rechercher l’auteur. Mais hier il arriva du scandale.  

Jean-Jacques, passant dans la rue près de l’opéra, fut arrêté par cinq ou six virtuoses de l’orchestre, qui le traitèrent un peu rudement; il se sauva dans une maison dont la porte était ouverte, et grimpa à un de ces cinquièmes étages où il dit qu’on apprend mieux qu’ailleurs à connaître les moeurs de la ville. Les violons montèrent après lui; Jean-Jacques se réfugia dans une chambre assez dérangée, où il trouva une dame penchée négligemment sur un canapé un peu déchiré.  

C’était précisément la même dame chez laquelle il s’était consolé des tourments de l’absence, et de chez qui il avait rapporté en Suisse les principes secrets de ce qu’il appelle la petite vérole. La dame, éperdue, se jeta entre lui et les assaillants.  

Eh! mon Dieu, leur dit-elle, messieurs, pourquoi battez-vous ce magnifique seigneur, qui soupe chez moi quelquefois avec des officiers étrangers?  

Ah! coquin, dit le premier violon, nous t’apprendrons si l’ennuyeux et lamentable chant français ressemble aux cris de la colique comme tu l’écris.  

Viens çà, viens çà, dit l’autre; celui que lu appelles le bûcheron va frapper sur toi la mesure.  

Va, va, la vache qui galope t’attrapera », disait un troisième.  

Un quatrième s’écriait: « Tu ne mangeras pas de l’oie grasse. 

Pardon, messieurs, dit mon doux ami, se jetant à genoux, je n’y retournerai plus; c’est une méprise de Suisse, je suis votre serviteur à tous; je fais moi-même de la musique française, j’en ai copié toute ma vie.  

Tu en es plus coupable, » répliqua un des violons, en lui donnant un coup d’archet des plus forts sur le nez.  

La dame jetait les hauts cris. « Vous vous méprenez, messieurs, c’est un citoyen de Genève, vous dis-je. »  

Le dîner des philosophes
Les violons n’entendaient point raison, les coups d’archet pleuvaient; Jean-Jacques fuyait dans tous les coins de la chambre; il se penchait à la fenêtre pour ne recevoir les coups que sur son derrière. En se penchant, il aperçut un grand homme vêtu de noir, sec, décharné, la face allongée, le nez pointu, le corps plié en deux, monté sur deux bâtons de cire noire, qu’on appelait ses jambes, une main dans la poche, et l’autre en l’air battant la mesure.  

A cette figure, Jean-Jacques reconnut Rameau. « A mon secours! s’écria-t-il, mon bon monsieur Rameau, à mon secours! L’orchestre me tue, il a toujours fait mon supplice: à l’aide! au guet! au meurtre! faut-il avoir eu toute ma vie les oreilles écorchées par les filles de l’opéra, pour expirer aujourd’hui sous les violons?  

Rameau monta paisiblement en fredonnant un air, et vint voir sur quel ton étaient les choses. Il trouva les archets brisés, une grosse dame en jupon sale, tout éplorée, et le nez du doux ami tout sanglant.  

Rameau, en maître souverain de l’orchestre, fit ralentir la mesure; et, après avoir écouté patiemment, pour la première fois de sa vie, les violons de l’Opéra: « Ne vous fâchez pas, leur dit-il, messieurs; c’est un pauvre fou qui n’est pas si méchant qu’on le croit; sa folie consiste dans les inconséquences, et dans une vanité dont aucun barbier n’approcha jamais. Il a fait une mauvaise comédie, et il a écrit contre la comédie; il a publié que le théâtre de Paris corrompait les moeurs, et il vient de donner au public un roman d’Héloïse ou d’Aloïse, dont plusieurs endroits feraient rougir madame que voilà, si elle savait lire. Il est allé à Genève abjurer la religion catholique pour vivre en France. Le pauvre homme a fait lui-même de la musique française, que j’ai eu la bonté de corriger. Il a imprimé, dans le Dictionnaire encyclopédique, quelques âneries sur l’harmonie, qu’il m’a fallu encore relever; et pour récompense il écrit contre moi. Il ne lui manque plus que d’être peintre, et d’écrire contre Vanloo et contre Drouais; il faut pardonner à un pauvre homme qui a le cerveau blessé. Il s’est mis dans un tonneau, qu’il a cru être celui de Diogène, et pense de là être en droit de faire le cynique; il crie de son tonneau aux passants: Admirez mes haillons. La seule manière de le punir est de ne regarder ni sa personne ni son tonneau; il vaut mieux l’ignorer que de le battre.  
Ce discours sensé apaisa l’orchestre; mais il ne corrigea pas Jean-Jacques. "

