Comme je le laisse entendre dans les deux articles précédents, ma quête de l'homme Rousseau m'a conduit dans une impasse. Trop de questions demeurent, sur lui, sur sa vie intérieure, sur ce qu'il fut vraiment, et ces questions demeureront sans réponse. Le philosophe est connu, me rétorquerez-vous, et peu nous importe l'homme !
Peut-être... Mais cette réponse ne me satisfera jamais... Si Rousseau s'est composé un personnage, s'il s'y est tenu jusqu'à se condamner à l'opprobre, alors je lirai ses oeuvres autobiographiques comme une tentative de convaincre le public de son authenticité. Dans le cas contraire, ces mêmes oeuvres auront pour finalité de le montrer sous son vrai jour, à l'opposé de l'image que le public avait de lui.
Difficile de comprendre l'oeuvre autobiographique si on ne connaît pas l'homme.
Plus difficile encore de prétendre raconter sa vie si on ne perçoit que les agissements de l'homme sur la scène, et jamais dans les coulisses.
Cette incertitude condamne d'emblée toute prétention biographique. Face à ces zones d'ombre, comment oserais-je imposer tel regard plutôt qu'un autre ? Et quel éclairage suivrais-je donc ? Celui de Grimm, de Diderot, et de tous les ennemis du Genevois ? Celui de Rousseau, au contraire, malgré tous ces indices qui ne concordent pas ?
Reste la fiction, ce que Gide nomme "l'histoire qui aurait pu être". Autant "la Comédie des Masques" que "le Voile déchiré" (sortie en juin 2012) posent un regard sur un possible Rousseau, et la part d'invention des deux récits envisage ce qu'aurait pu être l'homme.
Ni biographie, ni biographie romancée, ni roman biographique donc... Car n'oublions jamais que le romancier est un menteur, et qu'il ne doit jamais cacher au lecteur qu'il ment. Même si les plus avisés des lecteurs savent que certains mensonges peuvent rendre compte de la réalité.