dimanche 10 novembre 2024

L'homme du Royal Corse (12)

 

En guise de mise en bouche pour accompagner la sortie de De Profundis 

(pour lire les chapitres qui précèdent ) 

24

 

Soucieux de ne pas attirer l’attention, Arno s’était placé à l’écart des lanternes qui éclairaient l’entrée du pont tout proche. Les hommes de Spada demeuraient quant à eux dissimulés sous une porte cochère, en contrebas de la placette. Hormis la patrouille du guet et quelques noctambules à la démarche mal assurée, personne ne s’aventurait jamais dans le quartier à une heure aussi avancée. Attentif au moindre mouvement, Arno vérifia pour la énième fois que sa ceinture était bien sanglée et que l’étui où logeait son poignard était correctement disposé. Il se plaqua soudain dans le renfoncement de la façade. Sur sa gauche, deux silhouettes venaient d’émerger de l’ombre et avançaient à pas furtifs dans sa direction. Arno reconnut Blayac, suivi de près par Brissart.

- Alors ? demanda ce dernier lorsqu’il arriva à sa hauteur.

- L’agneau a quitté sa bergerie, confirma le jeune homme. Il est là-haut, seul avec une bergère, et ne se méfie pas du loup. Venez, la porte est restée entrebâillée.

Ils longèrent le mur, contournèrent l’angle de la bâtisse et pénétrèrent sans bruit dans le couloir. La Vaudry et les filles avaient laissé la salle de compagnie en désordre, comme si une réception venait de prendre fin.

En avisant les bouteilles de Champagne et les verres qui jonchaient les tables basses, Blayac étouffa un rire.

- Diable, c’est qu’on sait s’amuser par ici ! Nous aurions dû y venir plus tôt !

- Laissons cela, ordonna Brissart en interrogeant Arno du regard.

- Sur le palier, la première chambre sur la gauche, expliqua ce dernier, le doigt pointé vers le sommet de l’escalier.

Brissart déboutonna sa veste et tira très lentement sa dague de son fourreau.

- Tout ce temps passé à attendre…, murmura-t-il pour lui-même, avant de s’engager prudemment dans les marches qui menaient à l’étage. Il les gravit une à une, sans faire de bruit, et disparut dans la pénombre.

Arno s’était déplacé dans le dos de Blayac, la main posée sur le manche de son poignard. Tendu vers ce qui se passait en haut, l’autre ne se doutait de rien. Il y eut soudain un craquement de porte, suivi d’un cri rauque qui se perdit dans un brouhaha de jurons et de bruits de bottes.

- Mais c’est qu’il y a du monde par là ! s’inquiéta Blayac en lançant un regard par-dessus son épaule.

Arno s’avançait déjà, le bras tendu, prêt à abattre sa lame dans le dos de son ennemi. Mais Blayac fut le plus prompt et, d’un bond, il se jeta sur le côté, se relevant aussitôt pour faire face à son assaillant.

- Traître ! rugit-il tout en tirant sa dague du fourreau. J’ai toujours su que tu n’étais qu’un judas !

Il poussa un nouveau cri, évitant de peu le poignard qu’Arno venait de lancer dans sa direction.

- Une embuscade ! gueula Blayac en se rétablissant sur ses jambes. Ce misérable nous a tendu une embuscade !

- C’est vous, les misérables ! aboya Arno, la rapière pointée devant lui. Je suis là pour venger ma femme, lâche que tu es !

Les deux armes s’entrechoquèrent et Arno asséna un coup d’estoc, puis plusieurs autres, que son adversaire para du tranchant de sa lame. Ils se jaugèrent un instant, hors d’haleine après ce premier assaut. Les yeux exorbités, Blayac affichait un sourire féroce.

- Ta femme ? répéta-t-il d’un ton interrogateur. Tu parles sans doute de cette petite catin qui tenait l’auberge à Bourges ? Ah ça, la garce nous aura donné du plaisir, à moi et mes hommes ! Mais tu fais erreur, le Corse… Ni Brissart, ni moi ne sommes pour rien dans sa mort.

- Tu mens ! s’écria Arno en se ruant une nouvelle fois à l’attaque. Le soudard esquiva le coup et, se jetant à son tour en avant, parvint à saisir son agresseur à bras-le-corps pour le déséquilibrer. Dans leur chute, les deux hommes lâchèrent leurs armes avant de rouler sur le plancher. Plus massif, Blayac s’était redressé sur les genoux pour empoigner Arno par le cou.

- C’est fini ! mugit-il en serrant de toutes ses forces.

Arno larda ses flancs de coups de poing, encore et encore, mais l’autre ne bronchait pas, resserrant un peu plus son étreinte autour de sa gorge. Alors, il se pencha sur sa victime, un filet de bave au coin des lèvres, et lui intima :

- Meurs donc ! Meurs, je…

Ses mots s’achevèrent dans un gargouillis étranglé. Il se redressa brutalement, la bouche grand ouverte, et s’arc-bouta, comme pris d’une violente convulsion. Ses mains balayèrent le vide au-dessus de ses épaules, puis derrière sa nuque, à la recherche de quelque chose qu’elles ne parvenaient pas à atteindre.

