mardi 29 avril 2014

Les plaisirs du cloître, comédie érotique du XVIIIè siècle (anonyme) (2)

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La pièce se déroule au couvent de N.D, dans la chambre d'une jeune pensionnaire prénommée Marton. Impatiente de découvrir l'amour, cette dernière s'en ouvre à son amie, soeur Agathe, qui lui propose un rendez-vous galant avec Clitandre et un Jésuite.Voici la fin de la pièce




SCÈNE III



MARTON, LE JÉSUITE



MARTON

Père, où va donc votre maîtresse?

Clitandre a marché sur ses pas,

On nous a laissés seuls ; ne compterait-on pas

Un peu trop sur notre sagesse?



LE JÉSUITE, embrassant Marton.

Clitandre m'enlève mon bien;

Je vais me venger sur sa belle.



MARTON, souriant.

Punissons ce couple infidèle;

Je ne vous refuserai rien.



LE JÉSUITE, promenant sa main sous la jupe de Marton.

Permettez que ma main s'empare

Du trésor qu'on livre à mes feux.

Souffrez, Marton, qu'elle s'égare

Dans le labyrinthe amoureux.
(Il place la main de Marton.)

Saisissez-vous des biens dont la nature avare

Pour vous a voulu m'enrichir.

Sous vos doigts voyez-le grossir :

Priape, en feu, cherche un asile ;

Daignez le recevoir.



MARTON

Je n'y puis consentir.

Eh ! qui pourrait le contenir?



LE JÉSUITE

Moins la route sera facile

Et plus nous aurons de plaisir.

(Il attire Marton sur lui.)

De mon trait hâte-toi de te percer toi-même,

Vite... vite...



MARTON, sur les genoux du Jésuite, s'agitant vivement.

Ah ! mon roi, sens-tu comme je t'aime?



SCÈNE IV



Sœur AGATHE, CLITANDRE, MARTON, LE JÉSUITE



SŒUR AGATHE, apercevant Marton à cheval sur le Père.

Ah ! ah ! la drôle invention !

En courant de la sorte, aimable postillon.

On arrive bientôt au gîte.



LE JÉSUITE

Ma nonne, il vous sied bien de parler sur ce ton.

Je me venge de votre fuite.



MARTON

Je te fais, cher Clitandre, une infidélité;

Fallait-il me laisser seule avec un Jésuite?

Va, va, tu l'as bien mérité.



CLITANDRE

Oublions chacun notre injure.

Et pour réveiller nos désirs.

Par une nouvelle posture

Diversifions nos plaisirs.

Quittons cette vaine parure

Et ces vêtements odieux ;

Les amants ne sont jamais mieux

Qu'en état de pure nature.

(Ils se déshabillent.)



LE JÉSUITE, dénouant le corset de Marton.

Venez, aimable enfant, dévoilez sans scrupule

Ce corps charmant, digne des dieux.



CLITANDRE, découvrant la gorge de sœur Agathe.

Sous cette guimpe ridicule,

Ah ! ma sœur, quels appas vous cachez à nos yeux !

Que chacun m'écoute en silence :

Agathe aura la complaisance

De se coucher sur ce sopha.

Le Père s'en emparera.

Sur le dos de sa révérence

Aussitôt Marton s'étendra :

J'ouvrirai la danse avec elle.

A chaque coup reçu, ma belle

Sur le Père retombera.

Par ce secours, son allumelle

Plus fort chez la Nonne entrera.

Quand, vers le Jésuite élancée,

Agathe se soulèvera,

Marton par le Père poussée,

Au-devant de mes coups ira.

Mettons ce projet en pratique.

(Ils s'arrangent.)

Qu'à son rôle chacun s'applique.

Ce ricochet voluptueux

Va nous rendre tous quatre heureux.



SŒUR AGATHE

Arrête, je suis écrasée.



LE JÉSUITE

Oh ! tu ne m'échapperas pas.



MARTON

Cher Clitandre, double le pas.



SŒUR AGATHE

Ah ! quelle abondante rosée

Inonde mes secrets appas.



MARTON

Je goûte le bonheur suprême !



CLITANDRE

Et moi, Marton.



LE JÉSUITE

Et moi de même.

{Après un moment de silence, ils se séparent.)



SŒUR AGATHE

Allons nous reposer. Chantons à l'unisson :

Vive, vive l'auteur de cette invention.

Chers amis, buvons à sa gloire.

Eh ! quoi, Marton, tu n'oses boire?

Te faut-il, pour calmer tes feux.

Avaler à longs traits le nectar amoureux?

(Ils boivent et mangent.)



CLITANDRE

Marton, mon feu renaît. Retourne-toi, ma chère,
Offre-moi ce revers charmant.

Que deux singes voilés naguère

Ont traité si cruellement.

(Il la retourne.)

Ah ! ciel, des coups de fouet j'y reconnais la trace :

Par des coups moins fâcheux il faut que je l'efface.

Allons, la croupe haute et la tête bien bas.

Tiens-toi ferme, et surtout ne me déboute pas.

(Il se met sur elle.)



MARTON, se débattant.

Que fais-tu donc, méchant? Ah ciel ! quelle infamie !

Viens à mon secours, chère amie :

Il s'écarte du droit chemin

Pour pénétrer dans le voisin.



SŒUR AGATHE

Clitandre, gardez-vous d'outrager la nature.

De cet aimable objet par une flamme impure

Ne profanez point les attraits.

(Elle l'arrache de dessus Marton, qui sort.)



CLITANDRE, courant après Agathe.

Soit, mais vous en paierez les frais.

(Il la renverse et la baise.)



SŒUR AGATHE, embrassant Clitandre.

J'approuve ta vengeance. A l'honneur d'une amie

Il faut bien, je le vois, que je me sacrifie.




