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A lire les gazettes de l'époque (1757-1758), on est effaré du sentiment de haine qui anime les camps en présence. Avec son pamphlet des Cacouacs, Moreau a envoyé une première salve, expliquant que son ouvrage est "un de ceux qui (lui) ont valu, dans la suite, les bontés de Mgr le Dauphin."
Dans le feu nourri qui va suivre, les assaillants sont souvent guidés par les mêmes vues : attaquer les philosophes, c'est avant tout un moyen de bien se faire voir des Jésuites, proches du Dauphin et de la reine, ou encore des Jansénistes, qui ont la main mise sur le Parlement.
Catéchisme et décisions de cas de conscience à l'usage des Cacouacs (abbé Giry de Saint-Cyr, 1758), Oracle des Cacouacs (abbé Guyon, 1760), Remerciement d'un particulier à Messieurs les philosophes du jour (Rémond de Saint-Sauveur, 1759), font partie de ces innombrables (et souvent médiocres) libelles destinés à alimenter cette campagne de déstabilisation.
La sortie de De l'esprit (juillet 1758), de Claude-Adrien Helvétius, va fournir aux dévots l'occasion inespérée de porter le coup de grâce à l'ennemi commun. Dans cet ouvrage, l'ancien fermier général dénonce notamment l'archaïsme des structures sociales de l'ancien régime et plaide en faveur d'une laïcisation de l'enseignement. Dans la Correspondance Littéraire de l'été 1758, Diderot manifeste son enthousiasme auprès des lecteurs : "Tout considéré, c'est un furieux coup de massue porté sur les préjugés en tout genre. Cet ouvrage sera donc utile aux hommes."
Grave erreur ! Dès l'automne, le déchaînement est général. Helvétius doit immédiatement se rétracter et faire amende honorable.
Au cours de son réquisitoire (25 janvier 1759), l'avocat général Joseph Omer Joly de Fleury va plus loin, affirmant qu'Helvétius est le bras armé et visible d'"une secte de prétendus philosophes."
L'acte d'accusation qui va suivre est implacable :
A lire les gazettes de l'époque (1757-1758), on est effaré du sentiment de haine qui anime les camps en présence. Avec son pamphlet des Cacouacs, Moreau a envoyé une première salve, expliquant que son ouvrage est "un de ceux qui (lui) ont valu, dans la suite, les bontés de Mgr le Dauphin."
Dans le feu nourri qui va suivre, les assaillants sont souvent guidés par les mêmes vues : attaquer les philosophes, c'est avant tout un moyen de bien se faire voir des Jésuites, proches du Dauphin et de la reine, ou encore des Jansénistes, qui ont la main mise sur le Parlement.
Catéchisme et décisions de cas de conscience à l'usage des Cacouacs (abbé Giry de Saint-Cyr, 1758), Oracle des Cacouacs (abbé Guyon, 1760), Remerciement d'un particulier à Messieurs les philosophes du jour (Rémond de Saint-Sauveur, 1759), font partie de ces innombrables (et souvent médiocres) libelles destinés à alimenter cette campagne de déstabilisation.
Helvétius |
La sortie de De l'esprit (juillet 1758), de Claude-Adrien Helvétius, va fournir aux dévots l'occasion inespérée de porter le coup de grâce à l'ennemi commun. Dans cet ouvrage, l'ancien fermier général dénonce notamment l'archaïsme des structures sociales de l'ancien régime et plaide en faveur d'une laïcisation de l'enseignement. Dans la Correspondance Littéraire de l'été 1758, Diderot manifeste son enthousiasme auprès des lecteurs : "Tout considéré, c'est un furieux coup de massue porté sur les préjugés en tout genre. Cet ouvrage sera donc utile aux hommes."
Grave erreur ! Dès l'automne, le déchaînement est général. Helvétius doit immédiatement se rétracter et faire amende honorable.
Au cours de son réquisitoire (25 janvier 1759), l'avocat général Joseph Omer Joly de Fleury va plus loin, affirmant qu'Helvétius est le bras armé et visible d'"une secte de prétendus philosophes."
