Comme je l'expliquais dernièrement, si tant de femmes du XVIIIè siècle ont renoncé à écrire (voir notamment les articles sur Madame Dupin ou Madame du Deffand), d'autres ont bravé les affres du ridicule pour se mêler de sujets réservés aux hommes.
La salonnière et femme de lettres Madame du Boccage fut de celles-là.
Installée à Paris en 1733, elle ouvrit très vite sa maison aux esprits les plus brillants du moment, notamment à Marivaux et Fontenelle. Si ses premiers poèmes furent salués par la critique, elle se hasarda ensuite à écrire une tragédie en vers. Erreur fatale (les Amazones, en 1749), comme le montre ce commentaire peu amène de Grimm : "elle est bonne femme ; elle est riche ; elle pouvait fixer chez elle les gens d'esprit et de bonne compagnie sans les mettre dans l'embarras de lui parler avec peu de sincérité (...) de ses Amazones"
La notice biographique rédigée un siècle plus tard par l'historien Maurice Tourneux n'est guère plus charitable. Jugez-en plutôt...
BOCCAGE (Marie-Anne Le Page,
dame FIQUET du),
femme
de lettres française, (...)
née à Rouen le 22 octobre 1710, morte dans la même
ville le 8 août 1802. Encouragée par un prix que lui décerna
en 1746 l’Académie de Rouen, elle mit au jour en 1748 une imitation
en vers de Milton, sous le titre du Paradis terrestre, et, l’année
suivante, une traduction également versifiée du Temple
de la Renaissance de Pope. En même temps, elle faisait représenter
à la Comédie-Française (août 1749). une tragédie,
les Amazones, qui, sans l’indulgence du public pour le sexe de l’auteur,
dit Raynal, n’aurait pas été achevée ; elle fut jouée
cinq ou six fois.
Aux yeux de ses contemporains, le principal titre de gloire
de Mme du Boccage était un poème en dix chants, intitulé
la Colombiade ou la Foi portée au Nouveau Monde; il lui valut
les honneurs académiques à Lyon, à Rouen, à
Rome, à Bologne et à Padoue. C’est alors qu’elle laissa placer
au-dessous de son portrait gravé cette devise passablement ridicule
: Forma Venus, arte Minerva. Elle a elle-même naïvement
conté, dans une série de lettres adressées à
sa soeur l’accueil qui lui fut fait durant ses voyages et particulièrement
à Ferney, prenant au pied de la lettre, dit Grimm, témoin
oculaire, les pantalonnades de Voltaire, qui la couronna de laurier, «
tout en lui faisant les cornes de l’autre main et tirant sa langue d’une
aune aux yeux de vingt personnes assises à la même table » (voir ci dessous l'extrait de la Correspondance Littéraire).
La
Colombiade est aujourd’hui profondément oubliée, tandis
qu’on lit encore volontiers les Lettres sur l’Angleterre, la Hollande
et l’Italie, adressées à Mme Duperron.
Marie-Anne du Boccage |
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