SCÈNE V



Sœur AGATHE, LE JÉSUITE, CLITANDRE



LE JÉSUITE, attaquant Clitandre par derrière.

Quoi? Pendant que vous vous baisez,

Je resterai les bras croisés ?

Pardonne à ma robe, Clitandre;

En voyant l'embonpoint et la vive blancheur

De ton joli postérieur.

D'un goût italien je n'ai pu me défendre.

Poursuis ; ne te dérange pas :

S'il le faut, pour t'attendre, on redouble le pas.



CLITANDRE, après qu'ils ont fini.

J'excuse en toi, papa, le goût antiphysique;

Il tient à l'habit jésuitique.

Mais, quand d'un sexe aimable on peut combler les vœux,

Comment peut-on chérir ce commerce honteux?



LE JÉSUITE

Ce goût n'est point si ridicule i

Hylas fut le mignon d'Hercule;

Socrate brûla, nous dit-on,

Pour Alcibiade et Phédon ;

Jupiter amoureux enleva Ganymède ;

Hyacinthe amusait les loisirs d'Apollon ;

César caressait Nicomède ;

Chez la reine des nations,

Chaque empereur eut ses gitons.

On vit dans tous les temps la Grèce et l'Italie

Suivre cette douce manie.

Aujourd'hui, même avec succès,

Elle règne chez les Français.



SŒUR AGATHE

Taisez-vous, séducteur, une telle infamie

Ne peut qu'exciter mon courroux.

Elle doit sa naissance à cette secte impie

Qui voudrait se passer de nous.

Pour brûler d'une ardeur et réciproque et pure.

L'homme et la femme furent faits.

Prostituer son sexe, outrager la nature

Fut toujours à mes yeux le plus grand des forfaits.



SCÈNE VI ET DERNIÈRE



MARTON, Sœur AGATHE, GLITANDRE, LE JÉSUITE



MARTON, sortant du cabinet où elle s'était réfugiée.

J'apporte une triste nouvelle,

Amis, avec la nuit nos plaisirs vont finir.

Agathe, la cloche t'appelle,

Et le ciel commence à blanchir.



SŒUR AGATHE

Adieu donc, vigoureux athlètes.

Objets de nos brûlants désirs,

Ramenez quelquefois dans ces tristes retraites

L'amour, les jeux et les plaisirs.

Tandis que vingt beautés faciles,

Clitandre, à tes transports céderont tour à tour

Et que tes écoliers dociles,

Cher père, à tes besoins s'offriront chaque jour,

Entre ces murs épais, pour jamais resserrée.

Je verrai dans les pleurs mes jours se consumer,

Si, touchés des tourments d'une fille égarée.

Vous ne venez les ranimer.



LE JÉSUITE

Non; je ne reçois point un adieu si funeste.

Pour fêter encor vos appas, .

Belles, un seul instant nous reste ;

Reprenons nos tendres ébats.



MARTON

Avant de commencer une joute nouvelle.

Rassurez nos cœurs délicats;

Chers amis, ne nous trompez pas.

Jurez qu'au moindre avis, pleins d'une ardeur fidèle,

Vous revolerez dans nos bras.



CLITANDRE, LE JESUITE

Nous le jurons tous deux.



CLITANDRE

Que le dieu de Gythère

Nous fasse éprouver sa colère

Si vous brûlez pour des ingrats.

Mais profitons du temps. Marton, sois moins sévère,

A l'instant que ton jeune amant

Au temple des plaisirs entrera par devant,

Ouvre l'autre porte au bon Père :

Tandis que ton doigt libertin

De la fringante sœur fourragera les charmes,

L'aimable nonne, de sa main.

Par un chatouillement badin,

Hâtera l'effet de nos armes.



LE JÉSUITE

Cher Clitandre, que tardez-vous?

De sa grotte Vénus vous accorde l'entrée.

Marton, recevez sans courroux

Ce trait enflammé dont les coups

Portent de nouveaux feux dans votre âme enivrée. •

Frappons..., frappons à l'unisson

La voluptueuse Marton;

Redoublons son tendre délire.

A la fougue de nos désirs

Que ses sens ne puissent suffire ;

Faisons-la succomber sous le poids des plaisirs.



CLITANDRE

Que tes chatouillements, Agathe,

Augmentent ma félicité !



SŒUR AGATHE

Marton, que ta main délicate,

Par sa folâtre activité,

Dans mes sens agités répand de volupté !



MARTON

Eh ! vite... cher ami... je me meurs... je me pâme;

Par des torrents délicieux

Apaisez l'ardeur qui m'enflamme.

Je sens... Ah ! quel plaisir! vous m'inondez tous deux.



SŒUR AGATHE

Arrête-toi, Marton, je n'y saurais suffire.

Quel doux frémissement !...



MARTON

Quels coups impétueux !



CLITANDRE

Trémoussement voluptueux !



LE JÉSUITE

Douce langueur... fougueux délire!

Nous goûtons le bonheur des dieux.

(Il tombe sur le sopha.)



CLITANDRE

Reprenons nos habits. Adieu, filles charmantes,

Dont l'aimable naïveté

Effacera les traits de ces froides amantes

Que guide le caprice et la cupidité.

Belles sans art et sans parure,

Tendres avec sincérité.

Vous savez égayer une austère clôture

Et vous suivez en liberté

Le doux penchant de la nature.

Que je quitte à regret ce séjour enchanté !

Dans le monde, l'amour est un rude esclavage.

Les sentiments et le langage,

Tout respire la fraude et l'infidélité.

La pudeur d'une femme est un masque hypocrite ;

Dans ses plus doux transports règne la fausseté.

C'est dans le cloître seul qu'habite

La véritable volupté.


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