lundi 5 mars 2012

Rousseau vu par Léon de Montesquiou


  Je ne résiste pas au plaisir de vous rendre compte de cette très vieille intervention (1908 !) de Léon de Montesquiou, un militant royaliste et nationaliste qui collabora notamment au mouvement de l'Action Française...

insigne de la Ligue d'Action Française



"Certes, Rousseau n’est pas le seul fauteur de la Révolution. Mais il est le plus grand coupable, car il a employé ses dons d’éloquence à fournir un semblant d’assise philosophique aux passions anarchiques qui fermentaient alors. 
 
Il s’est attaché principalement à propager trois grandes erreurs sociales qui, mises en œuvre, nous mènent à la dissolution.
 
Par son Contrat social, d’abord, il a tenté de légitimer la démocratie. Pour cela il invente un état antérieur à l’état de société qu’il appelle « l’état de nature ». Dans cet état de nature, déclare-t-il, l’individu possédait des droits. Ces droits, chacun, en constituant la société, a la volonté manifeste non de les abandonner, mais au contraire de les consolider par le moyen de la loi. Mais pour cela il faut que la loi représente la volonté de chaque individu. De là la nécessité, la sainteté dirais-je même, du suffrage universel.
 
Ici se présente, il est vrai, une difficulté. Suffrage universel ne peut que signifier, aussi parfaite qu’on suppose la théorie, que volonté de la majorité. La loi n’exprime donc pas la volonté de chaque individu. Rousseau résout cette difficulté par un acte de foi dans la majorité. La majorité ne peut se tromper. Ce qu’elle décrète est le bien, le beau, le vrai. Et si moi, minorité, je vais à l’encontre, je m’égare sur ce que je veux moi-même. Car profondément moi aussi je veux le bien, le beau, le vrai. Or la majorité m’offre tout cela.
 
Si j’avais la place de rapporter ici les paroles de Rousseau, on verrait que je n’exagère en rien le sophisme.
 
* * *
 
La deuxième grande erreur propagée par Rousseau est que l’homme livré à ses impulsions naturelles sait trouver par lui-même le droit chemin. « La conscience ne trompe jamais, déclare-t-il. Qui la suit obéit à la nature et ne craint point de s’égarer. »
 
S’il en est ainsi, plus de gouvernement spirituel, plus d’église. Nous n’avons pas à être enseignés, à être façonnés. A chacun à laisser parler son dieu intérieur, à se laisser diriger par lui. Théorie éminemment anarchique qui, prise par Kant à Rousseau, et développée et systématisée par lui, est venue jusqu’à nous, et fait le fond de notre philosophie morale officielle.
 
* * *
 
Enfin troisième grande erreur, dans laquelle Rousseau s’est principalement complu, c’est celle sur la bonté naturelle de l’homme et sur sa corruption dont la société est seule coupable. « La nature a fait l’homme heureux et bon, la société le déprave et le fait misérable. » Voilà la théorie résumée par Rousseau lui-même.
 
Une telle théorie nous incite à nous défier de ce qui nous est transmis par la société, à rejeter  donc toute tradition. Que dis-je ! Puisque la société est si malfaisante, réjouissons-nous de sa ruine, travaillons à l’anarchie.
 
Anarchie politique, anarchie spirituelle, rejet de toute tradition, destruction de tout gouvernement spirituel, en fait de l’Eglise catholique, enfin, faute de mieux, – car l’anarchie, « l’état de nature », sans doute serait préférable, mais peut-être ne nous est-il plus possible d’y retourner, – donc, faute de mieux, régime démocratique, voilà ce que nous propose Rousseau.
 
Et quel fut-il ce propagateur de tous les plus mauvais principes révolutionnaires ? A la fin de son étude désormais classique, M. Jules Lemaître le qualifie ainsi : « un étranger, un perpétuel malade, et finalement un fou".
 
Léon de MONTESQUIOU.
 
(Action Française, 23 octobre 1908.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour commenter cet article...