- Qu’est-ce qui…, commença-t-il, avant de ressentir une nouvelle secousse, plus brutale celle-là, qui le déchira du bas du dos jusqu’à l’estomac. Baissant les yeux, il aperçut sans comprendre une pointe ensanglantée qui saillait de son ventre et qui se mit soudain à tourner sur elle-même, lui déchirant les entrailles. Blayac écarquilla une dernière fois les yeux avant de sentir son corps s’affaisser et de retomber sur le flanc.

Arno, qui reprenait progressivement ses esprits, finit par reconnaître la silhouette penchée au-dessus de la dépouille de son ennemi.

- Scevola ! dit-il avec effort, tout en essayant de se dégager du poids qui pesait sur lui.

- Laisse-moi t’aider, camarade ! fit son ami, qui venait de retirer sa dague du corps de Blayac.

Un peu en arrière, au bas des marches, Spada se tenait contre la rampe d’escalier, encore hors d’haleine. Comme Arno l’interrogeait du regard, Scevola secoua la tête en signe de dénégation.

- Ton Brissart est un véritable démon ! Le blondin y est resté, hélas. Et malgré ses blessures, l’autre a sauté par la fenêtre sans nous laisser la possibilité de réagir. Sa voiture stationnait au bas de la ruelle, on a entendu le bruit des sabots sur le pavé, mais il était déjà trop tard.

- Je ne peux pas renoncer, réagit Arno après s’être relevé. Nous trouverons le moyen de…

- Il n’y a plus de nous qui tienne, bastardu ! s’écria une voix pleine de fureur.

Arno eut à peine le temps de se retourner que Scevola s’était déjà interposé devant Spada, détournant la dague qui allait s’abattre sur son compagnon.

Repoussé en arrière, Roccu recula de quelques pas en direction de l’office, l’air stupéfait.

- Que fais-tu, amicu ? Nous étions pourtant d’accord !

- Peut-être, mais j’ai changé d’avis ! répondit Scevola, qui venait de tirer son arme pour lui faire face.

Déjà, Arno avait ramassé son poignard et sa rapière avant de se porter au côté de son camarade. Spada les dévisagea à tour de rôle, cherchant le moyen de s’échapper de ce couloir où ses adversaires l’avaient acculé. Alors qu’il atteignait l’entrée de l’office, il en poussa soudain la porte et se jeta dans la pièce avant de refermer derrière lui. Scevola fut le plus prompt à réagir mais il arriva trop tard.

- Il a tiré le loquet ! gueula-t-il en direction d’Arno.

Ils se ruèrent comme des forcenés sur le panneau de bois, jusqu’à ce qu’un coup d’épaule bien asséné parvienne à le fendre en deux.

- Le misérable a pris par l’arrière ! s’écria Arno en se précipitant à la poursuite du fuyard. Il s’engagea sans réfléchir dans la venelle, suivi de près par Scevola, et parcourut à grandes enjambées l’étroite allée qui débouchait au loin sur la place du Châtelet. Là, les deux hommes ralentirent le pas et scrutèrent les environs de la forteresse, depuis l’entrée du Pont au Change jusqu’à la Grande Boucherie. Rien ! Le scélérat avait tout bonnement disparu.

- Ne restons pas à découvert, conseilla Scevola, sans quoi nous risquons d’attirer l’attention du corps de garde.

- Cette canaille me le paiera, fulmina Arno pendant qu’ils rebroussaient chemin.

- Bien sûr, bien sûr… Mais pour l’heure, il faut se débarrasser des corps au plus vite. Les deux soudards qu’on a laissés en faction sauront s’en charger. Je leur dirai que Spada nous a trahis, qu’il nous a vendus à la police en échange de sa grâce. Demain, je te l’assure, sa tête sera mise à prix par tous les vauriens de la Cour des Miracles.

Arno secoua la tête avec véhémence.

- Peu m’importe ce dément ! C’est Brissart que je dois retrouver, et je dois le retrouver ce soir, avant qu’il ait eu le temps de réunir ses hommes. Il faut que je l’entende avouer son crime, comprends-tu ? Oui, avant d’en finir avec lui, je le forcerai à avouer son crime !

Et avant que Scevola ait eu le temps de réagir, Arno tourna les talons et s’élança en direction du Châtelet. 

 

Ni Brissart, ni moi ne sommes pour rien dans sa mort !

