vendredi 6 avril 2012

Les Confessions (10) : autoportrait

La volonté de se décrire et de se définir est omniprésente dans l'oeuvre autobiographique de Rousseau. Prenons l'exemple de l'autoportrait du livre III des Confessions. Il débute par un bel effet d'oxymore : "Deux choses presque inalliables s'unissent en moi...". D'emblée, et comme dans le préambule, Rousseau se présente comme un être d'exception. D'une part, les passions sont "vives", le tempérament est "ardent" ; d'autre part, les idées sont "lentes à naître" et "embarrassées". Quelques lignes plus bas, il est question de "vivacité de sentir" mais également de "lenteur de penser".
portrait de Ramsay
Si elle révèle un être hors-normes, cette opposition vient également redorer le blason du Rousseau mondain, de ce Diogène plus maladroit que cynique. Chez les habitués des cercles parisiens, le Genevois a laissé l'image d'un orateur médiocre, souvent balourd, incapable d'improviser et de soutenir une conversation brillante. Quinze ans plus tard (entre 1765 et 1770), l'auteur cherche à corriger le regard du public. Ne vous fondez pas sur les apparences, nous dit-il dans ce passage, mes qualités sont réelles mais indécelables en public. Il insiste sur ce dernier point, évoquant plus loin son "tact", sa "finesse" et sa "pénétration".  Jean-Jacques voudrait être "reconnu pour ce qu'il vaut", nous dit Starobinski dans La Transparence et l'Obstacle. En public, il ne "parvient pas à paraître ce que son sentiment lui assure qu'il est." 
Peut-être faudrait-il également rappeler qu'à cette même période (après 1765), les philosophes ont diffusé avec succès l'image d'un Rousseau charlatan, d'un sophiste capable d'épouser n'importe quelle idée, pour peu qu'elle le distingue. Sa pensée lui aurait même été soufflée par Diderot, en cette journée lointaine où le Genevois lui rendait visite à Vincennes !
On comprend mieux, dès lors, l'acharnement de Rousseau à vouloir prouver son authenticité et ses qualités, fussent-elles cachées au premier abord. Autant dans les Confessions que dans les Rêveries, cette volonté apparaît même obsessionnelle. Parmi toutes les souffrances qu'il évoque longuement dans son oeuvre autobiographique, celle-ci reste pourtant tue. "Le sentiment intérieur de sa valeur ne lui suffit pas", conclut Starobinski dans son essai , "sa valeur n'existe pour lui que si elle lui est confirmée par l'admiration d'autrui."

2 commentaires:

  1. Bonjour, pourriez vous me dire si il s'agit d'Andrew Michael Ramsay sur le portrait? Et où peut-on trouver ce portrait? Merci beaucoup

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  2. Non ! Il s'agit d'un portrait de Rousseau ! Et le peintre n'est pas le chevalier de Ramsay mais Allan Ramsay !

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