lundi 16 juillet 2012

Critique du "Voile déchiré"

premiers retours de lecture. Celui-ci me semblait bien tourné et intéressant.

"Rousseau aurait eu 300 ans. Lui qui n'attendait plus aucune reconnaissance, aucune compréhension de la part de ses contemporains déclarait que ses écrits trouveraient leur place dans l'esprit "des temps à venir".
L'histoire lui aura peut être donné raison. Mais le voile posé sur son oeuvre est-il à présent entièrement levé?
Olivier Marchal , aux Editions Télémaque, continue, dans ce deuxième roman consacré à Rousseau, de s'interroger sur la personnalité de ce philosophe, écrivain, encyclopédiste, musicien du siècle des Lumières. Rousseau est un homme âgé, fatigué lorsqu'il rencontre le jeune Bernardin de Saint Pierre. Ces deux là vont "s'entreconnaître".
Le futur Louis XVI s'apprête à monter sur le trône, Paris parle fort, souvent mal.. Paris a mauvaise haleine en ces années 1770. le combat des idées a rendu L'âme sur l'autel du pouvoir, des richesses et des titres de gloire. Les fermiers généraux rejoignent le cercle des penseurs . L'idéal se poudre, se farde, et courtise Versailles. Rousseau les dénoncera. Tous, de Diderot à D'Alembert, de Voltaire à Grimm lui assèneront des coups de bâton.
Olivier Marchal déchire le voile. Il met en Lumière un peu plus l'esprit de ce siècle"

dimanche 15 juillet 2012

Les Lumières, un antihumanisme (2) - Marion Sigaut



Sous l'ancien Régime, "on ne torturait pas les gens pour obtenir leurs aveux", prétend Marion Sigaut. "Jamais", répète-t-elle même à plusieurs reprises avant de qualifier Voltaire de menteur.
Une nouvelle fois, l'historienne semble ignorer (à moins qu'elle feigne d'ignorer ?) ce qui se pratiquait dans les prisons du Royaume. Au terme de "torture", le XVIIIè siècle préfère celui de "question" : il distingue d'ailleurs la question dite "préparatoire" (destinée à obtenir les aveux du prévenu) de la question "préalable" (visant à obtenir le nom d'éventuels complices).
Par exemple, au Parlement de Bourgogne, 63 accusés sont soumis à la question préparatoire au cours du XVIIIè, et 52 à la question préalable. Si cette pratique est devenue si rare, c'est surtout parce qu'elle s'avère inefficace : ainsi, toujours pour la Bourgogne, seul un torturé sur trois avoue ses crimes.
C'est Louis XVI qui interdira définitivement la torture, et ce  peu avant la Révolution, alors qu'on ne la pratiquait quasiment plus nulle part : " Notre déclaration du 24 août 1780 sera exécutée, et y ajoutant, abrogeons la question préalable", ordonne-t-il au mois de mai 1788.

samedi 14 juillet 2012

Les Lumières un antihumanisme - Marion Sigaut

 
Très largement commentée sur le net, cette conférence de l'historienne Marion Sigaut a attiré mon attention. 
Si cette spécialiste du XVIIIè dispose d'une indéniable force de conviction, on est pourtant en droit de s'interroger sur la thèse qu'elle entreprend de réfuter ici ("les Lumières auraient contribué à humaniser la justice") et sur l'exemple qu'elle choisit pour illustrer son propos ("j'ai entendu dire que le supplice de Damiens avait indigné les Lumières"). Dans la foulée, M. Sigaut s'en prend à Voltaire, à Diderot, à Beccaria etc... en accumulant approximations et erreurs (volontaires ?).
Prenons le cas de Voltaire, peut-être le plus emblématique. Précisons tout d'abord qu'il ne commence à s'intéresser à la question judiciaire qu'en 1762 (il a 68 ans), à l'occasion de l'affaire Calas. Si cette affaire l'intéresse tant, c'est qu'il y trouve avant tout un terrain propice pour attaquer l'église et le fanatisme religieux des juges. Il n'est nullement question, sous sa plume, d'une quelconque revendication visant à humaniser le sort réservé au(x) condamné(s). C'est en fait l'Infâme qui est systématiquement visé dans ses prises de position. Ainsi, il plaidera bientôt (c'était déjà le cas de Montesquieu dans un passage célèbre des Lettres Persanes) pour que la peine soit adaptée au crime, autrement dit pour que le criminel ne soit plus considéré comme un "pêcheur". A ses yeux, le blasphémateur n'a évidemment pas à subir le même sort que le régicide ! Le combat de Voltaire vise donc à laïciser la justice, et tout particulièrement à supprimer les condamnations liées à des motifs religieux.
A aucun moment il ne se prétend abolitionniste (contrairement à Beccaria). Dans le domaine son approche est avant tout utilitaire. Comme l'expliquera Hugo au XIXème, l'exécution publique n'a aux yeux de Voltaire aucun effet dissuasif. Il est donc plus utile de faire travailler un condamné que de l'éliminer. Concernant les supplices et la torture, le principe le dérange peut-être, mais il estime que "les assassinats prémédités, les parricides, les incendiaires, méritent une mort dont l'appareil soit effroyable". (à suivre)

Rousseau à Chenonceau

 C'est en 1733 que le financier Claude Dupin acquiert le château pour la somme de 130 000 livres.
Secrétaire de son épouse Louise Dupin à partir de 1743, Rousseau y effectue plusieurs séjours, notamment en 1746, 1747 et 1749. Il travaille alors à la correction de l'ouvrage sur les femmes que projette d'écrire Louise Dupin. On a retrouvé au cours des dernières décennies plusieurs milliers de pages écrites ou corrigées de sa main. En compagnie de Dupin de Francueil (fils de M. Dupin), il crée dans le bâtiment des Dômes un laboratoire de physique ainsi qu'un cabinet d'histoire naturelle. Certains de leurs instruments sont aujourd'hui visibles dans l'exposition "Rousseau, heureux à Chenonceau", ouverte au public depuis le mois de mai.
Quittant Paris à la belle saison, Louise Dupin tient à Chenonceau un salon brillant, auquel participent notamment Voltaire et Fontenelle, mais également des invités plus prestigieux, issus de l'aristocratie de Cour. Certains soirs, dans le théâtre du château, on croise même des membres de l'Opéra de Paris. Pour sa part, Francueil accompagne régulièrement le corps de trente musiciens qu'il entretient sur ses deniers. Si Rousseau évoque avec bienveillance ces années au service d'un richissime fermier général, Melchior Grimm prétend au contraire que "la gêne et la sorte d'humiliation qu'il éprouva dans cet état ne contribuèrent pas peu à lui aigrir le caractère."
S'il abandonne son travail de secrétaire en 1751, Rousseau continue pourtant de correspondre avec Madame Dupin, à laquelle il témoignera estime et respect jusqu'à la fin de son existence.
Au moment de la Révolution, Louise Dupin quitte Paris et s'installe définitivement à Chenonceaux. C'est là qu'elle meurt au mois de novembre 1799. A l'un de ses amis royalistes, elle aurait alors dit de Rousseau : "C'était un vilain coquin".