vendredi 21 février 2025

Au pays de Voltaire, la France a éteint la lumière

Le récent discours de JD Vance, vice-président des Etats-Unis, puis la disparition de la chaîne C8 ont ravivé dans les médias les polémiques autour de la liberté d'expression.


 
"Au pays de Voltaire, la France a éteint les lumières", a regretté Pascal Praud sur Cnews, dans un de ces élans lyriques dont il est coutumier.

Je me suis souvent demandé comment l'Histoire (dès Hugo !) a érigé Voltaire en parangon de vertu, en apôtre de cette fameuse liberté d'expression revendiquée par la plupart des auteurs des Lumières.

A commencer par Voltaire lui-même, reconnaissons-le, du moins à en croire ses écrits :

L'ABC

 
Dictionnaire philosophique
 

La liberté d'expression, un "droit naturel", sans doute, mais un droit que Voltaire n'a cessé de contester sa vie durant !

Passons sur les publications clandestines de ses oeuvres qui ont valu à quelques libraires parisiens d'être mis au cachot à la demande du philosophe. Mais qu'en est-il des autres, de tous les autres, de ces adversaires littéraires que l'implacable Voltaire est parvenu à réduire au silence par la calomnie, la raillerie, jusqu'à les faire jeter en prison ?

On songe à l'abbé Desfontaines, à Fréron, à Le Franc de Pompgnan, ou encore à La Beaumelle, tous réduits au silence par la seule volonté du patriarche de Ferney.

Prenons l'exemple de ce dernier auquel j'ai consacré quelques articles voilà dix ans de cela. Je vous laisse découvrir le premier d'entre eux ci-dessous :

***

Le XVIIIè siècle regorge de fiers-à-bras qui ont osé s'en prendre à Voltaire. Entrer en querelle avec le prince des poètes constituait alors un titre de gloire, le meilleur moyen de se faire connaître dans le monde, dans la belle société parisienne qui raffolait de ces joutes oratoires aussi cruelles que délectables.
L'entreprise n'était évidemment pas sans risques...
Certains, comme le journaliste Fréron ou l'académicien Le Franc de Pompignan, s'y sont cassé les dents. Voltaire possédait en effet cet art, quasi unique en son temps, de ridiculiser son adversaire d'un simple trait de plume. Quand d'autres, comme Diderot par exemple, rechignaient à se jeter dans ces sordides mêlées, lui y prenait un plaisir coupable. Sa part d'ombre est là, dans ces abjections, dans ces mensonges et ces calomnies qu'il aime à déverser sur l'ennemi. L'homme de Ferney était capable de s'acharner sur l'homme à terre, de faire tomber sur lui une pluie de libelles et de pamphlets jusqu'à lui faire rendre gorge.
C'est à ce prix qu'on se mesurait à lui...
Avant de se lancer dans un tel combat, il était donc préférable d'assurer ses arrières, de trouver des appuis et des protections solides pour vous soutenir au cours de l'affrontement. Quand Fréron assistait à la première d'une tragédie de Voltaire, il savait que son ennemi avait massé ses partisans dans la salle. Le critique littéraire venait donc avec les siens. Ainsi, les sarcasmes pouvaient répondre aux éloges. Tout était jeu et comédie, sur la scène comme dans la salle.
Derrière les ennemis de Voltaire, on trouve toujours les mêmes factions : une partie de la Cour (le parti de la Reine et du Dauphin), les Jésuites, les Jansénistes...
Il en est un, pourtant, qui fait exception à cette règle.
Un jour, il s'est dressé seul contre Voltaire.
Cet homme se nomme Laurent Angliviel de La Beaumelle.
Portrait de La Beaumelle, par Liotard

Quand il arrive en Prusse au mois de novembre 1751, le jeune homme âgé de 25 ans n'est encore rien. Professeur à Copenhague, il a depuis peu entrepris de lancer une collection de classiques français. Voltaire en fait partie. Un an plus tôt, La Beaumelle avait demandé à Voltaire un exemplaire fiable (et non travesti) de La Henriade. Comme les corrections apportées par le poète lui semblaient trop légères, il le lui fit remarquer avec une certaine hauteur : "Faites-moi la grâce, Monsieur, de changer ces bagatelles." Sur le coup, occupé par son rôle de courtisan auprès du roi Frédéric, Voltaire ne releva pas l'insolence.
Mais en voyant débarquer le jeune homme à Berlin, il s'en inquiète aussitôt auprès de ses correspondants  
"J'écris à Paris pour savoir qui il est. Il me paraît homme de lettres cherchant pratique et puis c'est tout..." (à la comtesse de Mettinck, novembre 51). " Il me dit qu'il venait voir Frédéric et moi. Cette cordialité pour le roi me parut forte." (à d'Argental, décembre 52).
De toute évidence, Voltaire se méfie. Et leur première rencontre va le conforter dans ses intuitions.
(à suivre ici)



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