C’est au cours de l’hiver
1486-1487 (d’abord à Strasbourg puis à Bâle) que parut le Malleus Maleficarum, manuel de démonologie et de sorcellerie
rédigé (c’est du moins ce qu’en retient l’Histoire…) par deux dominicains de triste
mémoire :
Jakob Sprenger et Henry
Institoris.
L’ouvrage répondait à la Bulle Summis desiderantes affectibus (1484)
par laquelle le pape Innocent VIII donnait sa pleine approbation pour relancer
la chasse aux sorcières en Allemagne, et plus particulièrement dans la vallée
du Rhin, où officiaient les deux théologiens susnommés.
le pape Innocent VIII |
Voici quelques extraits de la
Bulle (imparfaitement) traduits pour l’occasion :
En effet, il est venu à
nos oreilles, non sans nous affliger avec une vive tristesse, que dans
certaines parties du nord de l'Allemagne, ainsi que dans les provinces, les
cantons, les territoires, les districts et les diocèses de Mayence, Cologne,
Trèves, Salzbourg et Bremen, beaucoup de personnes des deux sexes, oubliant
leur propre salut et s'éloignant de la foi catholique, se sont abandonnés aux
démons incubes et succubes, et par leurs incantations, leurs sortilèges, leurs
conjurations et autres amours maudits et leurs métiers, leurs énormités et
leurs horribles délits , ont encore tué des enfants dans le ventre de la mère
(…) Ces misérables affligent et tourmentent aussi des hommes et des femmes, des
bêtes de somme, des bêtes de troupe, ainsi que des animaux d'autres sortes,
avec des douleurs terribles et piteuses, et des maladies douloureuses,
intérieures et extérieures ; Ils empêchent les hommes d'accomplir l'acte sexuel
et les femmes de concevoir, d'où les maris ne peuvent pas connaître leurs
femmes ou les femmes recevoir leurs maris; Ils renoncent par blasphème à cette
foi qui leur appartient par le sacrement du baptême, et à l'instigation de
l'ennemi de l'humanité, ils ne reculent pas à commettre et à commettre les plus
abominables abominations et les excès les plus immondes au péril mortel de leur
âme (…)
… nous donnons la
permission auxdits Inquisiteurs (…) de procéder, conformément aux règlements de
l'Inquisition, contre toute personne de quelque rang que ce soit, en
corrigeant, en multipliant, en emprisonnant, en punissant, comme leurs crimes
le méritent, ceux qu'ils ont trouvés coupables. (…). En outre, ils jouiront
d'une pleine et parfaite faculté d'exposer et de prêcher la parole de Dieu aux
fidèles, aussi souvent que l'occasion leur paraîtra et qu'il leur semblera bon
dans chaque église paroissiale desdites provinces et exécuter librement et
légalement les rites ou exécuter les affaires qui peuvent paraître utiles dans
les cas susmentionnés.
Concernant le format in 8
fréquemment adopté pour l’ouvrage, Michelet explique : « Le Malleus qu’on devait porter dans la
poche, fut imprimé généralement dans un format rare alors, le petit in 8. Il
n’eût pas été séant qu’à l’audience, embarrassé, le juge ouvrît sur la table un
in-folio »
Dès lors, munis de ce terrible
ouvrage, les tribunaux civils étaient en mesure de relayer la procédure
inquisitoriale dans l’action contre les prétendues sorcières. Pourtant, la 3è
partie de l’ouvrage pose au préalable la question de la compétence des
tribunaux civils en matière d’inquisition de sorcellerie :
« Notre principale intention dans cet ouvrage est de nous décharger, nous
Inquisiteurs de Germanie supérieure…de l’inquisition des sorcières, laissant
aux juges le soin de les punir. Cela à caude de la difficulté de
l’affaire : mais à la condition qu’il ne soit pas moins pourvu à
l’intégrité de la foi et au salut des âmes »
La chasse était ouverte. Et dans
le prologue de l’ouvrage, le dominicain Sprenger pouvait se
réjouir : « Au milieu de ces
maux, Nous Inquisiteurs, Jacques Sprenger et son cher collègue, délégués par le
Siège Apostolique pour exterminer une hérésie aussi pestilentielle… »
Extermination… Le mot est prononcé.
En lâchant la bride de ces chiens
d’attaque, l’Eglise allait se rendre coupable d’un massacre sans nom, dont je laisse le soin aux
historiens de rapporter les détails sanglants.
Pour ma part, je me contente de
lire l’abominable Malleus Maleficarum (ou Marteau des sorcières).
Les bras m’en
tombent, reconnaissons-le.
Je rapporterai prochainement quelques
passages aux lecteurs capables de supporter de telles horreurs.
(à suivre ici)
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