dimanche 30 juin 2019

Voltaire à la Bastille ! (1)

Le grand public connaît mal le jeune Voltaire, ce courtisan alors âgé d'une vingtaine d'années qui participait (entre 1714 et 1717) aux divertissements de la Cour de Sceaux.
C'est là, sous l'égide de la Duchesse de Maine (dont le mari, enfant bâtard de Louis XIV, avait été écarté du pouvoir), que se réunissent nombre de poétaillons pour broder de mauvais vers sur les torts présumés du Régent.
le duc de Maine (1670-1736)
Ces bons mots sont évidemment destinés à courir le Tout-Paris et à faire ricaner dans les soupers  des grandes maisons. Si la plupart de ces pamphlets laissent les autorités indifférentes, l'un d'eux va bientôt retenir leur attention. En voici quelques extraits :
 
              
 J’ai vu, sous l’habit d’une femme , (Mme de Maintenon)
               Un démon nous donner la loi :
Elle sacrifia son Dieu, sa foi, son âme,
Pour séduire l’esprit d’un trop crédule roi ;
               J’ai vu, dans ce temps redoutable,
Le barbare ennemi de tout le genre humain, (
M. d'Argenson)
Exercer dans Paris, les armes à la main.
               Une police épouvantable ;
               J’ai vu les traitants impunis ;
J’ai vu les gens d’honneur persécutés, bannis ;
J’ai vu même l’erreur en tous lieux triomphante,
La vérité trahie, et la foi chancelante ;
               J’ai vu le lieu saint avili ;
               J’ai vu Port-Royal démoli,
               J’ai vu l’action la plus noire
               Qui puisse jamais arriver ;
  (...)
               J’ai vu l’hypocrite honoré ;
J’ai vu, c’est dire tout, le jésuite adoré ;
        J’ai vu ces maux sous le règne funeste
D’un prince que jadis la colère céleste
Accorda, par vengeance, à nos désirs ardents :
        J’ai vu ces maux, et je n’ai pas vingt ans.

Suspecté d'être l'auteur de ce texte, Voltaire va être confondu (au printemps 1716) par une nouvelle épigramme dans laquelle il ironise sur les relations incestueuses entre le Régent et sa fille la Duchesse de Berry. Cette fois c'en est trop ! D'abord exilé à Tulle, le jeune Arouet doit à l'intervention de son père de voir sa peine commuée et d'aller faire pénitence à Sully-sur-Loire.

 
Nos manuels scolaires aiment à dramatiser ces fameuses "persécutions" subies par les hommes de lettres au XVIIIè. Dans le cas de Voltaire du moins, la réalité est tout autre. Pour faire court, on dira que durant ces quelques mois d'exil, le jeune Arouet fut effectivement persécuté par une certaine Suzanne de Livry, fille du maire, mais qu'il se livra avec délice aux sévices qu'elle lui infligea...
En bon courtisan, il supporte pourtant fort mal cette existence éloignée des dorures et du faste dont il raffole. Multipliant les courriers à destination de ses amis de Sceaux, il tente alors par tous les moyens de rentrer en grâce auprès du Régent, n'hésitant devant aucune flagornerie, comme le montre cette épître adressée au Régent.
 (...)
La suite, sans grand intérêt, est à l'avenant et elle ne fait pas honneur au jeune François. Toujours est-il que ses efforts produisent leur effet et qu'au mois d'octobre 1716, le Régent l'autorise enfin à rentrer à Paris. 

(à suivre ici)

1 commentaire:

  1. Lorsqu'au printemps 1716 Voltaire ironise sur les relations incestueuses du Régent avec sa fille aînée la duchesse de Berry, il sait que cette princesse a accouché fin janvier d'une fille morte après trois jours et dont la rumeur publique attribue la paternité au Régent ou bien avec plus de réalisme aux oeuvres d'un des innombrables amants de la jeune veuve dont la licence sexuelle est notoire. On sait que la «Messaline de Berry » trompait ouvertement son mari. Depuis la mort du duc et la disparition de Louis XIV la voluptueuse amoureuse n’a plus de freins à sa soif de plaisirs charnels. Grande protagonistes des petits soupers et orgies qu’organise le Régent, l’altière petite-fille du Roi-Soleil s’y fait culbuter de manière très démocratique par tout mâle qui lui semble vigoureux, y compris les gardes et valets les plus robustes.

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