Voici quelques extraits de sa recension.
L’introduction qui s’ouvre sur l’épisode du
pseudo-masque de Robespierre que l’auteur qualifie de « quasi-comique »
nous en donne l’objet. L’on pourrait penser que l’aspect
« quasi-comique » résiderait dans ce montage cousu de fil blanc censé
révéler « la vraie tête » du révolutionnaire. Mais pour l’auteur, c’est
la réaction des défenseurs de l’Incorruptible qui est risible car «…
aujourd’hui comme hier, écrit-il, on peut débattre sans crainte de la
violence de Marat, de la vénalité de Danton ou de la frivolité de la
reine, alors que l’épiderme national demeure sensible dès qu’on l’évoque
(Robespierre) » (p. 1 et 2). Cette « crainte du débat » ne semble pas
très dissuasive au vu du nombre de biographies et articles dépréciatifs
parus sur l’Incorruptible. Par contre, cette « crainte » s’avère
révélatrice du propos de l’auteur dont l’objectif est de libérer la
parole sur Robespierre et, en quelque sorte, de déverrouiller le débat à
son sujet. Le propos du livre consiste donc « à expliquer pourquoi il
est le seul dans ce cas » alors qu’il est, selon Martin, un
révolutionnaire parmi tant d’autres, pas même franchement remarquable
par ses prises de position, ni même le plus attaché aux principes ou le
plus désintéressé.
le visage de Robespierre ? |
A la
sempiternelle question de Marc Bloch «… dites-nous quel fut
Robespierre ? », Martin préfère substituer la suivante « Dites-nous
pourquoi il a été considéré comme un homme différent de ses
contemporains, doté d’une trajectoire unique, incomparable » (p. 10).
Toute la problématique est ici posée : Robespierre n’est pas différent
des autres révolutionnaires et il convient donc de le remettre à sa
juste place. La démarche de l’auteur consistera à s’efforcer de
banaliser l’Incorruptible en tant qu’acteur de la Révolution française,
afin de nier la part d’originalité dans son rôle et dans ses idées.
Quand Martin déclare «… il faut le considérer comme un « acteur » parmi
tous les autres, tâtonnant, échouant, militant ordinaire ou
porte-parole, tribun ou négociateur », nous ne pouvons qu’être d’accord
sur ce postulat d’une évidente banalité, les tâtonnements et les échecs
étant le lot commun de tout un chacun, personnages ordinaires ou
révolutionnaires célèbres. Qui a jamais prétendu que Robespierre, en
plus d’être incorruptible, était infaillible ? Reste à connaître la
méthode adoptée par M. Martin pour mettre en lumière cette banalité. (...)
Ces réserves sur
la méthode étant posées, quelle image de Robespierre ressort de la
lecture de cet ouvrage ? La sélection des « confrontations » et, encore
plus peut-être, les omissions sont forcément révélatrices des sympathies
de l’auteur. Elles mettent en lumière un Robespierre rarement à son
avantage, pendant que, parallèlement, d’autres personnages sont
valorisés. Prenons donc l’exemple de quelques-unes de ces
« confrontations » pour comprendre comment cette image de personnage
falot se construit.
JC Clément |
Un révolutionnaire médiocre et suiviste
Martin décrit un Robespierre médiocre et suiviste dont la réputation
serait surfaite et usurpée : « Comme il le faisait dans ses plaidoiries
et ses discours, et comme il le fera ensuite, il reprend des idées
émises par d’autres et les met en forme – ce que Manon Roland lui
reprochera plus tard. » (p.102), omettant de préciser que Manon Roland a
donné de Robespierre des portraits très élogieux avant qu’il ne
commence à critiquer son mari devenu ministre de l’Intérieur.
Robespierre n’a, semble-t-il, toujours pas changé de méthode dans la
période où il préside avec ses collègues aux destinées de la France,
puisque Martin nous le décrit ainsi au Comité de Salut public
« Robespierre capte les propositions de ses collègues et les fait
siennes » (p. 273). Au moment de la loi de Prairial (10 juin 1794),
J.-C. Martin note que « Jusque-là, il a repris et synthétisé ce qui
avait déjà été proposé, voire expérimenté » (p.280). Démontrer cette
médiocrité de Robespierre semble en fin de compte l’axe central de
l’ouvrage, puisque J.-C. Martin conclut avec ces mots « En dotant
Robespierre et le jacobinisme d’une telle importance et d’une telle
autonomie, les Thermidoriens incitent à confondre l’histoire de la
Révolution avec l’action d’un homme, exaltent sa puissance, gomment ses
défaillances et font oublier la médiocrité de son rôle effectif. » (p.
