lundi 20 février 2012

Robespierre et Rousseau

Voici un extrait du fameux rapport fait au nom du Comité de salut public, par Maximilien Robespierre, sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, et sur les fêtes nationales. Séance du 18 floréal, l'an second de la République française une et indivisible.   
(18 floréal an II - 7 mai 1794)
Nous verrons quel regard le Montagnard pose sur le clan des Encyclopédistes, mais également sur Rousseau.

Maximilien Robespierre



"Dès longtemps les observateurs éclairés pouvaient apercevoir quelques symptômes de la Révolution actuelle. Tous les événements importants y tendaient ; les causes mêmes des particuliers susceptibles de quelque éclat s'attachaient à une intrigue politique. Les hommes de lettres renommés, en vertu de leur influence sur l'opinion, commençaient à en obtenir quelqu'une dans les affaires. Les plus ambitieux avaient formé dès lors une espèce de coalition qui augmentait leur importance; ils semblaient s'être partagés en deux sectes, dont l'une défendait bêtement le clergé et le despotisme. La plus puissante et la plus illustre était celle qui fut connue sous le nom d'encyclopédistes.
Elle renfermait quelques hommes estimables et un plus grand nombre de charlatans ambitieux. Plusieurs de ces chefs étaient devenus des personnages considérables dans l'État : quiconque ignorerait son influence et sa politique n'aurait pas une idée complète de la préface de notre Révolution. Cette secte, en matière politique, resta toujours au-dessous des droits du peuple : en matière de morale, elle alla beaucoup au-delà de la destruction des préjugés religieux. Ses coryphées déclamaient quelquefois contre le despotisme, et ils étaient pensionnés par les despotes ; ils faisaient tantôt des livres contre la Cour, et tantôt des dédicaces aux rois, des discours pour les courtisans, et des madrigaux pour les courtisanes ; ils étaient fiers dans leurs écrits, et rampants dans les antichambres. Cette secte propagea avec beaucoup de zèle l'opinion du matérialisme qui prévalut parmi les grands et parmi les beaux esprits. (...)
l'exécution de Robespierre (juillet 1794)
Parmi ceux qui, au temps dont je parle, se signalèrent dans la carrière des lettres et de la philosophie, un homme, par l'élévation de son âme et par la grandeur de son caractère (il s'agit de Rousseau...), se montra digne du ministère de précepteur du genre humain. Il attaqua la tyrannie avec franchise ; il parla avec enthousiasme de la divinité ; son éloquence mâle et probe peignit en traits de flamme les charmes de la vertu, elle défendit ses dogmes consolateurs que la raison donne pour appui au cœur humain. La pureté de sa doctrine, puisée dans la nature et dans la haine profonde du vice, autant que son mépris invincible pour les sophistes intrigants qui usurpaient le nom de philosophes lui attira la haine et la persécution de ses rivaux et de ses faux amis. Ah ! s'il avait été témoin de cette révolution dont il fut le précurseur, et qui l'a porté au Panthéon, qui peut douter que son âme généreuse eût embrassé avec transport la cause de la justice et de l'égalité ! Mais qu'ont fait pour elle ses lâches adversaires ? Ils ont combattu la Révolution, dès le moment qu'ils ont craint qu'elle n'élevât le peuple au-dessus de toutes les vanités particulières ; les uns ont employé leur esprit à frelater les principes républicains et à corrompre l'opinion publique ; ils se sont prostitués aux factions, et surtout au parti d'Orléans ; les autres se sont renfermés dans une lâche neutralité. Les hommes de lettres en général se sont déshonorés dans cette Révolution; et à la honte éternelle de l'esprit, la raison du peuple en a fait seule tous les frais."


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