mardi 20 août 2013

Emilie du Châtelet

-->
 
Emilie du Châtelet
A l'âge de 15 ans, la future Emilie du Châtelet traduisait déjà l'Enéide de Virgile ; deux ans plus tard, elle lisait Locke dans le texte. Passionnée par les sciences, notamment par la physique, elle fera paraître sa première publication en 1738, concourant au prix de l'Académie avec un mémoire sur le feu. Ses Institutions de physique, son Analyse de la philosophie de Leibniz et enfin sa traduction des Principes de Newton auraient dû lui attirer l'estime et la reconnaissance des grands esprits de son temps.
Il n'en fut rien...
Comme le rappelle Elisabeth Badinter dans son Emilie, Emilie ou l'ambition féminine, si le XVIIIè siècle accepte la complémentarité de l'homme et de la femme, la nature de celle-ci lui ordonne avant tout d'enfanter et de materner. Doté de la force physique et du pouvoir de la raison, l'homme se chargera pour sa part des choses de l'esprit...
Tout au plus concède-t-on à la femme le droit de s'adonner aux genres littéraires les plus bas, à savoir le roman ou encore les récréations poétiques.
L'ambition scientifique d'Emilie du Châtelet fut quasi unaniment raillée, comme en témoigne ce portrait qu'en fit la Marquise du Deffand dans un numéro de la Correspondance Littéraire (en 1777) 



"Représentez-vous une femme grande et sèche, sans cul, sans hanches, la poitrine étroite, deux petits tétons arrivant de fort loin, de gros bras, de grosses jambes, des pieds énormes, une très petite tête, le visage aigu, le nez pointu, deux petits yeux vert-de-mer, le teint noir, rouge; échauffé, la bouche plate, les dents clairsemées et extrêmement gâtées. Voilà la figure de la belle Émilie, figure dont elle est si contente qu’elle n’épargne rien pour la faire valoir: frisure, pompons, pierreries, verreries, tout est à profusion; mais, comme elle veut être belle en dépit de la nature, et qu’elle veut être magnifique en dépit de la fortune, elle est souvent obligée de se passer de bas, de chemises, de mouchoirs et autres bagatelles.

Née sans talents, sans mémoire, sans goût, sans imagination, elle s’est faite géomètre pour paraître au-dessus des autres femmes, ne doutant point que la singularité ne donne la supériorité. Le trop d’ardeur pour la représentation lui a cependant un peu nui. Certain ouvrage donné au public sous son nom, et revendiqué par un cuistre, a semé quelques soupçons; on est venu à dire qu’elle étudiait la géométrie pour parvenir à entendre son livre. Sa science est un problème difficile à résoudre. Elle n’en parle que comme Sganarelle parlait latin, devant ceux qui ne le savaient pas. Belle, magnifique, savante, il ne lui manquait plus que d’être princesse; elle l’est devenue, non par la grâce de Dieu, non par la grâce du roi, mais par la sienne. Ce ridicule a passé comme les autres. On la regarde comme une princesse de théâtre, et l’on a presque oublié qu’elle est femme de condition. On dirait que l’existence de la divine Émilie n’est qu’un prestige: elle a tant travaillé à paraître ce qu’elle n’était pas qu’on ne sait plus ce qu’elle est en effet. Ses défauts mêmes ne lui sont peut-être pas naturels, ils pourraient tenir à ses prétentions; son impolitesse et son inconsidération, à l’état de princesse ; sa sécheresse et ses distractions, à celui de savante ; son rire glapissant, ses grimaces et ses contorsions, à celui de jolie femme. Tant de prétentions satisfaites n’auraient cependant pas suffi pour la rendre aussi fameuse qu’elle voulait l’être : il faut, pour être célèbre, être célébrée ; c’est à quoi elle est parvenue en devenant maîtresse déclarée de M. de Voltaire. C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles à venir, et en attendant elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour commenter cet article...