On connait les propos de Rousseau sur les femmes, notamment ceux tenus dans son Emile concernant les devoirs de Sophie à l'égard de son époux.
On sait également que Louise d'Epinay rendait "l'éducation" et "l'institution" responsables de l'injustice faite aux femmes de son temps.
Découvrons aujourd'hui quelques extraits du surprenant opuscule "Sur les femmes", publié par Diderot en 1772.
***
J’ai vu une femme honnête frissonner d’horreur à l’approche de son
époux ; je l’ai vue se plonger dans le bain, et ne se croire jamais
assez lavée de la souillure du devoir. Cette sorte de répugnance nous
est presque inconnue. Notre organe est plus indulgent. Plusieurs femmes
mourront sans avoir éprouvé l’extrême de la volupté. Cette sensation,
que je regarderai volontiers comme une épilepsie passagère, est rare
pour elles, et ne manque jamais d’arriver quand nous l’appelons. Le
souverain bonheur les fuit entre les bras de l’homme qu’elles adorent.
Nous le trouvons à côté d’une femme complaisante qui nous déplaît. Moins
maîtresses de leurs sens que nous, la récompense en est moins prompte
et moins sûre pour elles. Cent fois leur attente est trompée. Organisées
tout au contraire de nous, le mobile qui sollicite en elles la volupté
est si délicat, et la source en est si éloignée, qu’il n’est pas
extraordinaire qu’elle ne vienne point ou qu’elle s’égare.
***
C’est de l’organe propre à son sexe que partent toutes ses idées
extraordinaires. La femme, hystérique dans la jeunesse, se fait dévote
dans l’âge avancé ; la femme à qui il reste quelque énergie dans l’âge
avancé, était hystérique dans sa jeunesse. Sa tête parle encore le
langage de ses sens lorsqu’ils sont muets.
***
Le moment qui la délivrera du despotisme de ses parents est arrivé ; son imagination
s’ouvre à un avenir plein de chimères ; son cœur nage dans une joie
secrète. Réjouis-toi bien, malheureuse créature ; le temps aurait sans
cesse affaibli la tyrannie que tu quittes ; le temps accroîtra sans
cesse la tyrannie sous laquelle tu vas passer. On lui choisit un époux.
Elle devient mère. L’état de grossesse est pénible presque pour toutes
les femmes. C’est dans les douleurs, au péril de leur vie, aux dépens de
leurs charmes, et souvent au détriment de leur santé, qu’elles donnent
naissance à des enfants. Le premier domicile de l’enfant et les deux
réservoirs de sa nourriture, les organes qui caractérisent le sexe, sont
sujets à deux maladies incurables. Il n’y a peut-être pas de joie
comparable à celle de la mère qui voit son premier-né ; mais ce moment
sera payé bien cher. Le père se soulage du soin des garçons sur un
mercenaire ; la mère demeure chargée de la garde de ses filles. L’âge
avance ; la beauté passe ; arrivent les années de l’abandon, de l’humeur
et de l’ennui. C’est par le malaise que Nature les a disposées à
devenir mères ; c’est par une maladie longue et dangereuse qu’elle leur
ôte le pouvoir de l’être. Qu’est-ce alors qu’une femme ? Négligée de son
époux, délaissée de ses enfants, nulle dans la société, la dévotion est
son unique et dernière ressource. Dans presque toutes les contrées, la
cruauté des lois civiles s’est réunie contre les femmes à la cruauté de
la nature. Elles ont été traitées comme des enfants imbéciles. Nulle
sorte de vexations que, chez les peuples policés, l’homme ne puisse
exercer impunément contre la femme. La seule représaille qui dépende
d’elle est suivie du trouble domestique, et punie d’un mépris plus ou
moins marqué, selon que la nation a plus ou moins de mœurs.
***
Femmes, que je vous plains ! Il n’y avait qu’un dédommagement à vos
maux ; et si j’avais été législateur, peut-être l’eussiez-vous obtenu.
Affranchies de toute servitude, vous auriez été sacrées en quelque
endroit que vous eussiez paru. Quand on écrit des femmes, il faut
tremper sa plume dans l’arc-en-ciel et jeter sur sa ligne la poussière
des ailes du papillon
***
Fixez, avec le plus de justesse et d’impartialité que vous pourrez, les
prérogatives de l’homme et de la femme ; mais n’oubliez pas que, faute
de réflexion et de principes, rien ne pénètre jusqu’à une certaine
profondeur de conviction dans l’entendement des femmes ; que les idées
de justice, de vertu, de vice, de bonté, de méchanceté, nagent à la
superficie de leur âme ; qu’elles ont conservé l’amour-propre et
l’intérêt personnel avec toute l’énergie de nature ; et que, plus
civilisées que nous en dehors, elles sont restées de vraies sauvages en
dedans, toutes machiavélistes, du plus au moins. Le symbole des femmes
en général est celle de l’Apocalypse, sur le front de laquelle il est
écrit : mystère. Où il y a
un mur d’airain pour nous, il n’y a souvent qu’une toile d’araignée
pour elles. On a demandé si les femmes étaient faites pour l’amitié. Il y
a des femmes qui sont hommes, et des hommes qui sont femmes ; et
j’avoue que je ne ferai jamais mon ami d’un homme-femme. Si nous avons
plus de raison que les femmes, elles ont bien plus d’instinct que nous.
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