lundi 26 janvier 2015

Daniel Roche - A propos des Lumières

 Spécialiste de l'Ancien Régime, Daniel Roche est professeur honoraire au Collège de France. Auteur de nombreux et passionnants ouvrages sur le XVIIIè siècle (voir ci-dessous), il nous livre ici un témoignage tout en nuances sur le mouvement des Lumières.
Daniel Roche


Pourquoi insistez-vous sur les aspects économiques et sociaux des Lumières ?

Les Lumières ne constituent pas un mouvement d'idées homogène qui aurait abouti à la Révolution Française. Il s'agit là d'une vision rétrospective qui ne correspond en rien à la réalité historique. Entre 1650 et 1789, on ne trouve aucun mouvement d'idées cohérent, ni en Europe, ni en France ni ailleurs. Les Lumières sont un  mouvement hétérogène où des idées diverses circulent (...)

Mais qui a accès alors aux idées philosophiques ?

Une minorité, même si le XVIIIè siècle, pour des raisons d'abord liées à la Réforme et à la Contre-Réforme, a favorisé l'alphabétisation et la scolarisation. Les domestiques - pas tous - commencent à savoir lire. Quant aux classes dirigeantes, elles fréquentent les collèges et les universités. Mais il ne faut pas oublier que la finalité des universités, au XVIIIè siècle, est de produire des juges, des curés, des médecins, et au-delà des philosophes, mais certainement pas d'abord des philosophes ! (...) Il en va de même des idées politiques : grâce aux journaux, aux brochures, aux chansons et aux gravures, elles pénètrent profondément le tissu social.

Jusqu'au petit peuple ? Le mouvement des Lumières était-il essentiellement bourgeois ?

La recherche a montré qu'il n'y avait pas de coïncidence sociale : les Lumières ne concernent pas une classe en particulier. Certes, une classe éclairée va se constituer aux XVIIè et XVIIIè siècles, mais en puisant en grande partie dans le clergé, dans la noblesse, dans les représentants de la bourgeoisie, souvent à l'exclusion des milieux du commerce et du profit. Si bourgeoisie des Lumières il y a, elle est plutôt un mouvement de juristes, de médecins, mais ce n'est pas, à quelques exceptions près, une bourgeoisie de capitalistes.

(extraits d'une interview accordée au Point - mars/avril 2010)




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