mardi 21 juin 2011

Rousseau vu par Michelet

 En historien talentueux, Michelet brosse un portrait particulièrement lucide du philosophe genevois. Je vous laisse en juger...
Jules Michelet



"Tous ses amis, à leur tour, lui jettent la pierre. C'est le méchant, c'est le traître, c'est le chien, c'est l'ennemi. Franchement, il faut l'avouer, toute apparence est contre lui. Je crois tout à fait ce qu'il dit, que le méprisable Grimm n'épargna nul artifice pour lui ôter ses amis. Mais que Rousseau convienne aussi que sa conduite discordante dut le poser comme l'homme double et le Judas du parti. Il est dans l'Encyclopédie; il est dehors, il est contre. Ses trois oeuvres (en 51, en 54, en 58, Sciences, Inégalité, Spectacles) sont trois attaques violentes contre le parti philosophe dans lequel il compte toujours. En 55, il insère encore des articles dans ce livre qu'il renie. En 58, au moment où l' Encyclopédie succombe sous les Parlements, les Jésuites, sous Trévoux et sous Fréron, Rousseau (Lettre sur les spectacles) la frappe, et du coup le plus sûr, par un livre sorti du coeur.
Qu'il dise comme Polyeucte: «Je suis chrétien!» À la bonne heure. «Je me suis refait chrétien en 1754.» Mais alors pourquoi reste-t-il avec les Encyclopédistes? Pourquoi loge-t-il chez eux, chez madame d'Épinay? Pourquoi aime-t-il chez eux? Poursuit-il, entre tant de femmes, la maîtresse de Saint-Lambert?
Sa conduite avec Voltaire n'était-elle pas singulière? En avril (1756), quand Voltaire dans son Préservatif (pamphlet pour 
l'Encyclopédie) attaque à la fois les prêtres catholiques et protestants, Rousseau écrit à Vernes un billet colérique, où il l'appelle: «Ce beau génie, âme basse, grand par ses talents, vil par leur usage.» Et le billet court partout. Le 18 août (même année), en écrivant à Voltaire sa belle lettre contre le poème de Lisbonne, il le comble de témoignages d'admiration et de respect, et ce ménagement habile rend le coup mieux asséné.—Simple lettre pour Voltaire seul, dit-il. On sent que de telles choses, éloquentes, étincelantes, ne pourront rester enfermées. Et en effet, Rousseau lui-même avoue en avoir donné des copies à trois personnes.
Ainsi en tout sa conduite était horriblement louche, tantôt par sa nature même, sa dualité intérieure, tantôt par sa propre faute, la fureur qui était en lui. Pour madame d'Houdetot, il jure qu'il ne veut rien, qu'il reste pur, «qu'il l'aime trop pour vouloir la posséder.»
Mais qui aura cette idée en lisant les lettres éperdues, furieuses, insensées, à Sarah? Lui-même qu'en savait-il? Voyait-il clair dans cet orage, dans une si profonde nuit? Ce qui est sûr, c'est qu'il cherche incessamment le danger, attise follement cette flamme, avec la rage d'un malade qui, de ses ongles acharnés, creuse la cuisante blessure dont il est brûlé, dévoré.
Deux choses très-spécialement purent exaspérer ses amis:
L'ostentation de pauvreté. Certes, Rousseau était pauvre; mais Diderot n'est pas plus riche, il n'en parle jamais. Ce ne sont pas armes courtoises que de faire sans cesse appel à la haine et à l'envie, de se proclamer le pauvre.
L'autre chose qui paraît déjà dans la lettre sur le poème de Lisbonne, et qui va paraître mieux dans le Contrat social, c'est qu'il veut qu'on ait dans chaque État un Code moral qui contienne les bonnes maximes que chacun soit tenu d'admettre. Il faut que chacun déclare, confesse, articule sa foi (et sous peine de mort, dans le Contrat social).
La discordance de Rousseau avec l'Encyclopédie et l'esprit même du siècle, là était tranchée, terrible. Là commence un cours nouveau d'idées qui ira tout droit à la Fête de l'Être suprême.—Puis, la réaction l'exploite, de Robespierre à De Maistre."

lundi 20 juin 2011

Difficultés...