Les paroles prononcées par Blayac avaient tout d’abord décuplé sa rage, mais maintenant que la tension était retombée, Arno sentait ses certitudes vaciller et s’écrouler les unes après les autres. Non, c’était impensable, il ne pouvait s’être trompé sur le compte de Brissart ! Pour s’en convaincre, il suffisait de s’imaginer le traumatisme qu’il avait vécu en Flandre : après cette tragédie, le malheureux avait peu à peu perdu pied, miné par son désir de vengeance, jusqu’à sombrer dans ce délire meurtrier qui le tourmentait aujourd’hui. Se souvenait-il seulement des morts qu’il laissait derrière lui ? Était-il encore capable de distinguer les innocents des coupables ? Non, bien sûr que non ! Stella s’était par malheur trouvée sur ce chemin sanglant, elle l’avait payé de sa vie, et sa mémoire réclamait maintenant qu’on châtie son assassin !

Alors qu’il arrivait en vue de l’hôtel des Brissart, Arno prit une profonde inspiration avant de s’avancer d’un pas assuré jusqu’à la porte cochère. Le portier, qui veillait dans la guérite, s’empressa de venir à sa rencontre.


 

- Enfin, on n’espérait plus vous revoir ! Monsieur est au plus mal. Ce gredin lui a perforé le poumon et peut-être le foie. On est allé mander le chirurgien, sauf que le drille soupait en ville, il ne se présentera pas avant demain.

Arno eut bien du mal à dissimuler son soulagement. C’était presque inespéré, mais personne ne semblait se douter de sa responsabilité dans ce traquenard ! Il relâcha le manche du poignard qu’il tenait serré sous sa veste et prit la direction que lui indiquait le commis. L’entrée était déserte. Traversant le couloir, il gravit les marches deux par deux et arriva sur le palier qui desservait les chambres. Devant l’une d’elles, au fond du corridor, quelqu’un avait déposé une cuvette d’eau et plusieurs linges ensanglantés. Une domestique poussa soudain les deux battants de la porte, s’effaçant pour le laisser pénétrer dans une chambre faiblement éclairée. À l’autre extrémité, assise sur une chaise dans l’alcôve, Marie pleurait sans bruit en regardant le corps étendu sur le lit devant elle. En entendant craquer le plancher, elle releva lentement la tête et une lueur de soulagement traversa son regard.

- Il vous a demandé, dit-elle tout bas avant d’ouvrir en grand le rideau du baldaquin.

Brissart reposait sur le dos, les yeux mi-clos, et le visage crispé par la douleur. À chaque expiration, sa gorge produisait un sifflement entrecoupé de hoquets qui soulevaient sa poitrine par à-coups. Lorsque le visage d’Arno apparut à la lumière, son visage esquissa pourtant un semblant de sourire et il murmura avec effort :

- Mon Samaritain s’en est sorti, lui…

- Mais Blayac est mort, dit posément Arno. Quant à vous…

Brissart avait levé la main pour l’empêcher de poursuivre.

- Ma mie, pourrais-tu nous laisser seuls durant quelques minutes ?

Marie ouvrit la bouche pour protester, puis se ravisant, elle hocha la tête avant de se relever et de quitter la pièce.

- C’est mieux ainsi, commenta Brissart. Qu’elle, au moins, garde ses illusions sur toi…

- Vous savez donc pourquoi je suis ici ?

Le financier émit un petit rire qui s’acheva en râle.

- Depuis le premier jour, oui… Tu en doutais encore ? Il y avait tant de haine dans tes yeux, tant de colère retenue dans tes attitudes… Comment aurais-je pu me méprendre sur ce qui te conduisait jusqu’à moi ?

Au ton de sa voix, Arno comprit qu’il lui disait la vérité.

- Dans ce cas, pourquoi ne pas m’avoir arrêté plus tôt ? Et pourquoi vous être jeté dans ce traquenard, ce soir ?

Brissart détourna les yeux en direction de la croisée, hésitant un long moment avant de répondre.

- Je crois que j’ai eu foi en toi, Samaritain. Foi de soldat, je le crains… Après ces quelques semaines, j’ai cru que tu avais changé d’avis sur mon compte. J’ai même imaginé que tu pourrais devenir un ami… Tu n’as pas à t’en faire. Ce soir, c’est ma confiance qui m’a trahi, pas toi.

- Un ami ? articula Arno, les poings serrés. L’ami d’un scélérat qui a assassiné ma femme à Bourges ?

Comme Brissart tentait de reprendre sa respiration, une nouvelle contraction déforma ses joues hâves. Il fut pris d’une longue quinte de toux et ne reprit la parole qu’après avoir craché un filet de sang dans la cuvette au bas du lit.

- Dans ce cas, réjouis-toi, Samaritain. Comme tu le vois, ta vengeance sera bientôt accomplie. Mais avant, je voudrais tout de même que tu saches… Non, attends, laisse-moi te raconter ce qui s’est vraiment passé…

Il déglutit avec une grimace de douleur et prit une nouvelle inspiration.

