samedi 5 mai 2012

Les salons parisiens (8)

Chez le prince de Conti, avec le jeune Mozart
Si le monde de la finance, et notamment celui des fermiers généraux, détient la puissance de l'argent, il ne jouit pourtant pas de la considération à laquelle il aspire. Partout dans le royaume, on condamne son avidité, et dans certains cahiers de doléances, on le qualifie même de "sangsue qui ne s'engraisse qu'à force de sucer le sang". 
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'aristocratie parisienne, même désargentée, n'éprouve souvent que du mépris à l'égard de ces parvenus. Car la fortune ne suffit pas pour s'attirer la considération des grands. On reconnaît évidemment à cette haute bourgeoisie des qualités : le travail, la modération, la bienfaisance. Mais d'autres vertus, telles que le courage, la fierté, la grandeur d'âme, demeurent pour beaucoup l'apanage de l'ancienne noblesse. Si les deux élites se côtoient (dans les cercles, à l'Opéra, dans les soupers...), si les financiers acquièrent tout au long du siècle des charges anoblissantes, s'ils arborent souvent les mêmes attributs vestimentaires (l'épée, notamment), il faudra pourtant attendre les années 1780 pour que la société française devienne une société de classes (les riches, les autres) et non plus d'ordres (la noblesse d'épée et de robe, le tiers).
salon de Mme Geoffrin
Jusqu'à la Révolution, on ne joue en fait qu'une comédie d'égalité, comme  le montre l'exemple suivant : lors d'un bal organisé à Versailles en 1739, l'ordonnateur des divertissements constate que la salle ne peut accueillir tous les invités. Il est donc contraint de renvoyer certains d'entre eux. Qui choisit-il ? En premier lieu, les fermiers généraux et leurs épouses...
Les plus avisés des fermiers généraux sont évidemment conscients de cet état de fait puisque Claude Dupin en personne écrit que "l'égalité des conditions serait dans la société source de fainéantise et de misère". Pour autant, ils continuent de mimer le mode de vie aristocratique en achetant d'immenses demeures (la Chevrette, Chenonceau), en y créant des salons souvent prestigieux, en y organisant des fêtes somptueuses, en cultivant les arts et les lettres, en devenant enfin les mécènes des grands auteurs de l'époque.
C'est dans ces salons que vont lentement mais sûrement fusionner les deux mondes, essentiellement par le biais de mariages entre gens de condition et enfants de financiers fortunés.
A la fin de l'ancien régime, sur 80 000 nobles, il n'en reste plus qu'un millier dont les origines remontent à l'ancienne chevalerie. Et conjointement, l'argent en tant que valeur s'est définitivement imposé aux détriment d'anciennes valeurs (désormais désuètes...)  telles que l'honneur et la dignité...

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