Omer Joly de Fleury, avocat général au Parlement |
L'acte d'accusation qui va suivre est implacable :
« La société, l'Etat et la
religion se présentent aujourd'hui au tribunal de la justice pour lui porter
leurs plaintes. Leurs droits sont violés, leurs lois sont méconnues, l'impiété
qui marche le front levé paraît, en les offensant, promettre l'impunité à la
licence qui s'accrédite de jour en jour.
L'humanité frémit, le citoyen est
alarmé; on entend de tous côtés les ministres de l'Eglise gémir à la vue de
tant d'ouvrages que l'on ne peut affecter de répandre et de multiplier que pour
ébranler, s'il était possible, les fondements de notre religion.
Il suffirait d'être homme et
citoyen pour être sensible à tous ces maux ; mais vous, Messieurs , magistrats
et chrétiens, défenseurs des lois et protecteurs de la religion, de quel œil
regarderez-vous des tentatives aussi téméraires?....
Qu'il est triste pour nous de
penser au jugement que la postérité portera de notre siècle en parlant de ces
ouvrages qu'il produit.
Telle est la philosophie des faux
savants de notre siècle. Ils se donnent gratuitement le nom d'esprits forts, et
appellent lumière ce qui n'est que ténèbres.
Comment des hommes que l'on croit
si profonds et d'un génie si distingué des autres, ignorent-ils jusqu'à la
définition de l'esprit fort? Qui établit en effet la véritable force de
l'esprit? ne sont-ce pas les principes, les témoignages, les autorités sur
lesquelles il se fonde, les vertus que lui mérite le bon usage qu'il fait des
lumières que lui accorde le Dieu qui est le Seigneur de toutes les
sciences"! (…)
Eh ! quel mal leur a fait celte religion sainte pour
exciter leur fureur? Si ses dogmes, ses cérémonies et sa morale les offensent,
s'ils ne peuvent en être les disciples, pourquoi troubler l'Etat et vouloir
disputer aux autres la liberté de suivre les maximes de la catholicité ?
Ils déchirent le sein de l'Eglise
qui Ies a adoptés pour ses enfants ; comme si l'Etat était coupable à leurs
yeux, parce qu'il est chrétien, ils conjurent la perte de l’un et de l'autre,
et cherchent à les saper par les fondements. (…)
Des hommes qui abusent du nom de
philosophe pour se déclarer par leurs systèmes les ennemis de la société, de
l'État et de la religion, sont sans doute des écrivains qui méritent que la
Cour exerce contre eux toute la sévérité de la puissance que le prince lui
confie (…)
Vos prédécesseurs, Messieurs, ont
condamné aux supplices les plus affreux, comme criminels du lèse-majesté
divine, des auteurs qui avaient composé des vers contre l'honneur de Dieu, son
Eglise et l'honnêteté publique (…)
La Cour rend son arrêt le 6 février. L'ouvrage d'Helvétius sera lacéré et brûlé au pied du grand escalier du Palais. Quant à l'Encyclopédie, les sept volumes déjà publiés seront révisés par une commission de théologiens et d'avocats.
Un mois plus tard, après intervention du parti de la reine, le Conseil du Roi rend un nouvel arrêt qui révoque le privilège accordé à l'Encyclopédie en 1746. Concrètement, plus aucun libraire n'a le droit de vendre l'un des 7 volumes déjà parus.
En somme, l'aventure encyclopédique s'arrête là...
(à suivre)
La Cour rend son arrêt le 6 février. L'ouvrage d'Helvétius sera lacéré et brûlé au pied du grand escalier du Palais. Quant à l'Encyclopédie, les sept volumes déjà publiés seront révisés par une commission de théologiens et d'avocats.
Un mois plus tard, après intervention du parti de la reine, le Conseil du Roi rend un nouvel arrêt qui révoque le privilège accordé à l'Encyclopédie en 1746. Concrètement, plus aucun libraire n'a le droit de vendre l'un des 7 volumes déjà parus.
En somme, l'aventure encyclopédique s'arrête là...
(à suivre)
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