Dès lors qu'ils demeurent dans l'enceinte du temple, les bondieusards et autres bigots ne me dérangent en rien. Dans leur immensité majorité, ils n'aspirent d'ailleurs qu'à pratiquer paisiblement leur foi, et ce sans demander de compte à personne. Laissons cette majorité silencieuse en paix, et intéressons-nous à la minorité agissante, celle qui revient en force sur la place publique pour dénoncer pêle-mêle la République, ses valeurs, ses hommes et ceux qui l'ont inspirée.
Voltaire est une de leurs cibles, sans doute la plus illustre.
Mais pourquoi l'attaquer lui, toujours, et jamais les autres ?
La raison en est simple : l'homme de Ferney est le talon d'Achille du grand corps des Lumières. Car ne nous y trompons pas : derrière lui, ce sont ces mêmes Lumières qu'on veut abattre.
Le titre de l'ouvrage de Xavier Martin, et plus encore son sous-titre, sont révélateurs de cette intention : Voltaire méconnu, aspects cachés de l'humanisme des Lumières. Par un curieux raccourci métonymique, les Lumières se résument ici à Voltaire. Bien conscient des limites de sa démarche, Xavier Martin ne dit d'ailleurs mot de Rousseau, d'Alembert, Diderot ou même Montesquieu : son brulot (au demeurant bien écrit) est un patchwork d'extraits de correspondance ou de pamphlets écrits par le philosophe. Reconnaissons que le portrait est accablant: on y découvre un Voltaire haineux, méprisant, raciste et implacable envers quiconque se met sur son chemin... Et je ne retirerai pas une ligne, pas un mot, de ce que nous rapporte Xavier Martin sur les malveillances de Voltaire. On sait depuis toujours (et on en parle, quoi qu'en dise l'essayiste !) le sort qu'il a réservé aux imprudents qui osaient s'opposer à lui. D'ailleurs, Xavier Martin se moque comme d'une guigne de ces innombrables scélératesses. S'il accable l'homme, c'est avant tout pour discréditer son oeuvre et son action. En bon spécialiste de Voltaire, il sait comment ce dernier a procédé pour annihiler Rousseau : en le qualifiant d'ingrat, de méchant homme, de fou, il a fini par détourner le public de ses écrits.
Xavier Martin |
De fait, ceux qui haïssaient Voltaire il y a 250 ans continuent de le haïr aujourd'hui. Lui davantage que les autres. Si le pardon est une vertu, cette minorité agissante lui préfère la rancoeur et la vengeance.
Mais que lui reproche-t-on vraiment ?
N'en doutez pas, ce sont ses succès dans les affaires Calas, La Barre, et Sirven qui lui valent aujourd'hui un tel traitement. Qu'il ait dénoncé les crimes de ces hommes d'Eglise déguisés en magistrats, ou encore les intentions de ces prélats devenus ministres, qu'il ait contribué à extirper le religieux de l'espace judiciaire et politique, voilà sa faute, celle qu'on ne saurait lui pardonner.
Détruire l'homme Voltaire, c'est le réduire au silence, c'est taire les méfaits de cette minorité agissante. Gageons que si Xavier Martin était nommé ministre de l'éducation, le Dictionnaire philosophique, Candide et la Traité sur la tolérance seraient immédiatement rayés des programmes...
(à suivre ici)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour commenter cet article...