- Ce jour-là, j’étais venu à Bourges afin d’y débusquer les faux-sauniers qui vendaient du sel de contrebande dans la région. Depuis quelque temps, Marie me suivait dans toutes mes tournées d’inspection, surtout pour réfréner certains de mes emportements, je dois bien l’admettre. Nous avions fait la route en trois jours, et à peine arrivés, nous pensions déjà à repartir. En fin de matinée, pendant que j’achevais de contrôler le grenier à sel, elle a accompagné Blayac et les autres pour chercher des provisions en vue du retour. Je savais bien que ces ivrognes avaient bu plus que de raison, mais je ne me doutais pas qu’ils entreraient dans cette auberge, là où tout a dégénéré. Et Marie s’y est trompée, elle aussi. Pendant qu’ils s’imposaient autour du comptoir, elle a commis l’erreur de s’éloigner de la maison pour flâner un temps au bord de la rivière. C’est seulement à son retour qu’elle a entendu les cris et qu’elle est intervenue. Hélas, deux de ces pourceaux avaient déjà abusé de ta femme. Et les autres, ces misérables, attendaient leur tour en riant. Marie leur a hurlé d’arrêter, elle a même tenté de s’interposer, mais ils l’ont repoussée sans ménagement jusque dans la cour. Blayac, qui cuvait son vin dans un coin, les regardait faire en riant. Sans doute aurait-elle dû enfourcher son cheval et galoper en direction de la ville pour y chercher de l’aide… Au lieu de quoi… C’est la colère qui l’a submergée… Elle a saisi le pistolet qu’elle gardait dans ses fontes, elle est retournée dans l’auberge et les a menacés de son arme. Celui qui venait de renverser ton épouse sur une table l’a défiée du regard avant de cracher par terre pour marquer son refus. Alors, Marie a tiré…

Comme Arno tendait la main pour le faire taire, Brissart prit le temps de déglutir avant de conclure :

- Tu l’as compris, mon ami, c’est bien Marie qui a tué ta femme. Elle, et personne d’autre... Un malheureux accident, voilà comment il faut l’appeler. Mais aujourd’hui, il est juste que ce soit moi qui paie pour ce crime puisque je l’ai couvert, d’autant que c’est sur ma décision que nous avons repris la route sans même avertir les autorités de ce qui s’était passé. D’ailleurs…

- Taisez-vous, ça suffit ! s’écria Arno tout en s’effondrant sur le siège tout proche, où il se tassa sur lui-même, la tête prise entre ses mains.

Pendant quelques instants, on n’entendit plus que les sifflements qui s’échappaient à intervalles réguliers de la gorge du blessé, comme si les deux hommes avaient craint de rompre le silence en premier.

Alors, du bout des doigts, Brissart effleura l’épaule d’Arno et lui dit tout bas :

- Je ne m’en tirerai pas, mon ami. Tu peux partir d’ici l’âme en paix… Ou bien en finir immédiatement… Quelle que soit ta décision, sache que je l’accepterai comme une délivrance.

En entendant ces mots, l’autre releva lentement la tête, lui renvoyant un regard éperdu de douleur. Il demeura un moment incertain, la lèvre tremblante, puis sa main se dirigea insensiblement jusqu’à l’étui où se trouvait son poignard, avant de retomber lentement vers le sol.

- Qui ne se venge pas est méprisé, articula-t-il alors, comme pour lui-même. Mais se mépriser soi-même serait…

Il n’acheva pas sa phrase. Le silence s’étira à nouveau, sans qu’aucun des deux hommes n’osât le rompre. Ils demeurèrent ainsi, l’un près de l’autre, pendant un temps interminable, jusqu’à ce que l’aube vînt bleuir les carreaux de la croisée. Alors, comme s’il sortait d’un songe, Arno se redressa de son siège, et constatant que Brissart gardait les yeux fermés, il quitta la pièce sans bruit.

 

(à suivre)

 

samedi 5 octobre 2024

L'homme du Royal Corse (11)

En guise de mise en bouche pour accompagner la sortie de De Profundis 

(pour lire les  chapitres qui précèdent) 

 

22

 

Ils avaient avalé leur décoction d’un trait, et lorsque Brissart s’en servit une seconde rasade, Arno lui tendit son bol avant de s’allonger sur le canapé.

- Quand on y prend goût, c’est qu’on recherche l’oubli, fit remarquer son compagnon.

- Je n’ai pourtant pas assez souffert pour éprouver un tel besoin, répondit Arno d’une voix pâteuse.

Brissart hocha la tête, un vague sourire aux lèvres, et but une nouvelle gorgée.

- Tu as cette chance, mon ami, et je t’envie. Si je n’avais pas découvert le dessous des cartes, peut-être trouverais-je encore un attrait à cette triste partie que je suis contraint de jouer.

- Vous châtierez ce Legall. Ensuite, tout rentrera dans l’ordre, c’est vous-même qui l’avez dit.

