Quelques jours plus tard (sans doute fin janvier puisque dès le 1er février, le magistrat Bouhier rapporte l'incident à Marais), alors qu'il dîne chez son ami le duc de Sully, Voltaire est appelé dans la rue, où l'attend un messager. Il descend. Deux voitures fermées stationnent devant la porte de l'hôtel. Le poète monte sur le marchepied de la première et se retrouve aussitôt pris au collet par plusieurs hommes de main qui lui assènent dans la foulée une sévère bastonnade.
Confortablement assis dans l'autre voiture, Rohan commande la manoeuvre de ses séides : "Ne frappez pas sur la tête, il peut en sortir quelque chose de bon." C'est du moins ainsi que d'Argenson mentionne l'agression dans son Journal.
Version confirmée par Marais dans son propre Journal. (février 1726)
Plus humilié que meurtri, Voltaire remonte en toute hâte chez son ami Sully et lui demande de l'accompagner chez le commissaire afin de déposer une plainte. Sully refuse. Et autour de lui, personne n'ose prendre le parti du poète. "Ce fut comme un effondrement à l'intérieur de lui-même", explique fort justement le biographe Jean Orieux. En ce jour de janvier 1726, Voltaire comprend le caractère factice et illusoire de cette fusion mondaine des élites sociales et intellectuelles. Dans ce moment décisif, l'esprit de corps a pris le pas sur l'amitié, et Voltaire est brutalement ramené à son rôle d'amuseur de salon. Il aura beau demander justice, personne ne la lui rendra. L'abbé de Caumartin, évêque de Blois et parent de Sully, aura ce mot tristement révélateur :"Nous serions bien malheureux si les poètes n'avaient pas d'épaules". Le prince de Conti ricane lui aussi de la mésaventure : "Voilà des coups de bâton mal donnés, mais bien reçus". Voltaire s'adresse au duc d'Orléans : "Monseigneur, je vous demande justice !". "Mais on vous l'a déjà faite !" rétorque le prince, hilare.
Plus humilié que meurtri, Voltaire remonte en toute hâte chez son ami Sully et lui demande de l'accompagner chez le commissaire afin de déposer une plainte. Sully refuse. Et autour de lui, personne n'ose prendre le parti du poète. "Ce fut comme un effondrement à l'intérieur de lui-même", explique fort justement le biographe Jean Orieux. En ce jour de janvier 1726, Voltaire comprend le caractère factice et illusoire de cette fusion mondaine des élites sociales et intellectuelles. Dans ce moment décisif, l'esprit de corps a pris le pas sur l'amitié, et Voltaire est brutalement ramené à son rôle d'amuseur de salon. Il aura beau demander justice, personne ne la lui rendra. L'abbé de Caumartin, évêque de Blois et parent de Sully, aura ce mot tristement révélateur :"Nous serions bien malheureux si les poètes n'avaient pas d'épaules". Le prince de Conti ricane lui aussi de la mésaventure : "Voilà des coups de bâton mal donnés, mais bien reçus". Voltaire s'adresse au duc d'Orléans : "Monseigneur, je vous demande justice !". "Mais on vous l'a déjà faite !" rétorque le prince, hilare.
A peine acceptera-t-on de réprimander discrètement les brutes du chevalier de Rohan (voir archive de la Bastille ci-dessous)
" Qu'il y ait eu intervention ou non" explique Orieux, "le résultat était le même : c'était l'échec certain. Personne, même pas le ministre, ne voulait se mettre les Rohan à dos. Ils étaient nombreux, et puissants. Partout : dans l'Eglise, dans l'armée, à la Cour - et solidaires".
Conscient de son impuissance, Voltaire prend sa décision : il vengera son honneur sur le champ, les armes à la main ! Le chevalier se terre à Versailles, dans la résidence de son cousin le cardinal. Pendant ce temps, Voltaire s'initie au maniement de l'épée, ignorant qu'on l'a discrètement placé sous surveillance, comme le montre ce rapport de police :
" le sieur de Voltaire médite d’insulter incessamment et avec
éclat M. le chevalier de Rohan. Il a changé plusieurs fois,
depuis six semaines, de demeure et de quartier. On a avis qu’il est actuellement
chez un nommé Leynault, maître en fait d’armes, rue Saint-Martin,
où il vit en très mauvaise compagnie. On prétend qu’il
est en relation avec des soldats aux gardes, que plusieurs bretteurs fréquentent
chez lui; mais quoi qu’il en soit de ces faits, il est toujours constant
qu’il a de très mauvais desseins, et il est sûr qu’il a fait
venir de province un de ses parents qui doit l’accompagner dans le combat.
Ce parent est homme plus modéré que M. de Voltaire, et voudrait
bien le calmer; mais il ne lui est pas possible d’en venir à bout.
Il est plus irrité et plus furieux que jamais dans sa conduite et
dans ses discours "
Mais voilà que le chevalier s'apprête à revenir à Paris !
(à suivre ici)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour commenter cet article...