L'arrêt d'interdiction visant les 2 premiers tomes précise que "Sa Majesté a reconnu que dans ces deux volumes on a affecté d'insérer plusieurs maximes tendant à détruire l'autorité royale, à établir l'esprit d'indépendance et de révolte, et, sous des termes obscurs et équivoques, à élever les fondements de l'erreur, de la corruption des moeurs, de l'irréligion et de l'incrédulité" ( 7 février 1752).
Le 11, on décrète l'arrestation de l'abbé de Prades, auteur de la thèse scandaleuse. Par chance, ce dernier a eu le temps de fuir et de trouver refuge, via la Hollande, chez le "roi philosophe" Frédéric II qui l'accueille à bras ouverts.
Pour sa part, Diderot joue la prudence, quittant discrètement Paris pour se cacher à Langres, auprès de sa famille, où il demeurera jusqu'au début de l'été.
A en croire le Journal de Barbier (février 52), "cet arrêt du Conseil n'a été donné que pour apaiser les criailleries des Jésuites, et autres religieux..."
De son côté d'Argenson prétend que "le plus vilain rôle est celui des Jansénistes, qui ne veulent de tolérance que pour eux seuls". Tout cela est plus que vraisemblable. Le parti dévot et les Bons Pères disposaient d'appuis à la Cour, le Parlement était sous influence janséniste, tout ce beau monde se haïssait mais savait à l'occasion s'allier contre ces nouveaux impies. Comment le Roi aurait-il pu leur résister ?
extrait du Journal de Barbier (fév 52) |
Par chance, les Encyclopédistes disposent eux aussi de leur réseau d'influence. La Pompadour et Malesherbes constituent en l'occurrence des soutiens puissants, à défaut d'être toujours fidèles. D'autre part, et on néglige trop souvent ce motif, la suppression de l'Encyclopédie provoquait un sérieux manque à gagner pour les Libraires parisiens, qui jouaient bien évidemment de cet argument pour s'en plaindre auprès du Directeur de la Librairie. Dans le même temps, on fait planer la menace d'une poursuite de l'impression à l'étranger, d'où les propositions affluent. En août 1752, dans une lettre à Voltaire (qui séjourne alors à Potsdam auprès de Frédéric), d'Alembert écrit : "Nous connaissons bien mieux que personne tout ce qui manque à cet ouvrage. Il ne pourrait être bien fait qu'à Berlin, sous les yeux et avec la protection et les lumières de votre prince philosophe..."
Malesherbes, directeur de la Librairie |
Désireux de ménager les deux camps, Malesherbes imagine un projet de réorganisation, qui supprimerait à l'avenir tout risque de scandale. Détaillant son idée, Malesherbes écrit à l'abbé de Bernis, un proche de la favorite : "j'ai pris les mesures que j'ai crues les plus efficaces ; par exemple pour la théologie, l'un des censeurs est chargé de vérifier sur un exemplaire de chaque volume, si toutes les pages ont été vues ou paraphées par lui ou l'un de ses confrères."
Forts de ces arguments (la faillite des Libraires étant mise dans la balance), la Pompadour et ses proches obtiennent du roi qu'il revienne sur sa décision et autorise les Encyclopédistes à reprendre le travail.
En tout et pour tout, l'interdiction aura duré trois mois...
(à suivre ici)
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