- Dans l’ordre…, répéta Brissart avant de revenir d’un pas hésitant jusqu’au mur le plus proche et de plaquer son œil contre le judas. Il demeura un long moment sans parler, à observer ce qui se passait dans la pièce voisine, puis il posa son front contre la paroi et émit un petit rire qui fit tressauter ses épaules.

- Rentrer dans l’ordre… C’en est presque comique, si tu savais… Lorsque mes affaires m’amènent à Versailles, auprès du Contrôleur Général, je dois bien souvent me retenir pour ne pas vomir mes restes de repas sur ses souliers vernis. Et dire que ces glorieux se prétendent les meilleurs d’entre nous, qu’ils se vantent d’œuvrer pour le bien public quand ils ne songent plus qu’au leur. Ah ! Si tu les avais vus à l’œuvre sur le champ de bataille, à Lauffeld ou Maestricht, lâchant les intestins dans leur culotte au moment de mener l’assaut… Les misérables ! Combien d’entre eux savent encore monter à cheval, commander une troupe ou même manier l’épée ? Leurs ancêtres donnaient leur vie pour le suzerain, alors que ces gueux revêtus ne rêvent plus que d’amasser biens et fortune ! Cette épée qu’ils portent au côté n’est rien qu’un ornement de bibliothèque, et plutôt que de risquer une égratignure, ils trahiraient jusqu’à l’honneur de leur nom. Tu crois sans doute que j’exagère ? Eh bien, tu te trompes ! Je prends mes ordres de ces fripons, je collecte l’impôt pour leur compte, et toujours davantage malgré la misère qui sévit dans nos campagnes. Même le roi, entends-tu ! Oh ! En public, il feint évidemment de plaindre les pauvres gens, mais en réalité, il détient des parts dans nos affaires, et chaque année, il prélève pour son propre compte une part toujours plus large des recettes.

Comme Arno demeurait sans voix, le regard embrumé par la drogue, Brissart le prit par le bras et l’aida à se relever.

- Viens, il faut que je te montre quelque chose…

Le soutenant du mieux qu’il pouvait, il l’accompagna jusqu’au judas situé sur le pan de mur opposé. Arno appliqua son œil sur l’ouverture, fronçant les sourcils pour accommoder son regard à la pénombre qui régnait dans la pièce voisine. C’était un petit cabinet sans fenêtre, tendu d’étoffes or et rouge, et éclairé par une unique girandole sur pied qui dominait un canapé d’angle. Allongée sur le dos, une jeune femme tenait blotti contre elle un vieil homme vêtu d’une chape blanche et noire qu’il avait relevée sur ses genoux. Elle lui parlait à l’oreille, très doucement, et le religieux se pâmait d’aise, la tête enfouie dans le creux de sa gorge. Insensiblement, elle faisait glisser ses mains sur le ventre de l’homme, toujours plus bas, jusqu’à atteindre ses cuisses et disparaître sous les pans de sa chape. Lorsqu’elles atteignirent leur but, l’homme se raidit un court instant avant de retomber en arrière, un sourire béat sur ses lèvres épaisses.


 

- C’est le prieur du couvent des Grands Carmes, souffla Brissart à l’oreille d’Arno, un descendant de ces vénérables ermites qui ont participé autrefois aux saintes croisades. Entre ses temps de jeûne et de prière, il aime à passer des mains du Seigneur notre Père à celles, tout aussi expertes, de mes jeunes louves…

- Vous devriez dénoncer ce pourceau à ses supérieurs ! réagit Arno en reculant d’un pas.

- Ses supérieurs ? persifla Brissart. Mais quels supérieurs ? L’archevêque peut-être, ou encore le lieutenant de police ? Détrompe-toi, ils sont tous au fait de ce qui se passe dans ma maison, ils l’encouragent même dès lors que je leur livre de temps à autre quelques noms de renégats jansénistes surpris en fâcheuse posture.

- Vergogna ! bredouilla Arno en serrant les poings. Assez ! J’en ai assez vu !

Comme il titubait au milieu de la pièce, Brissart le prit à bras-le-corps et l’aida à reprendre place dans le canapé.

- Là ! Tu as raison, mon ami, laissons-là ce vieux bouc, il n’en vaut vraiment pas la peine.

- Dans ce cas, pourquoi m’avoir montré cette infamie ?

- Pourquoi ? Mais le voilà, Lavasina, cet ordre dont tu me parlais… C’est d’ailleurs lui qui a fait de moi ce que je suis devenu aujourd’hui…

Il balança un moment, puis avança de quelques pas jusqu’à la croisée, entrouvrant du doigt un battant pour examiner le jardin à l’arrière de la maison.

- C’est étrange… Dans cette ville, même la végétation se flétrit. Autrefois, mes fleurs embaumaient pourtant l’air de leur parfum. Aujourd’hui elles ne sentent plus rien…

Il tira lentement le rideau, replongeant la petite pièce dans la pénombre.