328). S’il est médiocre et suiviste, d’autres révolutionnaires, par
contre, sont plus ardents et progressistes que lui. Analysons quelques
exemples de comparaisons désavantageuses pour l’Incorruptible.
Un froid défenseur des esclaves noirs
Ainsi, à propos du problème de l’esclavage, si Martin fait ressortir
que Robespierre n’était pas adhérent de la Société des Amis des Noirs
(p. 115), alors que d’autres comme Grégoire, Brissot ou Pétion
l’étaient, et qu’ils « déployaient une activité plus considérable que
lui sur ce sujet », cela est intéressant et nul ne songerait à lui
contester cette affirmation. Encore eut il été opportun de préciser que
cette société militait pour l’abolition de la traite des Noirs, et non
de l’esclavage, jugeant cette dernière insensée, et qu’elle envisageait
de remplacer la traite par « l’élevage » des esclaves. Nous aurions
également aimé lire sous sa plume des précisions sur la réaction dudit
Brissot après l’insurrection des esclaves noirs à Saint-Domingue en
1791. En effet, lorsque les esclaves se révoltèrent, Brissot et ses amis
Girondins les condamnèrent violemment et réclamèrent une répression
exemplaire, ce qui ne fut pas le cas de Robespierre, et dans la foulée
ils mirent la clé sous la porte de la Société des Amis des Noirs (1).
Martin interprète les faits de la manière suivante : « Robespierre ne
dira rien – alors que Brissot s’oppose au courant colonial de la droite
de l’Assemblée et acquiert sa notoriété. » (p. 142) Il y revient plus
loin : « En mars, Brissot avait pourtant réussi à faire accepter par
l’Assemblée, contre toute la droite, l’égalité des droits entre libres
de couleur et Blancs,… » (p. 161) En réalité, les propositions de
Brissot d’accorder l’égalité des droits aux libres de couleur, qui
aboutirent au décret du 4 avril 1792, étaient destinées à réarmer ces
derniers pour activer la répression contre les esclaves insurgés. Mais
l’application de ce décret échappa à cette manipulation et ouvrit un
tout autre processus.
Si nous poussons la comparaison entre Robespierre et la Gironde plus
loin, voici le texte de l’article 17 de la nouvelle constitution proposé
par Condorcet (et les Girondins) sur le droit de propriété : Le droit
de propriété consiste en ce que tout homme est le maître de disposer à
son gré de ses biens, de ses capitaux, de ses revenus et de son
industrie ». Rappelons que les esclaves étaient assimilés à des
« biens ». Quant à Robespierre, il intervint le 24 avril 1793 pour
critiquer la Déclaration arrêtée par l’Assemblée girondine deux jours
plus tôt, qui était destinée à servir de préambule à la nouvelle
constitution. Il contesta notamment une constitution qui «… favorise
ceux qui veulent accroître indéfiniment leurs propriétés au détriment de
la propriété des autres, dont la plus précieuse est la propriété de
soi. ». C’est ainsi qu’il inspira la nouvelle Constitution, et notamment
les articles sur la propriété. Voici le texte de son projet et
notamment les articles III et IV que l’Incorruptible voulait faire
ajouter à la Déclaration des Droits : « III – Il (le droit de propriété)
ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence,
ni à la propriété de nos semblables. IV – Toute possession, tout trafic
qui viole ce principe est illicite et immoral. » Toute possession qui
attente à la liberté d’autrui est donc illicite. L’esclavage n’est-il
pas l’exemple le plus achevé de « possession qui attente à la liberté
d’autrui » ? Ce souci de limiter l’exercice de la propriété n’était pas
nouveau chez lui. Il n’a cessé de dénoncer les abus de la propriété,
notamment au sujet des spéculateurs qui affament le peuple. (...)
