La pièce se déroule au couvent de
N.D, dans la chambre d'une jeune pensionnaire prénommée Marton.
Impatiente de découvrir l'amour, cette dernière s'en ouvre à son amie,
soeur Agathe, qui lui propose un rendez-vous galant avec Clitandre et un
Jésuite.Voici la fin de la pièce
SCÈNE III
MARTON, LE JÉSUITE
MARTON
Père, où va donc votre maîtresse?
Clitandre a marché sur ses pas,
On nous a laissés seuls ; ne compterait-on pas
Un peu trop sur notre sagesse?
LE JÉSUITE, embrassant Marton.
Clitandre m'enlève mon bien;
Je vais me venger sur sa belle.
MARTON, souriant.
Punissons ce couple infidèle;
Je ne vous refuserai rien.
LE JÉSUITE, promenant sa main sous la jupe de Marton.
Permettez que ma main s'empare
Du trésor qu'on livre à mes feux.
Souffrez, Marton, qu'elle s'égare
Dans le labyrinthe amoureux.
(Il place la main de Marton.)
Saisissez-vous des biens dont la nature avare
Pour vous a voulu m'enrichir.
Sous vos doigts voyez-le grossir :
Priape, en feu, cherche un asile ;
Daignez le recevoir.
MARTON
Je n'y puis consentir.
Eh ! qui pourrait le contenir?
LE JÉSUITE
Moins la route sera facile
Et plus nous aurons de plaisir.
(Il attire Marton sur lui.)
De mon trait hâte-toi de te percer toi-même,
Vite... vite...
MARTON, sur les genoux du Jésuite, s'agitant vivement.
Ah ! mon roi, sens-tu comme je t'aime?
SCÈNE IV
Sœur AGATHE, CLITANDRE, MARTON, LE JÉSUITE
SŒUR AGATHE, apercevant Marton à cheval sur le Père.
Ah ! ah ! la drôle invention !
En courant de la sorte, aimable postillon.
On arrive bientôt au gîte.
LE JÉSUITE
Ma nonne, il vous sied bien de parler sur ce ton.
Je me venge de votre fuite.
MARTON
Je te fais, cher Clitandre, une infidélité;
Fallait-il me laisser seule avec un Jésuite?
Va, va, tu l'as bien mérité.
CLITANDRE
Oublions chacun notre injure.
Et pour réveiller nos désirs.
Par une nouvelle posture
Diversifions nos plaisirs.
Quittons cette vaine parure
Et ces vêtements odieux ;
Les amants ne sont jamais mieux
Qu'en état de pure nature.
(Ils se déshabillent.)
LE JÉSUITE, dénouant le corset de Marton.
Venez, aimable enfant, dévoilez sans scrupule
Ce corps charmant, digne des dieux.
CLITANDRE, découvrant la gorge de sœur Agathe.
Sous cette guimpe ridicule,
Ah ! ma sœur, quels appas vous cachez à nos yeux !
Que chacun m'écoute en silence :
Agathe aura la complaisance
De se coucher sur ce sopha.
Le Père s'en emparera.
Sur le dos de sa révérence
Aussitôt Marton s'étendra :
J'ouvrirai la danse avec elle.
A chaque coup reçu, ma belle
Sur le Père retombera.
Par ce secours, son allumelle
Plus fort chez la Nonne entrera.
Quand, vers le Jésuite élancée,
Agathe se soulèvera,
Marton par le Père poussée,
Au-devant de mes coups ira.
Mettons ce projet en pratique.
(Ils s'arrangent.)
Qu'à son rôle chacun s'applique.
Ce ricochet voluptueux
Va nous rendre tous quatre heureux.
SŒUR AGATHE
Arrête, je suis écrasée.
LE JÉSUITE
Oh ! tu ne m'échapperas pas.
MARTON
Cher Clitandre, double le pas.
SŒUR AGATHE
Ah ! quelle abondante rosée
Inonde mes secrets appas.
MARTON
Je goûte le bonheur suprême !
CLITANDRE
Et moi, Marton.
LE JÉSUITE
Et moi de même.
{Après un moment de silence, ils se séparent.)
SŒUR AGATHE
Allons nous reposer. Chantons à l'unisson :
Vive, vive l'auteur de cette invention.
Chers amis, buvons à sa gloire.
Eh ! quoi, Marton, tu n'oses boire?
Te faut-il, pour calmer tes feux.
Avaler à longs traits le nectar amoureux?
(Ils boivent et mangent.)
CLITANDRE
Marton, mon feu renaît. Retourne-toi, ma chère,
Offre-moi ce revers charmant.
Que deux singes voilés naguère
Ont traité si cruellement.
(Il la retourne.)
Ah ! ciel, des coups de fouet j'y reconnais la trace :
Par des coups moins fâcheux il faut que je l'efface.
Allons, la croupe haute et la tête bien bas.
Tiens-toi ferme, et surtout ne me déboute pas.
(Il se met sur elle.)
MARTON, se débattant.
Que fais-tu donc, méchant? Ah ciel ! quelle infamie !
Viens à mon secours, chère amie :
Il s'écarte du droit chemin
Pour pénétrer dans le voisin.
SŒUR AGATHE
Clitandre, gardez-vous d'outrager la nature.
De cet aimable objet par une flamme impure
Ne profanez point les attraits.
(Elle l'arrache de dessus Marton, qui sort.)
CLITANDRE, courant après Agathe.
Soit, mais vous en paierez les frais.
(Il la renverse et la baise.)
SŒUR AGATHE, embrassant Clitandre.
J'approuve ta vengeance. A l'honneur d'une amie
Il faut bien, je le vois, que je me sacrifie.