- Sur ton île, j’en suis certain, l’air doit être moins corrompu qu’ici…

- J’étais venu pour me délasser en votre compagnie, non pour deviser des senteurs du maquis.

- Tu as eu tort, comme moi d’ailleurs, lorsque je t’ai proposé cet emploi auprès de ma personne…

Arno cessa de frotter ses tempes endolories et releva la tête, interloqué.

- Je ne comprends pas ?

Brissart s’était retourné vers lui et le fixait avec une lueur indéchiffrable dans le regard.

- Vraiment ? C’est que ton âme est encore noble, Samaritain. Mais vois-tu, j’ai pris le temps de réfléchir. Si tu demeures auprès de moi, elle finira inévitablement par se flétrir, elle aussi. Et je m’en voudrais, crois-moi, d’autant que…

- D’autant que… ? répéta Arno pour l’inciter à achever.

L’autre détourna à nouveau la tête en direction de la croisée et reprit plus bas :

- Depuis peu, Versailles bruisse de rumeurs au sujet de ton pays. On parle d’un certain Paoli qui se serait fait élire à la tête de vos clans et qui réunirait une armée pour renvoyer les Génois en Italie. C’est là-bas qu’est ta place, et non à mes côtés…

- Encore un saltimbanque, ou même un agent à la solde de l’Angleterre ! réagit Arno. Il déguerpira dès que ses maîtres le lui ordonneront.

- À voir l’inquiétude de nos ministres, je me dis que cet homme est déterminé, en fait, et qu’ils éprouveront bien des difficultés pour le corrompre.

Un léger coup contre la porte interrompit soudain leur conversation. Sans attendre de réponse, une jeune femme venait de se glisser dans la pièce, un plateau de fruits à la main et une bouteille de vin dans l’autre. Elle déposa le tout sur la table basse et renouvela les bougies avant de s’éclipser.

- Ah, voilà de quoi nettoyer nos palais ! s’exclama Brissart. Allons, Samaritain, trêve de bavardages, prenons encore un peu de bon temps avant de nous séparer !

 

Lorsqu’il se réveilla de sa torpeur, Arno s’aperçut qu’il était seul dans la pièce. En se redressant, il vit par l’entrebâillement des rideaux que le soleil était déjà bas dans le ciel et qu’il n’allait pas tarder à se coucher. Le jeune homme ouvrit grands les yeux et s’efforça de se mettre debout. Il avait donc dormi tout ce temps ! Comment était-ce possible ?  Et où était Brissart ? Il tendit l’oreille, à l’affût d’un bruit dans la maison.

- Il y a quelqu’un ? appela-t-il après avoir ouvert la porte.

Un bruit de pas résonna sur le dallage, en provenance de l’entrée, et l’un des commis apparut bientôt au détour du couloir.

- Ah ! Vous êtes revenu à vous ! Monsieur nous avait demandé de ne pas vous déranger.

- Et où se trouve-t-il ? l’interrogea Arno.

- Monsieur est sorti avec ses demoiselles. Elles doivent jouer une petite saynète dans un théâtre des environs. Mais n’ayez crainte, votre cheval vous attend à la grille. Monsieur vous fait dire qu’il y a des écuries à deux pas de l’immeuble où vous demeurez. Le curé de Saint-Jacques-la-Boucherie est un ami de Monsieur, et son palefrenier est un homme de confiance. Il prendra le plus grand soin de votre monture, soyez-en assuré.

Le domestique tendit à Arno sa veste et son justaucorps, et après l’avoir mené au râtelier où pendait son épée, il le raccompagna encore jusqu’à la sortie.

- Une dernière chose, dit-il alors qu’Arno enfourchait sa monture. Monsieur attend de vos nouvelles demain à midi. Au plus tard, a-t-il précisé…

Demain…, songea Arno tout en s’engageant parmi les promeneurs qui déambulaient sur le boulevard tout proche. Plus qu’une journée, la dernière, et il pourrait enfin rentrer chez lui…

Un peu revigoré par la fraîcheur nocturne, le jeune homme prit une large inspiration et tenta de rassembler ses idées, de se remémorer cet après-midi en compagnie de Brissart. Le financier l’avait entretenu de la Corse, de sa capacité à lutter contre l’oppression. Il parlait de Paoli avec tant de ferveur, tant d’émotion, qu’Arno s’en était trouvé bouleversé, des larmes plein les yeux. Durant ces quelques heures, ils avaient échangé sans retenue, comme l’auraient fait deux vieux amis.

Et maintenant qu’il avait repris ses esprits, Arno se sentait honteux de son attitude, de ce qu’il avait partagé avec cet homme, honteux surtout des sentiments qu’il avait éprouvés à son endroit.

Pour cet homme qui devait mourir demain.

