mercredi 24 août 2011

Les philosophes au pouvoir (3)

En 1774, la nomination de Turgot avait suscité l'enthousiasme dans le clan des encyclopédistes. 
Mais si l'on en juge au courrier qu'il envoie à son gendre et à sa fille, un homme comme Diderot a surtout songé à l'intérêt qu'il pouvait en tirer : "Il ne méconnaîtra pas ceux qu'il a connus. Voyez-le, voyez-le sans délai et nommez-vous. Je lui ai rappelé l'intérêt qu'il avait pris à vous lorsqu'il était question de vous faire un état. Il ne vous ôtera certainement pas aujourd'hui ce qu'il aurait souhaité pouvoir vous accorder hier."
D'autres, tels que Condorcet, multiplient les requêtes auprès du nouveau ministre : trouver un financement pour une expédition maritime de Bernardin de St-Pierre, distribuer des faveurs et des distinctions aux proches du clan...
Comme on le constate, cet enthousiasme des encyclopédistes est également intéressé...
Mais contrairement à ce que certains peuvent imaginer, Turgot ne se laissera jamais instrumentaliser. Avant tout désireux d'imposer ses réformes (même impopulaires) au plus vite, il ne prendra pas la précaution de ménager ses anciennes amitiés au sein de la secte encyclopédiste. Ainsi, en refusant d'accéder aux demandes pourtant pressantes de Diderot, il s'en fait très rapidement un ennemi.
Jacques Necker
Durant cette période qui aurait dû les voir plus unis que jamais, les encyclopédistes vont surtout achever de se brouiller. Alors que Julie de Lespinasse, d'Alembert, et les habitués de la rue St-Dominique restent favorables à Turgot, d'autres comme Diderot et Grimm se rangent au côté de son principal opposant, une étoile montante dans le domaine politique : le Genevois Necker tient déjà un cercle d'influence à Paris et il attend patiemment son heure en espérant la chute de Turgot.
Quand il sera nommé aux Finances, en 1776, les philosophes approuveront une nouvelle fois l'arrivée aux affaires d'un "ministre-philosophe" (l'expression est de Diderot).
Durant cette période, quels que soient les hommes en place, ils sont souvent proches des milieux fréquentés et investis par les encyclopédistes. Etrangement, ces derniers demeurent pourtant passifs et inactifs lorsqu'il s'agit d'actionner les manettes du pouvoir.  Ainsi, le grand Voltaire se contente de solliciter quelques faveurs pour le pays de Gex : "l'exemption des impôts et du logement des soldats", "que nous ayons à Ferney un poinçon affecté à nos fabriques"... D'autres comme d'Alembert ou Diderot continuent de théoriser alors qu'il faudrait agir.
L'impression qui en ressort est que, durant moment crucial de l'accession au pouvoir, plusieurs de ces hommes ont manqué de hauteur de vue, de force, ou même d'idées...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour commenter cet article...