J'ignore si d'autres ressentent ce que j'éprouve aujourd'hui : ce besoin d'écrire, de donner corps aux scènes que j'imagine et que je construis intérieurement, jour après jour, en leur donnant peu à peu formes et couleurs. Rien de plus insupportable que le sentiment de voir mourir, par manque de temps, ce qui n'aspirait plus qu'à prendre vie sous la plume (ou sur un écran...). Ces scènes qui s'effacent, ces tournures de phrases qui se perdent, ce sont des voies qui s'achèvent sur un cul-de-sac dans le labyrinthe de ce second tome en cours d'écriture.
Pour "la Comédie des Masques", j'avais (laborieusement) envisagé un plan d'ensemble : partie par partie, chapitre par chapitre... pour le 1er livre, deux parties de 6 chapitres encadrées par trois parties de dix chapitres. Pour le second livre, 4 parties de 12 chapitres. Je tenais absolument à cet équilibre qui respecte notamment les différents points de vue envisagés sur le personnage central. Rousseau était successivement vu et jaugé par tous ceux qui l'entourent dans le récit. Sauf que du projet à la réalisation, on se trouve confronté à des réalités qu'on n'imaginait pas au départ. Et soudain, pendant qu'on écrit, on sent que telle transition ne fonctionne pas, que telle scène mériterait d'être davantage développée, que tel personnage mérite un traitement plus conséquent. 
L'ensemble vacille, se déséquilibre, au risque de s'effondrer.
Pour le 2nd tome, j'ai donc renoncé à ce cadre trop contraignant. J'ai en tête une trame, des parcours individuels, quelques moments forts, et j'ai choisi de laisser Rousseau, Bernardin de St Pierre, Julie de Lespinasse et les autres prendre possession du récit pour le mener où ils l'entendent. Ce sont eux qui mènent la barque désormais, alors qu'auparavant je m'imaginais (à tort) comme le seul maître à bord. L'expérience est troublante, très différente de la précédente, car il arrive que ces personnages m'appellent et que je ne puisse leur répondre, pris par d'autres occupations (hélas). 
donjon de Vincennes
Moments difficiles que ceux-là, où l'on sent que ces êtres qui ont pris chair en vous, perdent lentement leurs contours pour redevenir de lointaines silhouettes sans consistance. Ce week end, j'ai couru derrière eux pour finalement les rejoindre, épuisé mais apaisé. Nous avons passé deux jours ensemble, à la foire St-Ovide, puis sur la promenade des remparts, et enfin aux abords de la prison de Vincennes.
Deux jours de promenade dans le Paris du XVIIIème siècle.

mercredi 15 juin 2011

Les Confessions (8) : Rousseau chez le Comte de Gouvon


Jean-Jacques donne la leçon
Employé comme laquais chez le comte de Gouvon, le jeune Jean-Jacques trouve l'occasion de se distinguer lors d'un dîner, alors que les convives s'interrogent sur la signification de la devise "tel fiert qui ne tue pas". C'est lui, Jean-Jacques, qui apprend à cette tablée d'aristocrates que le mot "fiert" ne vient pas du latin "ferus" mais du verbe "ferit".

Par le biais de ce récit (livre III des Confessions), Rousseau illustre une thèse énoncée dans plusieurs de ses ouvrages théoriques, notamment son Discours sur l'Inégalité : l'ordre social est injuste puisqu'il récompense de fausses valeurs et non le véritable  talent. Rousseau conclut d'ailleurs son récit par un propos plus général qui confirme cette analyse : "ce fut un de ces moments trop rares qui replacent les choses dans leur ordre naturel et vengent le mérite avili des outrages de la fortune."
Jean-Jacques et Mlle de Breil
Et si Jean-Jacques n'est pas à sa vraie place (celle du laquais réduit au silence), les autres ne le sont pas non plus ! Qu'ont-ils de nobles, ces maîtres incapables de déchiffrer la devise de leur propre maison ? A quoi doivent-ils leur place sinon au hasard de la naissance ? Bien avant Beaumarchais, Rousseau s'insurge déjà contre cette anomalie.