 

23

 

Le conseil de guerre eut lieu dans la matinée, en présence de la Vaudry et de Spada, qu’un courrier était allé mander à la Cour des miracles.

- Ce sera un jeu d’enfants, décréta le gredin après avoir écouté les explications d’Arno. Il est inutile d’attendre plus longtemps. Envoyez un commissionnaire pour l’attirer ici, nous ferons le coup ce soir. On postera deux hommes sur la place afin d’assurer nos arrières. Avec Scevola et Gueule d’ange, nous surprendrons Brissart à l’étage. Toi, Lavasina, tu veilleras en bas avec son homme de main, ce Blayac.

- Seul ? demanda Arno.

- Eh bien, bastardu, cela te fait donc peur ? Que je sache, il te reste bien une main valide pour te battre, non ?

Comme la Vaudry fronçait les sourcils, Arno préféra ne pas réagir à la provocation.

- Et les corps ?

- On les jettera aussitôt à la rivière, intervint la matrone. Il ne doit rester aucune trace de leur passage dans ma maison. Aucune, m’entendez-vous ? Après cela, mes gaillards, il vous faudra décamper au plus vite et disparaître à jamais.

- Avec mon vieil ami, on ne prendra que quelques instants pour se faire nos adieux, promit Spada sans quitter son adversaire des yeux.

Arno soutint son regard sans ciller.

- Ne crains rien, Spada, on ne se séparera pas comme ça…

La brute s’arracha à son fauteuil, un sourire au coin des lèvres, et cracha dans le foyer de la cheminée avant de prendre congé.

- Un drôle de teigneux, ton gaillard ! maugréa la Vaudry dès qu’il fut sorti.

- Vous serez bientôt débarrassée de sa présence, assura Arno en posant sa main sur celle de la maquerelle. Et de la mienne, par la même occasion… Mais avant cela, je dois honorer une promesse que j’ai faite à l’une de vos pensionnaires.

- La petite Victoire, j’imagine ? répliqua l’autre d’un ton méfiant.

- Je voudrais vous racheter sa liberté…

La Vaudry s’esclaffa :

- Ah, c’est donc cela ! Le damoiseau s’est amouraché d’une de mes filles… Diable, mais c’est que cette aventure risque de te coûter cher, mon gaillard ! Attends que je calcule : si l’on compte l’ordinaire, la chemise de nuit, les déshabillés de mousseline, deux robes de soie ainsi qu’une pelisse pour l’hiver, on obtient…

- Laissons cela ! intervint Arno. L’argent n’est pas un problème, mais il faudra surtout lui retrouver une place dans une boutique du faubourg. C’est là le service que j’attends de vous.

La maquerelle posa sur Arno un regard surpris.

- Tu veux la renvoyer dans la rue ? Et c’est ainsi que tu comptes lui rendre service ? Malheureux, tu n’as pas compris que la petite s’est entichée de toi, elle doit s’imaginer que tu l’emmèneras dans tes bagages !

- Comment ? répéta Arno, incrédule. Mais je n’ai jamais rien dit qui lui ait permis d’entretenir un tel espoir !

La Vaudry poussa un long soupir désappointé avant de reprendre son verre de liqueur et de l’avaler d’un trait.

- À d’autres ! Je commence à vous connaître, vous autres ! Tu l’auras fait rêver avec tes contes à dormir debout, et ces pauvres filles se laissent malheureusement abuser par les cajoleurs de ton espèce…

Heurté par l’insinuation, Arno se releva et repoussa le fauteuil d’un mouvement brusque.

- Achevons là, Madame, sans quoi nos mots finiraient par dépasser notre pensée. D’autant que nous avons des dispositions à prendre pour ce soir, il serait temps de s’en préoccuper. Pour l’heure, je regagne ma chambre. Faites-moi appeler lorsque le dîner sera servi.

Au moment de franchir le seuil de la porte, Arno entendit la maquerelle grommeler entre ses dents :

- Grand diseur, petit faiseur… Espérons qu’il saura se montrer à la hauteur le moment venu.

Le jeune homme parvint à se contenir mais il se hâta de quitter la pièce au plus vite.

 

Il avait fait les cent pas, encore contrarié par la scène qu’il venait de vivre, puis il s’était affalé sur son lit sans même prendre la peine de quitter ses souliers. Assurément, il ne méritait pas de tels reproches, et encore moins d’une personne telle que la Vaudry. Un petit faiseur ? Alors qu’en moins de trois semaines, il était parvenu à démêler l’écheveau de cette enquête ! Bah, dans quelques heures, il ferait ravaler ses paroles à cette entremetteuse ! Lui s’occuperait de Blayac pendant que les autres régleraient son compte à Brissart. À bien y réfléchir, c’était mieux ainsi. Au moins, Roccu et les autres ignoraient tout des souffrances qui minaient leur adversaire, ils n’éprouveraient donc aucun scrupule à agir ni à l’achever le cas échéant.