Enfin, J.-C. Martin conteste aussi à Robespierre sa célèbre phrase
« Périssent les colonies s’il devait vous en coûter votre bonheur, votre
gloire, votre liberté ». Cette formule (p. 115), prononcée lors des
débats des 12 et 13 mai 1791 autour des droits politiques à accorder ou
non aux « libres de couleur » dans les colonies et contre l’usage du mot
« esclave » dans un texte de loi, lui serait « prêtée » à tort. Elle
aurait « sans doute » été prononcée par Dupont de Nemours avant d’être
consacrée par Desmoulins. Rappelons que l’expression circule depuis que
Jaucourt l’a employée dans l’article « Traite des nègres » de
l’Encyclopédie. Par ailleurs il semble que les journaux de l’époque
n’aient pas remarqué que Dupont de Nemours et Desmoulins aient prononcé
cette formule avant Robespierre, puisque, lorsque la presse commente
cette séance, c’est bien à lui qu’elle attribue ces paroles pour les lui
reprocher. Ainsi Adrien Duquesnoy, rédacteur de l’Ami des Patriotes,
mais aussi député à l’Assemblée constituante, est très sévère dans son
journal envers Robespierre, qu’il trouve « exagéré ». Il écrit : «… je
serais loin de dire avec Mr Robespierre : Périssent nos colonies ! Car
je ne serais pas sans crainte qu’avec elles ne périssent nos richesses
et les forces nécessaires pour maintenir notre liberté » (3). Mais cela
n’empêche pas Martin d’insinuer que Robespierre ne s’est peut-être
rallié à l’abolition de l’esclavage que par tactique, dans un calcul
destiné à affaiblir l’Angleterre ! (p. 257)
Robespierre suiviste sur la question de la guerre
Dans le débat sur la guerre qui s’ouvre à l’automne 1791, J.-C.
Martin voit encore Robespierre recycler les idées d’autres
révolutionnaires. A propos de son opposition à la guerre, Martin se
contente de résumer deux des arguments de Robespierre dans une formule
elliptique puis de faire remarquer que ce sont les mêmes (arguments)
« que Billaud-Varenne répète pendant l’automne et l’hiver 1791-92 » et
conclut par la formule «… cela rappelle son aptitude à capter les idées
qui lui semblent bonnes… » (p. 145), confortant à nouveau le jugement de
suivisme émis par Manon Roland. En réalité, Robespierre ne se contente
pas de reprendre les idées de Billaud-Varenne. Ce qui l’amène à
comprendre que la guerre représente un grand danger pour la Révolution,
ce sont des faits (comme la nomination de Narbonne, un belliciste
notoire, au ministère de la guerre le 7 décembre) et des observations
personnelles sur le trop grand consensus qui existe entre le roi, la
cour, le ministère, La Fayette, et l’assemblée. Son premier argument est
donc la défiance vis-à-vis de l’exécutif, mais, par la suite, il affine
ses arguments qui sont nombreux et très bien développés, ainsi que les
historiens Albert Michon et Marc Belissa l’ont démontré (4).
On pourrait multiplier à l’infini les exemples qui montrent que cette
méthode « comparative » est certes séduisante au premier abord mais
qu’à l’usage elle s’avère trop souvent partielle et partiale.
L’anti-républicanisme de Robespierre : un vieux refrain remis au goût du jour
A propos de l’idée républicaine, suivant la même méthode qui consiste
à comparer les différents acteurs, J.-C. Martin oppose Condorcet,
Robert ou Brissot, comme faisant partie d’un « courant républicain » qui
« cherche à inventer de nouvelles relations politiques entre les
hommes, en s’inspirant du modèle américain » à un Robespierre qui, très
influencé par « la tradition philosophique française », resterait quant à
lui très « antirépublicain » (p. 111) et « refuse toute installation
d’une république » (p. 155). L’auteur recycle là un vieux discours
idéologique, qui prend sa source chez les Thermidoriens, selon lequel
Robespierre était républicain par opportunisme et voulait en fait être
roi, discours qu’Edgar Quinet, en particulier, a popularisé par la suite
(5).
