Ainsi, à l'instar de tant d'autres, Marion Sigaut n'a pas hésité un seul instant au moment d'enfiler la fameuse tenue jaune et de poser aux abords d'un rond-point en compagnie d'un Gaulois furibond.
Marion Sigaut, historienne du net |
sans vergogne... |
Dans la foulée, elle a enregistré une courte vidéo dans laquelle elle évoque, avec force trémolos dans la voix, le plaisir qu'elle éprouve au spectacle de ce "peuple" qui se soulève enfin ! Jugez-en plutôt.
Son émotion est réelle, cela ne fait point de doute, mais elle semble également sélective. Si le soulèvement populaire de 2018 lui tire les larmes, celui de 1789 ne lui inspire que mépris et horreur...
Selon Marion Sigaut, 1789 n'a jamais été qu'un coup d'état fomenté par les puissances d'argent (cette "bourgeoisie" à laquelle, dans l'esprit de cette dame, n'appartiennent ni le haut clergé ni l'aristocratie...) contre le pouvoir royal.
Recyclant les thèses de Barruel et de De Maistre, elle prétend par ailleurs que le peuple (qu'elle ne définit jamais) aimait son roi, père nourricier du royaume, et qu'il ne réclamait qu'un peu de pain en même temps que "le sauvetage de l'Ancien Régime" (propos extrait d'une précédente intervention).
En somme, conclut-elle, le mouvement insurrectionnel des Gilets jaunes n'aurait rien à voir avec celui qui, à la fin du XVIIIè siècle, a balayé l'Ancien Régime en l'espace de quelques mois.
Et pourtant...
***
Pourtant, on ne saurait trop conseiller à l'historienne de renoncer durant quelques instants à sa grille de lecture pour se pencher sur les textes d'époque, les seuls susceptibles de nous éclairer sur ce que réclamait vraiment ce fameux peuple.
Ces textes, je parle des Cahiers des bailliages rédigés par le Tiers pour les Etats Généraux, présentent en réalité bon nombre de points communs avec les revendications actuelles.
Voyez plutôt.
Concernant le sentiment d'injustice fiscale :
Extrait du Cahier des plaintes,
doléances et remontrances du tiers-état des bailliages de Montargis
"Enfin, que l'impôt sur la propriété sera fixé en raison de
ce qui sera nécessaire pour subvenir aux besoins de l'État, et qu'à cet impôt
seront assujettis les biens de toutes personnes, sans distinction d'état,
naissance et qualité, même ceux des domaines du Roi et des princes"
"Les habitants se plaignent d’être surchargés de taille,
capitation et autres impôts. Les droits sont très nuisibles au commerce du vin,
tant en gros qu’en détail … Le sel, denrée si nécessaire à la vie non seulement
des hommes mais aussi des bestiaux, est porté à un prix excessif."
Concernant la haine des "élites" :
"Pour remplacer tous ces impôts supprimés, le gouvernement
établirait un impôt unique, en nature ou en argent, en y faisant contribuer les
ecclésiastiques et les nobles qui doivent être assujettis comme le Tiers-Etat" (Valençay)
"Les Nobles seuls jouissent de toutes les prérogatives :
richesses, honneurs, pensions, retraites, gouvernements, écoles gratuites.
Ainsi la Noblesse jouit de tout, possède tout ; cependant, si la Noblesse commande
les armées, c’est le Tiers Etat qui les compose ; si la Noblesse verse une
goutte de sang, le Tiers Etat en répand des ruisseaux. La Noblesse vide le
trésor royal, le Tiers Etat le remplit ; enfin le Tiers Etat paie tout et
ne jouit de rien. Il serait souhaitable que les droits des seigneurs fussent
abolis." (Gastines)
" Mandres est un village situé presque au milieu d’une plaine très
fertile en grains et orné de plusieurs coteaux extrêmement fertiles en
vin… mais depuis que Monsieur en a fait sa grande réserve de chasse,
cette plaine ne peut porter aucun grain d’aucune espèce…" (Mandres avait pour seigneur le Comte de Provence, frère du roi...)
Concernant le sentiment d'être oublié par ces mêmes "élites" :
"Que, pour l'avantage et le bien des peuples des campagnes,
on avisera aux moyens de procurer partout des établissements de chirurgiens,
sages-femmes et artistes vétérinaires instruits et occupés exclusivement de ces
professions."
"Que l'on
donnera des soins et prescrira des règles particulières pour les chemins
vicinaux dans les campagnes, en donnant aux municipalités les moyens de
pourvoir à leur réparation et entretien"
(Montargis)
extrait de l'hebdomadaire Marianne (janvier 2019) |
Quoi qu'en dise Marion Sigaut, ces doléances font étrangement écho aux colères du moment : celles des personnes âgées concernant l'augmentation de la CSG, celles des campagnards qui voient disparaître leurs services publics, celles des automobilistes qui se ruinent à la pompe, celles des citoyens français dessaisis de leur souveraineté au profit de Bruxelles...
On pourrait aller plus loin : la posture jupiterienne d'un Macron hors-sol et déconnecté du vrai monde rappelle celle de Louis XV préférant en son temps les terrains de chasse de Versailles et les réjouissances du Parc-aux-Cerfs aux entrées royales de Paris, aux cérémonies des écrouelles et même aux messes de Notre-Dame.
Mais soyons juste avec Marion Sigaut : elle n'est pas la seule, loin de là, à tordre les réalités (présentes ou passées) afin qu'elles entrent dans son cadre idéologique.
J'en veux pour preuve ces deux témoignages, glanés au hasard dans l'hebdomadaire Marianne du 11 janvier.
D'abord celui de la chroniqueuse Natacha Polony : "les révolutionnaires d'antan s'opposaient à une monarchie absolue. Les gilets jaunes se révoltent contre une démocratie". Puis celui de Denis Olivennes, ancien PDG de la FNAC et d'Europe 1 : "la comparaison avec 1789 est d'ailleurs grotesque. 1789, c'était la rébellion des Lumières et de la liberté. Le peuple réclamait la démocratie contre la tyrannie, l'état de droit contre l'arbitraire, la séparation des pouvoirs contre le pouvoir d'un seul. Nous avons tout cela aujourd'hui".
On pourrait aller plus loin : la posture jupiterienne d'un Macron hors-sol et déconnecté du vrai monde rappelle celle de Louis XV préférant en son temps les terrains de chasse de Versailles et les réjouissances du Parc-aux-Cerfs aux entrées royales de Paris, aux cérémonies des écrouelles et même aux messes de Notre-Dame.
Mais soyons juste avec Marion Sigaut : elle n'est pas la seule, loin de là, à tordre les réalités (présentes ou passées) afin qu'elles entrent dans son cadre idéologique.
J'en veux pour preuve ces deux témoignages, glanés au hasard dans l'hebdomadaire Marianne du 11 janvier.
D'abord celui de la chroniqueuse Natacha Polony : "les révolutionnaires d'antan s'opposaient à une monarchie absolue. Les gilets jaunes se révoltent contre une démocratie". Puis celui de Denis Olivennes, ancien PDG de la FNAC et d'Europe 1 : "la comparaison avec 1789 est d'ailleurs grotesque. 1789, c'était la rébellion des Lumières et de la liberté. Le peuple réclamait la démocratie contre la tyrannie, l'état de droit contre l'arbitraire, la séparation des pouvoirs contre le pouvoir d'un seul. Nous avons tout cela aujourd'hui".
NB du 18/1 : les tentatives de récup (suite)
l'humoriste Dieudonné |
Alain Soral, mentor de Marion Sigaut |
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