Quant à Victoire… Arno examina sa conscience, cherchant à quel moment il s’était mal comporté avec la jeune femme, s’interrogeant même sur les paroles qu’il avait prononcées devant elle, avant de conclure qu’il n’avait pas à rougir de ses actes et qu’au contraire, cette fille devait lui être reconnaissante de ses bontés.

Un peu rasséréné, il se laissa retomber sur son lit et ferma les yeux dans l’attente du déjeuner. Lorsque le clocher voisin sonna une heure, il se releva, surpris que personne ne soit venu le chercher. D’habitude, on était pourtant ponctuel dans cette maison ! Il sortit sur le palier, descendit la première volée de marches et tendit l’oreille en direction de l’office, d’où s’échappaient des bruits de voix et de vaisselle. Elles mangeaient donc sans lui ! Sautant les marches deux par deux, il traversa le couloir à grandes enjambées et fit irruption dans la petite salle, où toute la maisonnée venait d’achever son repas. En le voyant entrer, Zaïre et Lolotte avaient baissé le regard sur leur assiette vide. La Vaudry se tenait à l’extrémité de la table, les deux mains posées à plat sur son ventre rebondi. D’un mouvement de tête, elle intima à ses demoiselles de quitter la pièce.

- Des nouvelles du commissionnaire ? demanda Arno dès que les deux filles furent sorties.

- Brissart a confirmé qu’il serait là à la nuit tombée.

- Et Victoire ? Où est Victoire ? J’aimerais m’entretenir avec elle.

- Oh, ça… ! fit la Vaudry en haussant les épaules. Lorsque je lui ai fait part de ta proposition, l’ingrate a fondu en larmes avant de prendre ses jambes à son cou et de fuir la maison. On se demande, n’est-ce pas, ce que cette mijaurée a bien pu se mettre en tête…

Arno serra les dents sans répondre.

- Tiens ! reprit la maquerelle en poussant la marmite vers lui. Comme cette mésaventure nous a coupé l’appétit, à nous autres, voilà de quoi te remplir la panse ! Car j’imagine que toi, tu dois avoir une faim de loup…

Elle laissa ses mots en suspens, dans l’attente d’une réaction qui ne vint pas, puis elle repoussa sa chaise pour se lever à son tour.

- Prends tout de même garde à ton estomac, plaisanta-t-elle, ce serait dommage que tu tournes de l’œil au moment crucial.

Au passage, elle lui adressa un sourire dans lequel Arno lut tout le mépris qu’elle éprouvait à son endroit. Après son départ, il demeura un long moment immobile, les yeux dans le vide, pendant que le brouet refroidissait dans son assiette. Il l’avala finalement d’une traite, par goulées épaisses, pressé d’en finir et de gagner le sérail, où il patienterait jusqu’au soir.

 

Scevola arriva peu avant la tombée du jour, accompagné du seul blondin. Ils étaient armés jusqu’aux dents, l’épée au côté, mais également un poignard au ceinturon.

- Où est Spada ? s’inquiéta Arno.

- Il est là, bastardu, répondit une voix en provenance du couloir. Pour ne rien te cacher, j’ai été un peu retardé par une rencontre inattendue.

Il venait d’entrer dans la salle de compagnie, précédé de Victoire, dont les yeux rougis trahissaient les larmes qu’elle avait dû verser.

Déjà, Arno se précipitait vers elle.

- Mais comment… ?

- Ce n’est rien, Monsieur, bredouilla la jeune femme en détournant le regard. J’ai eu maille à partir avec quelques vauriens, votre ami passait dans le quartier, et il est venu à mon secours.

- C’est ça, confirma Spada avec un rictus qui découvrit ses dents gâtées. Il faudra d’ailleurs songer à me dédommager pour ce service, ma toute belle !

- Et ton larron ? intervint Scevola pour couper court à la querelle qui menaçait.

- Il ne devrait guère tarder, expliqua fébrilement Arno. Victoire va vous indiquer votre chambre à l’étage, elle ira ensuite se mettre à l’abri dans la remise sous le comble.

- Où est passée la maquerelle ? s’inquiéta Roccu.

- Elle est sortie boire une limonade avec les filles. En cas d’embûche, les habitués du Palais-Royal témoigneront qu’elle n’a pu prendre part à cette affaire. Allons, assez parlé, il n’y a plus de temps à perdre !     

Alors que le petit groupe s’avançait vers les marches, Scevola s’arrêta auprès d’Arno et le serra contre lui en une brève étreinte.

- Voi dei nemici nostri

A noi date vittoria [1]

- N’aie crainte, mon ami, le rassura Arno, le ciel est de notre côté. Il est toujours du côté des justes. Dans moins d’une heure, puisque Dieu le veut, nous en aurons fini avec tout ça !

 

( à suivre ici)

 



[1] Sur nos ennemis, donnez-nous la victoire : paroles extraites de l’hymne corse.