Dans le Tome XV d'Histoire de France, Jules Michelet évoque les disparitions d'enfants survenues à Paris au cours du mois de mai 1750.
(nous avions déjà consacré quelques billets à ce sujet : à découvrir ici)
Paris savait en général que le
roi menait une vie déplorable. Le public arriéré en restait au temps éloigné, à
ces vilains jeux d’écoliers, qui jadis par deux fois ont fait chasser les
camarades. On disait : « C’est un Henri III. » D’autres aussi, par un pressentiment,
trop précoce, mais non erroné, supposaient que déjà il avait commencé ces vols
ou ces achats d’enfants qui n’eurent lieu que plus tard (1754-1764). On était
d’autant plus disposé à le croire que des princes, seigneurs ou fermiers
généraux, enlevaient, séquestraient réellement des enfants, des filles, des
dames même captives (ex. Charolais, Clermont, Melun, etc.). Une fille, à Noël, s’échappa, effarée ; elle avait dix-sept ans, et on l’avait
tenue dès l’enfance à l’état sauvage. Que souffraient ces victimes ? On le sut
par de Sade (1754). Horrible histoire, certaine. Dans les razzias qu’on faisait
d’enfants pour le Mississipi, l’imagination populaire s’exalta et reprit les
vieilles histoires du Moyen-âge, de lèpre et de bains de sang. Les enleveurs
étaient des exempts déguisés. Ce mystère faisait dire : « C’est lui, c’est cet
Hérode, épuisé de débauche, qui est devenu ladre et qui veut se refaire par le
sang innocent. » Il n’y a jamais eu dans les plus sombres jours de la Révolution,
un jour où le cœur du peuple ait été si atteint. Dès novembre 1749, on avait vu
des filles enlevées par la police, filles publiques d’abord, puis pauvres
servantes sans place ou jeunes ouvrières, et enfin de petits enfants. On dit
que les archers, pour chaque tête, avaient quinze écus. Ce métier progressa.
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Un archer qui avait volé un petit
écolier, trouva plus lucratif, pour trente écus, de le rendre aux parents (février
1750). D’autres furent volés par des femmes, vendus à des gens riches.
De là, de furieuses batteries. Au quartier Saint-Antoine, un enfant enlevé
crie, on sort des boutiques, on poursuit les exempts. Les gens du port leur
cassent bras et jambes. Dès lors tous les matins la foule est dans les rues.
Au 22 mai, quatre batailles. Rue
de Cléry, un commissaire a sa maison dévastée, saccagée. A la Croix-Rouge, un
cocher crie qu’on lui prend son enfant.
Les laquais qui portaient l’épée,
dégainent. Avec le peuple, ils forcent la maison d’un rôtisseur chez qui un
archer s’est sauvé. Deux hommes y furent tués dans les caves, tout brisé. Rien
de pris. On rapporta au rôtisseur son argenterie le lendemain. Autre combat aux
Quatre-Nations et au Palais. Et là le peuple tend les chaînes, veut faire des
barricades, brûler le commissaire dans sa maison. Il tue plusieurs archers.
le lieutenant de police Berryer |
Mais le combat terrible a lieu
(23 mai) à Saint Roch. Là, on tire sur le peuple, et on est forcé pourtant de lui
livrer un archer qu’il a pris en flagrant délit d’enlèvement. La foule traîne
le corps à l’hôtel de Berryer, lieutenant de police, puis s’arrête, se laisse amuser.
La cavalerie vient, charge, balaye la rue Saint-Honoré.
(à suivre ici)
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