mercredi 13 avril 2011

Thérèse Levasseur (3)

Ce blog fêtera bientôt sa première année d'existence. A ce jour, 8000 pages ont déjà été lues. Nous avons longuement évoqué le cas Rousseau, nous nous sommes penchés sur ses ouvrages, nous avons découvert quelques-unes des figures majeures du XVIIIème siècle, de Diderot à d'Alembert en passant par Voltaire.




Thérèse Levasseur
Et pourtant, les deux pages les plus consultées à ce jour concernent Thérèse Levasseur, cette lingère qui accompagna Rousseau pendant les trente dernières années de son existence. Comme souvent, c'est la petite histoire qui intrigue le public, surtout quand elle permet d'éclairer la grande, celle qu'on nous enseigne au cours de notre scolarité.
Eh bien, reconnaissons-le : le rôle joué par Thérèse dans le parcours privé et public de Jean-Jacques Rousseau me semble non seulement essentiel, mais également mésestimé par la plupart des biographes du Genevois. Songeons à la question des enfants abandonnés, à la brouille avec les philosophes, aux rapports venimeux que la lingère entretint avec son entourage, que ce soit à Montmorency, puis en Suisse, et enfin en Angleterre.
Mais de cela, il en a déjà été question...

Pour l'heure, je ne résiste pas au plaisir de rappeler le croustillant épisode du voyage qu'elle fait en janvier 1766 pour rejoindre Rousseau en Angleterre. Ce dernier, très inquiet, l'a confiée aux bons soins de la maréchale de Luxembourg. Mais qui prendra soin d'elle lors de la traversée, puisqu'elle ne comprend pas un mot d'anglais ? Et voilà qu'intervient une ancienne connaissance, un gentilhomme écossais nommé Boswell, qui se trouve justement à Paris durant quelques jours en attendant de rejoindre l'Angleterre. Le chevalier servant propose aussitôt ses services à la lingère, et le trente janvier, tous deux quittent Paris en chaise de poste.
James Boswell
Dans le journal que tient Boswell, les quelques pages relatant cette expédition ont toutes été arrachées par l'une des descendantes du gentilhomme. Heureusement, un collectionneur américain qui avait possédé ce même journal, a gardé trace des événements vécus par le chevalier écossais au cours de ces quinze jours de voyage.
D'étape en étape, d'auberge en auberge, l'intimité grandit entre les deux voyageurs. Pour égayer ses soirées, le don juan met en avant sa jeunesse et sa fougue pour séduire la lingère. En 1766, celle-ci est âgée de 44 ans, et cela fait bien longtemps que Rousseau n'est plus pour elle un amant. Aussi ne fait-elle guère de difficultés pour tomber dans les bras du jeune homme. A l'usage, Boswell se révèle pourtant moins prometteur que prévu, et Thérèse lui propose alors un cours pratique en "l'art d'aimer". En arrivant à Douvres, le 12 février, le chevalier écrit : "Hier, été tôt au lit le matin et l'ai fait une fois ; treize en tout." Le résumé de l'épisode fait par le collectionneur américain précise : "Boswell avouait se sentir, dans les bras de Thérèse, non comme un amant, mais comme un enfant. Les leçons de la gouvernante l'accablaient... Elle, pour sa part, trouva l'aventure fastidieuse."

Quelque temps plus tard, Boswell reçoit un message très sec de Rousseau dans lequel celui-ci lui recommande de se "faire saigner de temps à autre ; je crois que cela vous ferait du bien."
Entretemps, Thérèse avait certainement fait à Jean-Jacques un récit circonstancié (et sans aucun doute fidèle !) de son voyage...

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