SCÈNE V
Sœur AGATHE, LE JÉSUITE, CLITANDRE
LE JÉSUITE, attaquant Clitandre par derrière.
Quoi? Pendant que vous vous baisez,
Je resterai les bras croisés ?
Pardonne à ma robe, Clitandre;
En voyant l'embonpoint et la vive blancheur
De ton joli postérieur.
D'un goût italien je n'ai pu me défendre.
Poursuis ; ne te dérange pas :
S'il le faut, pour t'attendre, on redouble le pas.
CLITANDRE, après qu'ils ont fini.
J'excuse en toi, papa, le goût antiphysique;
Il tient à l'habit jésuitique.
Mais, quand d'un sexe aimable on peut combler les vœux,
Comment peut-on chérir ce commerce honteux?
LE JÉSUITE
Ce goût n'est point si ridicule i
Hylas fut le mignon d'Hercule;
Socrate brûla, nous dit-on,
Pour Alcibiade et Phédon ;
Jupiter amoureux enleva Ganymède ;
Hyacinthe amusait les loisirs d'Apollon ;
César caressait Nicomède ;
Chez la reine des nations,
Chaque empereur eut ses gitons.
On vit dans tous les temps la Grèce et l'Italie
Suivre cette douce manie.
Aujourd'hui, même avec succès,
Elle règne chez les Français.
SŒUR AGATHE
Taisez-vous, séducteur, une telle infamie
Ne peut qu'exciter mon courroux.
Elle doit sa naissance à cette secte impie
Qui voudrait se passer de nous.
Pour brûler d'une ardeur et réciproque et pure.
L'homme et la femme furent faits.
Prostituer son sexe, outrager la nature
Fut toujours à mes yeux le plus grand des forfaits.
SCÈNE VI ET DERNIÈRE
MARTON, Sœur AGATHE, GLITANDRE, LE JÉSUITE
MARTON, sortant du cabinet où elle s'était réfugiée.
J'apporte une triste nouvelle,
Amis, avec la nuit nos plaisirs vont finir.
Agathe, la cloche t'appelle,
Et le ciel commence à blanchir.
SŒUR AGATHE
Adieu donc, vigoureux athlètes.
Objets de nos brûlants désirs,
Ramenez quelquefois dans ces tristes retraites
L'amour, les jeux et les plaisirs.
Tandis que vingt beautés faciles,
Clitandre, à tes transports céderont tour à tour
Et que tes écoliers dociles,
Cher père, à tes besoins s'offriront chaque jour,
Entre ces murs épais, pour jamais resserrée.
Je verrai dans les pleurs mes jours se consumer,
Si, touchés des tourments d'une fille égarée.
Vous ne venez les ranimer.
LE JÉSUITE
Non; je ne reçois point un adieu si funeste.
Pour fêter encor vos appas, .
Belles, un seul instant nous reste ;
Reprenons nos tendres ébats.
MARTON
Avant de commencer une joute nouvelle.
Rassurez nos cœurs délicats;
Chers amis, ne nous trompez pas.
Jurez qu'au moindre avis, pleins d'une ardeur fidèle,
Vous revolerez dans nos bras.
CLITANDRE, LE JESUITE
Nous le jurons tous deux.
CLITANDRE
Que le dieu de Gythère
Nous fasse éprouver sa colère
Si vous brûlez pour des ingrats.
Mais profitons du temps. Marton, sois moins sévère,
A l'instant que ton jeune amant
Au temple des plaisirs entrera par devant,
Ouvre l'autre porte au bon Père :
Tandis que ton doigt libertin
De la fringante sœur fourragera les charmes,
L'aimable nonne, de sa main.
Par un chatouillement badin,
Hâtera l'effet de nos armes.
LE JÉSUITE
Cher Clitandre, que tardez-vous?
De sa grotte Vénus vous accorde l'entrée.
Marton, recevez sans courroux
Ce trait enflammé dont les coups
Portent de nouveaux feux dans votre âme enivrée. •
Frappons..., frappons à l'unisson
La voluptueuse Marton;
Redoublons son tendre délire.
A la fougue de nos désirs
Que ses sens ne puissent suffire ;
Faisons-la succomber sous le poids des plaisirs.
CLITANDRE
Que tes chatouillements, Agathe,
Augmentent ma félicité !
SŒUR AGATHE
Marton, que ta main délicate,
Par sa folâtre activité,
Dans mes sens agités répand de volupté !
MARTON
Eh ! vite... cher ami... je me meurs... je me pâme;
Par des torrents délicieux
Apaisez l'ardeur qui m'enflamme.
Je sens... Ah ! quel plaisir! vous m'inondez tous deux.
SŒUR AGATHE
Arrête-toi, Marton, je n'y saurais suffire.
Quel doux frémissement !...
MARTON
Quels coups impétueux !
CLITANDRE
Trémoussement voluptueux !
LE JÉSUITE
Douce langueur... fougueux délire!
Nous goûtons le bonheur des dieux.
(Il tombe sur le sopha.)
CLITANDRE
Reprenons nos habits. Adieu, filles charmantes,
Dont l'aimable naïveté
Effacera les traits de ces froides amantes
Que guide le caprice et la cupidité.
Belles sans art et sans parure,
Tendres avec sincérité.
Vous savez égayer une austère clôture
Et vous suivez en liberté
Le doux penchant de la nature.
Que je quitte à regret ce séjour enchanté !
Dans le monde, l'amour est un rude esclavage.
Les sentiments et le langage,
Tout respire la fraude et l'infidélité.
La pudeur d'une femme est un masque hypocrite ;
Dans ses plus doux transports règne la fausseté.
C'est dans le cloître seul qu'habite
La véritable volupté.
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