Une fois encore, le récit prend donc une valeur démonstrative. Et dans le même temps, Rousseau montre que son expérience passée a nourri sa pensée. Celle-ci n'est donc pas qu'une construction intellectuelle fabriquée de toutes pièces, et sur la tard, afin de le singulariser aux yeux de l'opinion publique ! Dans les premiers livres des Confessions, on devine constamment la volonté que ressent le Genevois de rechercher dans son enfance l'origine de son système philosophique. Ce système est authentique, ne cesse-t-il de clamer, comme pour faire taire les soupçons que font peser sur lui les insinuations de Grimm et des autres.
Rappelons que dès 1762, dans sa Correspondance Littéraire, l'Allemand dénonçait déjà le "rôle de singularité" pris par Rousseau après le succès de ses premiers écrits...
Le thème du masque, encore et toujours...

mardi 14 juin 2011

Anniversaire

Nous venons de dépasser, il y a quelques minutes, le cap des 10000 pages lues. Je vous remercie une fois encore. Eh bien, nous continuerons ! A demain, donc, pour le prochain article...

vendredi 10 juin 2011

Journal l'Alsace ( juin 2011)

 Un ancien Colmarien décrypte Jean-Jacques Rousseau
 

De tous les grands philosophes du siècle des Lumières, Jean-Jacques Rousseau est incontestablement celui dont la vie est le plus entrée dans la légende. Olivier Marchal, un professeur de lettres natif de Colmar, et ayant résidé plus de 25 ans en Alsace, a décidé de mettre en lumière cette personnalité hors normes dans son premier roman "Rousseau, la comédie des masques" , sorti en février aux Editions Télémaque. Cet ouvrage est le fruit de vingt années de lectures compulsives sur le sujet. 
« En 1750, Rousseau devient célèbre grâce à son Discours sur les sciences et les arts, dans lequel il dénonce la société de son temps, dont les jeux d'apparences et les mondanités, explique l'écrivain, qui réside désormais à Bourges. Pour prouver sa sincérité, il quitte Paris et ses artifices en 1756, et s'installe à Montmorency. Débute alors sa rupture avec ses amis philosophes, qui chercheront à le décrédibiliser ». « En 1766, Rousseau est définitivement coulé dans l'opinion publique, traité de fou et de menteur, poursuit l'auteur. Seule la Révolution le fera sortir de l'oubli. Dans ce roman historique, je cherche à comprendre pourquoi cet homme à l'ego surdimensionné a tourné le dos au succès, et suscité tant de haine. II est probable qu'il se soit pris à son propre piège, victime du personnage qu'il s'était composé ». Le deuxième tome, sur lequel Olivier Marchal travaille actuellement, et qui devrait sortir en 2012, traitera plus particulièrement du retour à Paris de Rousseau, en 1771. L'oeuvre dans son ensemble pourrait même être adaptée à l'écran. 
«Rousseau, la comédie des masques», roman d'Olivier Marchal Editions Télémaque 399 pages 
-Olivier Roujon-

mercredi 8 juin 2011

Diderot, le génie débraillé

Depuis la parution du 1er tome ("Rousseau, la comédie des Masques"), au mois de février dernier, on m'a souvent interrogé sur la postface et notamment sur ce propos concernant le Diderot de Sophie Chauveau : 
"Dernièrement, en achevant la lecture d'un roman biographique consacré à Diderot, je me suis surpris à envier son auteure, Sophie Chauveau, qui affirme dans sa postface : "Je l'ai si bien connu, si ardemment pratiqué que j'ose affirmer le connaître de l'intérieur..." Quelle chance ! me suis-je dit en soulignant rageusement ce passage. Jamais je n'aurai cette certitude concernant Rousseau."


