mardi 27 janvier 2015

Marion Sigaut et le « combat contre l’obscurantisme »

         

Dans cette intervention plus que passionnée, Marion Sigaut revient une fois encore sur la condamnation à mort du chevalier de La Barre, s'en prenant cette fois aux enseignants ("vous avez fini de mentir comme ça ?" vitupère-t-elle) en même temps qu'à Voltaire ("menteur pathologique").
Concernant ce dernier, évidemment, on donnera raison à la polémiste. Dans tous ses opuscules, pamphlets et autres libelles, Voltaire n'a cessé, sa vie durant, de mentir. Comme l'ont montré plusieurs de ses biographes, il a d'ailleurs toujours usé et abusé du mensonge pour arriver à ses fins.
Faut-il pour autant le lui reprocher ? 

Avant d'en décider, rappelons tout d'abord qu'il n'est intervenu dans cette affaire judiciaire (comme dans celles de Calas et Sirven) que parce qu'elle servait son objectif véritable : à savoir laïciser la justice comme on l'a déjà expliqué ici. Pourtant, me direz-vous, Marion Sigaut nous explique avec force qu"'il n'y avait aucune interférence entre l'institution ecclésiastique et l'institution judiciaire...que cela soit dit". Vraiment ? Pourtant, un brin candide, elle se contredit deux minutes plus tard en précisant que lors de la triste affaire d'Abbeville, Mgr de la Motte a fait placarder son monitoire "sur ordre de la justice", menaçant par la même occasion les habitants de la ville de "damnation éternelle" s'ils ne venaient pas déposer... Notre historienne devrait de toute évidence prendre un peu de hauteur (à la manière du micromegas de Voltaire...) et comprendre qu'au lieu de définir précisément leurs compétences, l'ordonnance de 1670 laissait aux juges le pouvoir de décider ce qui tombait sous le coup de la loi. De fait, jusqu'en 1789, nos tribunaux ont continué de punir l'hérésie, le blasphème, le sacrilège, l'adultère, la fornication, en l'occurrence des crimes spirituels...
Le chevalier de la Barre est mort de cette confusion... 
Mort décapité pour un délit (s'il l'a commis ?) qui aurait mérité un bon coup de pied aux fesses...
Tout le combat de Voltaire en matière de justice se trouve dans ce simple constat...  
A titre personnel, je crois donc qu'on peut pardonner au patriarche de Ferney les effets rhétoriques, les approximations et les mensonges dont il était si friand dans son combat contre cet obscurantisme-là.  Et quitte à se montrer charitable, on conseillera par la même occasion à Marion Sigaut de lire et de s'interroger sur l'Esprit des lois, ouvrage dans lequel Montesquieu avance cette célèbre définition : "les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses"...

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