dimanche 4 mars 2018

Le Malleus Maleficarum (2)

 







A parcourir certains titres de chapitres du Malleus Maleficarum, on devine la nature des frustrations dont souffraient ses auteurs, et plus encore la volonté d’une Eglise en crise d’étendre son influence sur des terres qui lui résistaient.



En effet, l’historien Patrick Marchand nous explique que l’Eglise est en ce temps-là « décidée à en finir avec les croyances païennes. Pour cela, elle relie celles-ci à des pratiques supposées démoniaques et les englobe dans l'appellation de sorcellerie. Dorénavant, le diable est l'incarnation de la bête malfaisante par excellence. Cette reprise en main va ostraciser celui qui vient d'ailleurs, qui est différent. Les personnes affligées d'un handicap physique (boiteux, bègue...), par exemple, sont soupçonnées de sorcellerie, tout comme les femmes seules, vivant au ban de la société. »

« 80 % des procès en sorcellerie ont mis en cause des femmes. Cette cible privilégiée des juges, qui - rappelons-le - sont tous des hommes, prend son origine dans le mythe. Depuis qu'Ève a convaincu Adam de croquer dans la pomme, la femme a été diabolisée. »

 « Un seul témoignage suffisait à envoyer quelqu'un au tribunal. Les médecins étaient alors convoqués pour rechercher les preuves, par exemple les marques de Satan sur le corps de l'accusée. L'idée était que la piqûre pour une sorcière était indolore et ne provoquait aucun saignement. On suppose aujourd'hui que les médecins piquaient sur une cicatrice, endroit justement insensible. Il y avait également l'épreuve de la pesée : si la sorcière affichait un poids plus léger que son apparence le laissait supposer, cela signifiait qu'elle pouvait voler. Et aussi l'épreuve de l'eau : on la jetait pieds et poings liés dans une rivière. Si elle coulait, c'est qu'elle était innocente. Innocente mais morte ! Mais cela ne suffisait pas pour envoyer quelqu'un au bûcher. Il fallait obtenir ses aveux, au besoin sous la torture. Et dans les cas de possession, on se livrait à des séances publiques d'exorcisme, qui attiraient la foule. »




 En somme, les prétendues « sorcières » constituaient les parfaits boucs émissaires de cette nouvelle mission évangélisatrice. Et tous les motifs, même les plus absurdes, étaient bons pour jeter ces femmes (80% des victimes) au bûcher.



Reprenons en main le Malleus et jugez-en par vous-même :



I, question 7 : les sorcières peuvent-elles retourner les esprits des hommes pour l’amour et la haine ?

I, question 8 : les sorcières peuvent-elles empêcher l’acte de la puissance génitale ?

I, question 9 : les sorcières peuvent-elles illusionner jusqu’à faire croire que le membre viril est enlevé ou séparé du corps ?

II, chap. 6 : comment les sorcières savent frapper d’incapacité la puissance génitale.

II, chap 7 : comment les sorcières savent enlever aux hommes le membre viril.

Entrons maintenant dans le détail.

Abordant la question des amours extra conjugales, l’inquisiteur pose la question suivante : « comment discerner que pareil amour désordonné procède non pas du diable mais seulement de la sorcière ? La réponse est qu’il y a plusieurs moyens : d’abord est-ce que l’homme tenté a une femme belle et honnête ? Deuxièmement est-ce que le jugement de la raison est si captif que ni les coups, ni les paroles, ni les gestes ni la honte ne puissent conduire au désistement ? Troisièmement surtout, est-ce qu’il est incapable de se contenir, au point d’être parfois contraint de retrouver l’autre, en dépit de la distance, de la difficulté de la route, soit de jour soit de nuit ? Car comme dit Chrysostome à propos de Matthieu parlant de l’ânesse sur laquelle monta le Christ : quand le démon possède la volonté d’un homme dans le péché, il le traîne quasiment à sa guise là où il lui plaît. »



Un peu plus loin, on découvre avec stupeur que « les sorcières savent frapper d’incapacité la puissance génitale » Voyons de quelle manière.

« De l’intérieur elles le causent de deux manières : premièrement là où directement elles empêchent l’érection du membre nécessaire à l’union féconde (…) deuxièmement quand elles empêchent le flux des essences vitales vers les membres où réside une force motrice, obturant quasiment les conduits séminaux afin que la semence ne descende pas vers les organes générateurs et ne soit pas éjaculée ou soit éjaculée à perte. De l’extérieur elles peuvent procurer l’empêchement tantôt par le moyen d’images ou par la consommation d’herbes, tantôt par d’autres choses extérieures comme des testicules de coq. »

(à suivre)

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