Rien de désobligeant dans ces quelques lignes. D'ailleurs, faut-il le préciser, j'ai dévoré les deux volumes du Diderot avec un immense plaisir. L'écriture est agréable, déchargée des lourdeurs trop fréquentes dans les romans historiques. Que voulais-je dire ? Tout simplement que l'Encyclopédiste a certainement été un personnage plus facile à décrypter que le Citoyen de Genève. Pourquoi ? Parce que chez ce dernier, la vérité est intérieure, rarement apparente, donc forcément insaisissable. Ainsi, malgré la multitude d'ouvrages que j'ai pu lire sur Rousseau, je ne sais toujours pas si le personnage qu'il est devenu après sa conversion est authentique, ou bien s'il joue au misanthrope. J'ignore également ce qui s'est réellement passé entre Diderot et lui dans le cachot de Vincennes. Lequel des deux dois-je croire ? J'ignore de la même façon ce qu'il est advenu des enfants de Rousseau, si tant est qu'il y en ait eu... Et comment me prononcerais-je sur la possible liaison avec Mme d'Houdetot ? Que s'est-il vraiment passé à Eaubonne, au courant de cet été 1757 ?
Sophie Chauveau
Aucune certitude aujourd'hui, et c'est peut-être pour cela que le Genevois m'a tant passionné...


Evidemment, malgré les qualités que je reconnais à l'ouvrage de Sophie Chauveau, je ne peux m'empêcher de relever quelques détails gênants :
Tout d'abord l'emploi systématique du présent, qui laisse entendre que l'auteure rapporte des faits avérés, ce qui rattacherait le livre au genre biographique, et non plus au roman. C'est là, à mes yeux, que le bât blesse : dans l'impression donnée qu'il ne s'agit pas d'une fiction, mais d'une réalité historique qu'on rapporte de manière exhaustive.
Et si je m'en tiens au personnage de Rousseau, je me dois alors de souligner quelques inexactitudes : revenons au texte, et examinons-le dans le détail...

P.158 " de salons en salons, il va lisant les meilleurs extraits de ses Confessions."
Faux. Rousseau fait en tout et pour tout quatre lectures de son autobiographie, et il s'agit toujours d'une lecture intégrale.

P.164 "Louise a beau demander qu'on interdise la lecture de ses fameuses Confessions dans tous les salons, elle n'en peut mais. Aucune loi ne peut empêcher de lier en privé des écrits privés..."
Faux. Après l'intervention de Louise d'Epinay auprès de Sartine (en mai 71), Rousseau interrompt définitivement ses lectures publiques.


P.49 "Diderot n'est pas riche. C'est son luxe. Ca lui permet d'ignorer la cour, ses avantages et ses obligations. Les protections et les caprices."

Faux. Et là, on doit rappeler la fortune que lui offre Catherine de Russie en échange de sa bibliothèque personnelle. Cette même fortune qui incite ensuite Diderot à taire les horreurs commises par l'impératrice. En compagnie de quelques autres, il fera même pression sur Rulhière pour l'empêcher de révéler ces mêmes horreurs dans un ouvrage qu'il s'apprête à publier. En vérité, ces quelques phrases sonnent juste, mais il faut remplacer le nom de Diderot par celui de Rousseau.


P.258 "Pour cracher sur Rousseau, Diderot est aiguillonné par tous leurs amis trompés, abusés et furieux de se retrouver dans les Confessions..."
Etrange justification de l'acharnement de Diderot contre son ami. Surtout lorsqu'on se souvient que les six premiers livres des Confessions ne seront publiés qu'en 1782 et les six suivants en 1789 ! 



lundi 6 juin 2011

«Mon Rousseau à moi», Salon du livre - 2012 Rousseau pour tous



De toute évidence, en 2012, Genève sera au centre de toutes les attentions. Colloques, promenades, films, lectures, représentations théâtrales, banquets... Les manifestations se multiplieront tout au long de l'année.
La France ne sera pas en reste puisque les principaux lieux rousseauistes commémoreront le philosophe.
Pour ma part, avec la sortie prévue du 2nd tome, l'année du tricentenaire marquera mes adieux définitifs au Genevois. Avec, je l'espère, quelques bonnes surprises à vous annoncer d'ici là...