lundi 11 avril 2011

Les "Contre-Confessions" de Louise d'Epinay (1)

Histoire de Mme de Montbrillant
En 1756, Louise d'Epinay vient de se séparer de son mari mais aussi de Francueil, son premier amant. Grimm, l'homme dont elle est tombée amoureuse, l'encourage depuis quelque temps à prendre la plume pour le distraire pendant son séjour aux armées. Dans le même temps, Louise accueille Rousseau chez elle, dans son domaine de la Chevrette. Ensemble, ils évoquent longuement le projet romanesque de Jean-Jacques, cette Nouvelle Héloïse qu'il écrira bientôt dans la solitude de l'ermitage.
C'est à cette même date que Louise entreprend l'Histoire de Madame de Montbrillant, récit autobiographique dans lequel apparaîtront sous des noms d'emprunt les principales figures parisiennes du moment : Grimm évidemment (Volx), mais également Rousseau (René) et Diderot (Garnier)... Aux yeux de Louise, ce récit est censé la disculper du soupçon de légèreté qui court le monde à son propos. On croit savoir, en effet, qu'au cours des années qui ont précédé, les rumeurs les plus infamantes couraient sur son compte...
L'ermitage de Montmorency
Les 90 premiers cahiers du manuscrit relatent les trente premières années de la vie de Louise. Ils sont à peine retouchés. Lorsqu'on en arrive aux événements concernant les années 1756/1757, le manuscrit change soudain d'aspect : corrections, ratures, réécritures se superposent alors à la version initiale. Plus troublant encore, ces retouches laissent apparaître une deuxième écriture. Tous les épisodes raturés concernent évidemment Rousseau et son séjour à l'ermitage de la Chevrette. Et ces corrections visent à en faire un fourbe, un hypocrite et un menteur. On sait aujourd'hui que certaines de ces notes ont été rédigées par Diderot, et vraisemblablement inspirées par Grimm. On croit savoir qu'elles ont été insérées vers 1770 ou 1771, au moment où Rousseau commence les lectures publiques de ses Confessions. Tout semble indiquer que le trio d'Epinay/Grimm/Diderot panique alors à l'idée de ce que le Genevois pourrait révéler sur leur compte. Le nouveau portrait de Rousseau (celui qui a été retouché) correspond désormais à ce qu'en dit Grimm depuis des années (dans son périodique intitulé Correspondance Littéraire). Et ils tiennent entre les mains un ouvrage qu'ils pourraient à tout moment dégainer pour riposter à l'offensive de leur ennemi commun.
Les chercheurs qui ont comparé les deux récits autobiographiques, celui de Louise d'Epinay et celui de Rousseau, ont mis à jour la duplicité de l'auteure de ce qu'on a bientôt appelé "les Contre-Confessions". La plupart des faits et lettres mentionnés dans les deux ouvrages apparaissent déformés dans celui de Louise, et authentiques dans celui de Jean-Jacques. Dès lors, et de manière assez injuste, tout son récit a été entaché de soupçon. Certains ont même imaginé qu'il avait été intégralement écrit par Grimm...
La plus grande défaite de Louise d'Epinay intervient pourtant au XXème siècle, une fois "l'enquête" définitivement achevée : car bientôt, son autobiographie tombe dans l'oubli.
Un titre plus vendeur ???
Et dans le même temps, celle de Rousseau triomphe définitivement.

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