Mais en quoi le fait de s’opposer au veto royal et de réclamer le suffrage universel comme le fait Robespierre – des positions qui pour Robert désignent le républicain – est-il antirépublicain ? Dans son rapport du 17 pluviôse an II, Robespierre résume ainsi sa conception du républicanisme : « l’essence de la république ou de la démocratie est l’égalité, il s’ensuit que l’amour de la patrie embrasse nécessairement l’amour de l’égalité ». On notera que Robespierre emploie indifféremment les termes « république » et « démocratie ». Quelques paragraphes avant cet extrait il précise que la démocratie est le synonyme de la république : « ces deux mots sont synonymes, malgré les abus du langage vulgaire ; car l’aristocratie n’est pas plus la république que la monarchie » (6). Il faisait bien-sûr allusion à l’aristocratie des riches prônée par les Girondins, notamment Brissot et Condorcet. C’est pourquoi on aurait aimé quelques précisions sur le républicanisme de Condorcet longtemps attaché au système censitaire et élitiste avant que ne tourne le vent en 1793. Mais, dès juillet 1792, quand le mouvement populaire, appuyé sur les sections de Paris et les fédérés de province, préparent l’insurrection du 10 août contre le roi, les Girondins renient même cette république élitiste et censitaire à laquelle certains d’entre eux aspiraient, pour soutenir la royauté et « l’ordre » contre ce qu’ils considèrent comme l’anarchie (7).
Mais en quoi le fait de s’opposer au veto royal et de réclamer le suffrage universel comme le fait Robespierre – des positions qui pour Robert désignent le républicain – est-il antirépublicain ? Dans son rapport du 17 pluviôse an II, Robespierre résume ainsi sa conception du républicanisme : « l’essence de la république ou de la démocratie est l’égalité, il s’ensuit que l’amour de la patrie embrasse nécessairement l’amour de l’égalité ». On notera que Robespierre emploie indifféremment les termes « république » et « démocratie ». Quelques paragraphes avant cet extrait il précise que la démocratie est le synonyme de la république : « ces deux mots sont synonymes, malgré les abus du langage vulgaire ; car l’aristocratie n’est pas plus la république que la monarchie » (6). Il faisait bien-sûr allusion à l’aristocratie des riches prônée par les Girondins, notamment Brissot et Condorcet. C’est pourquoi on aurait aimé quelques précisions sur le républicanisme de Condorcet longtemps attaché au système censitaire et élitiste avant que ne tourne le vent en 1793. Mais, dès juillet 1792, quand le mouvement populaire, appuyé sur les sections de Paris et les fédérés de province, préparent l’insurrection du 10 août contre le roi, les Girondins renient même cette république élitiste et censitaire à laquelle certains d’entre eux aspiraient, pour soutenir la royauté et « l’ordre » contre ce qu’ils considèrent comme l’anarchie (7).
Un révolutionnaire coupé du peuple et sans prise sur le cours de la Révolution
J.-C. Martin perpétue la tradition qui veut que Robespierre ait été
coupé du peuple et de ce fait sans prise sur les événements, sans
influence sur le cours de la Révolution. C’est ainsi qu’il affirme que
l’historiographie « le voit plutôt comme un révolutionnaire en chambre
condamné pour avoir perdu tout contact avec la réalité » (p. 294). A
défaut de préciser à quel courant historiographique il se réfère,
l’auteur nous révèle qu’il se reconnaît dans ce courant. Ainsi, à propos
de la préparation de la journée du 10 août 1792, lit-on sous sa plume
que « l’insurrection se prépare, portée par Marat, par Billaud-Varenne,
par Danton, et encore par le brasseur Santerre… » (p. 164), mais que
« Robespierre suit plus qu’il ne précède », qu’il « n’a repris la
proposition radicale de Danton et de Billaud-Varenne contre le roi et
l’Assemblée qu’avec une ou deux semaines de retard » (p. 166), soit le
29 juillet, et qu’à ce moment-là « la dénonciation est aisée et les
faits lui donnent facilement raison ». On lit encore que
« l’insurrection éclate sans que Robespierre y prenne part » (p. 165),
que celui-ci se contente de la « légitimer dans le dernier numéro de son
journal qui paraît le 20 août » (p. 166), soit avec dix jours de
retard ! Un peu plus loin, l’auteur affirme que « Danton a été présent
lors du 10 août » et qu’il y aurait eu un « partage des tâches » :
« Robespierre a légitimé l’insurrection (mais après coup seulement,
ndlr), que Marat a soutenue et que Danton continue d’organiser » (p.
168). Enfin, parce que Robespierre « endosse la responsabilité de toute
la révolution », J.-C. Martin en conclut qu’il « reste dans les marges »
mais « plus que sa place effective dans le processus révolutionnaire,
c’est bien son image qui est ainsi, de nouveau, confirmée. » (p.
181-182). Toute la suite de l’ouvrage conforte cette analyse d’un
personnage qui soigne son image mais reste en marge des événements.
