mercredi 15 février 2017

Dom Bougre, le portier des chartreux (4)

Dom Bougre, portier des Chartreux est un roman libertin distribué sous le manteau dès 1741.

On l'attribue à l'avocat Jean-Charles Gervaise de Latouche.

Au début du 2nd tome, le narrateur découvre les surprenantes réalités de la vie monacale.


La nièce du père Casimir était brune, vive et petite. Si elle perdait au premier coup d’œil. l’examen la vengeait ; ménageant avec adresse sa gorge, qui n’était plus absolument belle, elle en tirait le meilleur parti. Ses yeux petits, mais noirs, promenaient sur vous ses regards enjoués conduits par la coquetterie la plus raffinée. Elle enchantait par la vivacité et le sel de ses polissonneries. En un mot, c’était tout ce qu’on pouvait souhaiter de plus charmant pour attraper le jour, sans s’apercevoir qu’on a passé la nuit.
Aussitôt que je me vis placé à côté de cette aimable fille, je sentis renouveler ces mouvements confus que j’avais autrefois éprouvés quand le hasard m’avait fait découvrir Toinette et le père Polycarpe. La longue privation du plaisir m’avait formé pour ainsi dire une seconde nature, susceptible d’impressions aussi vives et aussi piquantes ; je recommençai à vivre, parce que je crus que j’allais revivre pour le plaisir. Je regardais ma voisine, dont l’air riant et docile me faisait connaître que mes désirs ne languiraient qu’autant de temps que j’aurais la simplicité de ne pas les expliquer. Je sentis bien que ce n’était pas l’envie de faire la vestale qui la faisait trouver au milieu d’une bande de moines ; mais le bonheur qu’elle semblait m’offrir me paraissait si grand, que j’avais peine à le concevoir ; j’étais tremblant, et, dans la crainte qu’elle m’échappât, à peine aurais-je pu former le dessein de le demander. J’avais la main sur sa cuisse, que je pressais contre la mienne ; je sentis qu’elle me la prenait et la passait par l’ouverture de son jupon ; je connus son dessein, je portai bientôt le doigt où elle le désirait. Le toucher d’un endroit qui m’était interdit depuis longtemps me causa un frémissement de joie qui fut aperçu de la bande, qui me cria : Courage, père Saturnin, vous y voilà. Peut-être me serais-je déconcerté de cette exclamation, si Marianne (c’était le nom de notre déesse) ne m’eût sur-le-champ donné un baiser et déboutonné ma culotte d’une main, tandis qu’elle passait l’autre bras autour de mon cou, et, empoignant mon vit : Ah ! pères, s’écria-t-elle en le leur montrant, en avez-vous de cette beauté-là ? Il se fit un brouhaha d’admiration, et chacun la félicita sur son bonheur prochain. Elle en était enchantée. Alors le père Casimir, imposant silence à la troupe, m’adressa la parole. 


— Père Saturnin, me dit-il, disposez de Marianne ; vous la voyez, dispensez-moi de faire son éloge. Elle est accomplie, elle va vous donner tous les plaisirs imaginables ; mais ces plaisirs sont à une condition. — Quelle est-elle, cette condition ? lui répondis-je ; faut-il vous donner mon sang ? — Non. — Quoi donc ? — Votre cul. — Mon cul ? eh ! que diable en feriez-vous ? — Oh ! c’est mon affaire, répondit-il. L’envie de baiser Marianne fit que je n’insistai pas. Je me mis en devoir de l’enconner, et mon bougre de m’enculer. Un banc nous servit de siège : je m’étendis sur elle, le père sur moi. Quoique Casimir me déchirât le cul, le plaisir que je goûtais avec sa nièce faisait diversion à la douleur. Nous nageâmes bientôt dans les délices. Si quelquefois le plaisir m’arrêtait au milieu du travail, Casimir, réveillant ma valeur, m’animait à faire aussi bien que lui. Ainsi poussé et poussant, les coups de l’oncle allaient retentir dans le con de la nièce, qui, tantôt mourant et ressuscitant, surprenait l’assemblée. Il y avait longtemps déjà que nous avions laissé derrière nous le père Casimir, qui, surpris de l’opiniâtreté du combat, joignit son admiration à celle de la compagnie, qui en attendait l’issue. J’étais surpris que Marianne me tînt tête, à moi qui croyais avoir rassemblé dans ce moment toutes les forces acquises pendant un si long temps. Elle était enragée de ma valeur, elle qui avait désarçonné les plus vigoureux, le foutre et le sang ruisselaient. Déjà nous avions déchargé quatre fois, quand Marianne, fermant l’œil, baissant la tête, attendait sans mouvement que, par une cinquième décharge, je lui donnasse le coup de grâce ; elle le reçut, et, après l’avoir savouré pendant quelques minutes, s’échappa de mes mains et me dit qu’elle se rendait. Fier de ma victoire, je lui versai une rasade, j’en pris autant, et nous scellâmes dans le vin notre réconciliation.

Ce combat fini, chacun se mit à sa place, et Casimir entama l’éloge de la bougrerie. Possédant à fond cette matière, il s’en acquitta bien, il passa en revue tous les bougres célèbres : il y trouva des philosophes, des papes, des empereurs, des cardinaux.
(à suivre ici)

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