Dom Bougre, portier des Chartreux est un roman libertin distribué sous le manteau dès 1741.
On l'attribue à l'avocat Jean-Charles Gervaise de Latouche.
Fils illégitime d'un père Célestin, le narrateur a été recueilli par un jardinier nommé Ambroise et par son épouse Toinette.
(...) Je grandissais insensiblement, toujours cru et me croyant moi-même
fils du jardinier. J’ose dire néanmoins, qu’on me pardonne ce petit
trait de vanité, que mes inclinations décelaient ma naissance. Je ne
sais quelle influence divine opère sur les ouvrages des moines : il
semble que la vertu du froc se communique à tout ce qu’ils touchent,
Toinette en était une preuve. C’était bien la plus fringante femelle
que j’aie jamais vue, et j’en ai vu quelques-unes. Elle était grosse,
mais ragoûtante, de petits yeux noirs, un nez retroussé, vive,
amoureuse, plus parée que ne l’est ordinairement une paysanne. Ç’aurait
été un excellent pis aller pour un honnête homme ; jugez pour des
moines !
Quand la coquine paraissait avec son corset des dimanches, qui lui
serrait une gorge que le hâle avait toujours respectée, et laissait voir
deux tétons qui s’échappaient, ah ! que je sentais bien dans ce moment
que je n’étais pas son fils, ou que j’aurais volontiers passé sur cette
qualité.
J’avais les dispositions toutes monacales. Guidé par le seul
instinct, je ne voyais pas une fille que je ne l’embrassasse, que je ne
lui portasse la main partout où elle voulait bien la laisser aller ; et
quoique je ne susse pas bien positivement ce que j’aurais fait, mon cœur
me disait que j’en aurais fait plus, si l’on ne m’eût arrêté dans mes
transports.
Un jour qu’on me croyait à l’école, j’étais resté dans un petit
réduit où je couchais : une simple cloison le séparait de la chambre
d’Ambroise, dont le lit était justement appuyé contre ; je dormais ; il
faisait une extrême chaleur : c’était dans le cœur de l’été ; je fus
tout à coup réveillé par de violentes secousses que j’entendis donner à
la cloison. Je ne savais que penser de ce bruit ; il redoublait. En
prêtant l’oreille, j’entendis des sons émus et tremblants, des mots sans
suite et mal articulés. « Ah ! doucement, ma chère Toinette, ne va pas
si vite ! Ah ! coquine ! tu me fais mourir de plaisir !… Va vite… Eh !
vite… Ah !… je me meurs !… »
Surpris d’entendre de pareilles exclamations, dont je ne sentais pas
toute l’énergie, je me rassis ; à peine osais-je remuer. Si l’on m’avait
su là, j’avais tout à craindre ; je ne savais quoi penser, j’étais tout
ému. L’inquiétude où j’étais fit bientôt place à la curiosité.
J’entendis de nouveau le même bruit, et je crus distinguer qu’un homme
et Toinette répétaient alternativement les mêmes mots que j’avais déjà
entendus. Même attention de ma part. L’envie de savoir ce qui se passait
dans cette chambre devint à la fin si vive qu’elle étouffa toutes mes
craintes. Je résolus de savoir ce qu’il en était. Je serais, je crois,
volontiers entré dans la chambre d’Ambroise pour voir ce qui s’y
passait, au risque de tout ce qui aurait pu arriver. Je ne fus pas à
cette peine. En cherchant doucement
avec la main si je ne trouverais pas quelque trou à la cloison, j’en
sentis un qui était couvert par une grande image. Je la perçai et me fis
jour. Quel spectacle ! Toinette nue comme la main, étendue sur son lit,
et le père Polycarpe, procureur du couvent, qui était à la maison
depuis quelque temps, nu comme Toinette, faisant… quoi ? ce que
faisaient nos premiers parents, quand Dieu leur eut ordonné de peupler
la terre, mais avec des circonstances moins lubriques.
Cette vue produisit chez moi une surprise mêlée de joie et d’un
sentiment vif et délicieux qu’il m’aurait été impossible d’exprimer. Je
sentais que j’aurais donné tout mon sang pour être à la place du moine.
Que je lui portais d’envie ! que son bonheur me paraissais grand ! Un
feu inconnu se glissait dans mes veines ; j’avais le visage enflammé,
mon cœur palpitait, je retenais mon haleine, et la pique de Vénus, que
je pris à la main, était d’une force et d’une roideur à abattre la
cloison, si j’avais poussé un peu fort. Le père fournit sa carrière, et
en se retirant de dessus Toinette, il la laissa exposée à toute la
vivacité de mes regards. Elle avait les yeux mourants et le visage
couvert du rouge le plus vif. Elle était hors d’haleine ; ses bras
étaient pendants, sa gorge s’élevait et se baissait avec une
précipitation étonnante. Elle serrait de temps en temps le derrière, en
se roidissant et en jetant de grands soupirs. Mes yeux parcouraient avec
une rapidité inconcevable toutes les
parties de son corps ; il n’y en avait pas une sur laquelle mon
imagination ne collât mille baisers de feu. Je suçais ses tétons, son
ventre ; mais l’endroit le plus délicieux, et de dessus lequel mes yeux
ne purent plus s’arracher, quand une fois je les y eus fixés, c’était…
Vous m’entendez. Que cette coquille avait pour moi de charmes ! Ah !
l’aimable coloris ! Quoique couverte d’une petite écume blanche, elle ne
perdait rien à mes yeux de la vivacité de sa couleur. Au plaisir que je
ressentais, je reconnus le centre de la volupté, il
était ombragé d’un poil épais, noir et frisé. Toinette avait les jambes
écartées, il semblait que sa paillardise fût d’accord avec ma curiosité
pour ne me rien laisser à désirer !
Le moine, ayant repris vigueur, vint de nouveau se présenter au
combat ; il se remit sur Toinette, avec une nouvelle ardeur ; mais ses
forces trahirent son courage, et, fatigué de piquer inutilement sa
monture, je le vis retirer l’instrument de la coquille de Toinette,
lâche et baissant la tête. Toinette, dépitée de sa retraite, le prit et
se mit à le secouer ; le moine s’agitait avec fureur et paraissait ne
pouvoir plus supporter le plaisir qu’il ressentait. J’examinais tous
leurs mouvements sans autre guide que la nature, sans autre instruction
que l’exemple, et, curieux de savoir ce qui pouvait occasionner ces
mouvements convulsifs du père, j’en cherchais la cause en moi-même.
J’étais surpris de sentir un plaisir inconnu qui augmentait insensiblement,
et devint enfin si grand que je tombai pâmé sur mon lit. La nature
faisait des efforts incroyables, et toutes les parties de mon corps
semblaient fournir au plaisir de celle que je caressais. Il tomba enfin
de cette liqueur blanche dont j’avais vu une si grande profusion sur les
cuisses de Toinette. Je revins de mon extase, et retournai au trou de
la cloison ; il n’était plus temps : le dernier coup était joué, la
partie était finie. Toinette se rhabillait, le père l’était déjà.
(à suivre ici)
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