A l’encontre de ces affirmations, citons Albert Mathiez. Celui-ci
note qu’en 1792, Robespierre a influencé clairement par ses discours la
ligne politique et le programme que s’est donné le mouvement populaire
(9). Ainsi, par exemple, dès le 11 juillet, lorsque la patrie fut
déclarée en danger par l’assemblée, il s’écria le soir même aux Jacobins
« En vain, nous faisons de bonnes lois, si le pouvoir exécutif ne les
fait pas exécuter, s’il les entrave par des vétos perfides, si les
administrateurs anonymes conspirent avec la Cour pour tuer la
Constitution par la Constitution… dans des circonstances aussi
critiques, les moyens ordinaires ne suffisent pas. Français,
sauvez-vous ! » De même, c’est lui qui, dès le 18 juillet, rédigea la
pétition réclamant la déchéance du roi que les fédérés présentèrent à
l’Assemblée. Enfin, c’est son discours du 29 juillet aux Jacobins qui
fixa le programme qu’adoptèrent les fédérés et les sectionnaires qui
montèrent à l’assaut des Tuileries le 10 août. Selon Mathiez, « C’est ce
puissant discours de Robespierre qui donna aux futurs insurgés le
programme qu’ils cherchaient ». Rappelons qu’il s’agissait d’un
programme en trois points : la déchéance du roi, l’élection d’une
convention (car Robespierre ne faisait pas plus confiance à l’Assemblée
législative, trop compromise, qu’au roi) et le suffrage universel (car
il soutenait depuis longtemps la suppression de la distinction entre
citoyens actifs et citoyens passifs). Rappelons également que
« l’état-major » de l’insurrection se réunissait chez les Duplay, dans
le logement de son ami Anthoine et que plusieurs amis de Robespierre en
faisaient partie, notamment Simon de Strasbourg et Lazowski. D’ailleurs,
les Girondins Isnard et Brissot ne s’y trompèrent pas, puisqu’ils
menacèrent de dénoncer Anthoine et Robespierre devant l’Assemblée pour
les faire envoyer devant la Haute Cour. Martin constate que Robespierre
est ensuite « délégué par sa section à la Commune insurrectionnelle »
sans se poser la question de savoir si les membres de sa section
l’auraient élu à cette responsabilité s’ils n’avaient eu pleinement
confiance en lui et s’il n’avait participé en rien aux événements.
Quant au rôle de Danton dans l’insurrection, Mathiez a démontré,
documents à l’appui, que « la légende a été créée par Danton lui-même
qui s’attribuera, au tribunal révolutionnaire, pour sauver sa tête, un
rôle qu’il n’a pas joué » et que ce rôle a été « élargi » plus tard par
Alphonse Aulard (10). Notons également que Pétion, loin d’avoir
« appuyé » les sectionnaires qui préparaient l’assaut des Tuileries,
comme le prétend Martin, a tenté par tous les moyens, en tant que maire
de Paris, de faire annuler ou échouer l’insurrection, et qu’il y est
parvenu par trois fois, avant le 10 août, ainsi que le démontre Mathiez
(11).
Un révolutionnaire qui ruine les tactiques nécessaires à la vie démocratique
J.-C. Martin cite très peu de jugements portés sur l’Incorruptible
par ses contemporains. En plus de celui de Manon Roland cité plus haut,
notons le suivant : « Ce petit homme à la folle vanité » (p. 99). Ce
« reproche » (sic) que lui adresse Charles de Lameth est repris à son
compte par Martin pour illustrer son propos selon lequel «… en invoquant
les grands principes, il ruine les tactiques nécessaires à la vie
démocratique ». Rappelons que Robespierre revendique toujours l’égalité
des droits, et notamment le suffrage universel. Ainsi, pour Martin, son
combat pour la démocratie apparaît quelque peu facile et démagogique :
« Il a beau jeu de mettre en lumière l’insuffisance des arguments de ses
adversaires, notamment à propos de l’extension du droit de vote, quand
la majorité de l’Assemblée cherche simplement les compromis nécessaires
pour stabiliser au plus vite les institutions. » (p. 100) Or, c’est
justement pour éviter de « stabiliser les institutions » dans un sens
contraire à la Déclaration des droits – c’est-à-dire à la clé de voûte
des institutions – que Robespierre « ruine les tactiques nécessaires à
la vie démocratique ».
(à suivre ici)
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