vendredi 8 avril 2011

Rousseau, par ceux qui l'ont connu...

En près de trente années de vie publique, Rousseau a été maintes fois décrit par les personnes qui l'ont côtoyé.
Mme de Graffigny
En 1752, alors qu'il vient de publier son premier Discours sur les Sciences et les Arts, Mme de Graffigny dit de lui : "il était chez Monsieur Dupin non pas demeurant mais entretenu. Apparemment qu'il y a essuyé des désagréments. Il est à présent dans un grenier où il est copiste pour vivre. Pense donc au peu de profit et au dégoût insupportable que doit avoir un homme comme lui de copier tant de misérables productions des premiers sots qui voudraient l'employer. Pour moi, je ne sais rien de si malheureux que lui dans l'univers."
Casanova
Avant 1750, Rousseau n'existe pas aux yeux de l'élite mondaine. C'est de toute évidence le succès de son Discours, et plus encore sa réforme personnelle (l'abandon de son poste de secrétaire, sa métamorphose vestimentaire) qui attirent désormais l'attention sur lui. A partir de cette date, les témoignages deviennent abondants, comme celui de Casanova en 1758 : "A cette époque, Mme d'Urfé ayant envie de connaître Jean-Jacques Rousseau, nous allâmes à Montmorency lui faire une visite, sous prétexte de lui donner de la musique à copier (...) Nous trouvâmes un homme d'un maintien simple et modeste qui raisonnait juste, mais qui ne se distinguait au reste ni par sa personne ni par son esprit. Rousseau ne nous parut pas être ce qu'on appelle un homme aimable, et comme il était loin d'avoir cette politesse exquise de la bonne compagnie, c'en fut assez pour que Mme d'Urfé le trouvât grossier."
Habitué aux formes traditionnelles de la sociabilité mondaine, Casanova et son amie semblent déconcertés par les manières certainement abruptes du genevois. Dans les Confessions, ce dernier raconte combien l'ennuyaient les visites d'importuns attirés par sa nouvelle célébrité. 
 En 1770, un vitrier nommé Ménétra travaille rue plâtrière lorsqu'il voit passer Rousseau, qui habite dans le quartier : "Il me demande si je vais aller à la promenade. Je dis que je vais sortir. Il me demande de quel côté je vais jeter mes pas. Je réponds que j'avais l'intention d'aller aux Champs-Elysées voir jouer au battoir. Il me dit que si je le désire, il aura celui de m'accompagner.(...) Il m'entretient de ses chagrins envers plusieurs hommes dont un lui a fait une scène des plus indignes d'un galant homme, et que Christophe de Beaumont l'a excommunié mais qu'il s'en soucie peu n'étant point de ses ouailles. Je vois en lui un bon protestant."
Louise d'Epinay
Les dernières années, tous les témoignages concordent. Rousseau vit très simplement, à part du monde, dans un quartier populaire situé près des Halles. Son métier de copiste lui donne tout juste de quoi vivre. Il n'y a plus chez lui cette rage d'être reconnu par ses contemporains. De toute évidence, il y a renoncé car c'est désormais peine perdue. Sa réhabilitation, il compte l'obtenir grâce aux Confessions.
Consciente du danger, Mme d'Epinay s'arrangera d'ailleurs auprès du Lieutenant Sartine pour faire interdire toute lecture publique de l'autobiographie. Et là encore, Rousseau devra s'avouer vaincu...

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