lundi 22 octobre 2018

La Révolution et le 4è ordre (1)

Ingénieur en chef de la ville de Paris en 1789, Dufourny de Villiers conçoit le projet d'un journal destiné à faire reconnaître par les députés aux Etats-Généraux les droits du quatrième ordre, c'est-à-dire « des infortunés, des infirmes, des indigents »,  
« des journaliers », « des salariés abandonnés de la société », « contraints par la misère à donner tout leur temps, toutes leurs forces, leur santé même pour un salaire qui représente à peine le pain nécessaire pour leur nourriture ». Cette publication généreuse intitulée Cahiers du quatrième ordre paraît le 25 avril 1789. Elle n'aura qu'un seul numéro.
En voici quelques extraits. 

 ***

La force des anciens usages n’a pas permis de faire pour cette convocation tout ce qu’on fera peut-être pour l’une des suivantes. Il a paru nécessaire de distinguer encore les Membres de la Nation par Ordres ; et le nombre de ces Ordres a été, selon l’usage, limité à trois.
Mais est-il nécessaire de distribuer la Nation par Ordres ?
Et ces trois Ordres renferment-ils exactement toute la Nation ?
Peut-être cette distribution sera-t-elle abolie ; il faut l’espérer ; et si elle ne l’est pas, il faut faire un quatrième Ordre. Il faut, enfin, que, dans l’un et l’autre cas, la portion de la Nation qui est appelée par son droit naturel, et qui cependant n’est pas convoquée, soit représentée.
La Nation s’assemble pour discuter et fonder des droits généraux qui seront érigés en Lois constitutionnelles, et des droits particuliers ou privilégiés qui seront attaqués et défendus. Elle s’assemble pour régler les impôts et leur répartition. Les puissants et les riches paraissent seuls intéressés à ces discussions, qui cependant décident inévitablement du sort des faibles et des pauvres. (...)

Il est évident que cette distribution quelque conforme qu'elle soit à l'équité, au meilleur ordre moral, est tellement opposée à l'état actuel de la Société, qu'elle est impraticable ; mais il est évident aussi que toute résolution fur la répartition de l'impôt sera d'autant plus juste, d'autant plus salutaire, qu'elle tendra au même résultat,

1-Décharger les Pauvres. 
2-Imposer les Riches proportionnellement à leurs facultés. 
Cette première condition soulager et décharger les pauvres, doit être inévitablement remplie dans tous les cas, quelle que soit la convocation, quelle que soit la formation des Etats-Généraux, quelle que soit la distribution des Ordres et même quelles que soient leurs délibérations car lorsque la raison et l'équité ne suffisent pas, il est une force morale irrésistible qui opère les révolutions, celle de la nécessité.(...)
où se trouvent les "bourgeois" ?
S'il est démontré, s'il est évident d'ailleurs que le puissant et le riche ont moins besoin de la Société que le pauvre, que c'est pour le faible, le pauvre et l'infirme, que la Société s'est formée et que c'est enfin une des causes fondamentales du pacte de Société que de préserver tous ses individus de la faim de la misère et de la mort qui les suit ; je ne demanderai pas feulement pourquoi il y a tant de malheureux mais pourquoi ils ne font pas considérés chez nous comme des hommes, comme des frères, comme des Français. Pourquoi cette classe immense de journaliers, de salariés, de gens non gagés, sur lesquels portent toutes les révolutions physiques, toutes les révolutions politiques, cette classe qui a tant de représentations à faire, les seuls qu'on pût peut-être appeler du nom trop véritable, mais avilissant et proscrit, de doléances, est-elle rejetée du sein de la nation ?  Pourquoi elle n'a pas de Représentants propres ? Pourquoi cet Ordre qui, aux yeux de la grandeur et de l'opulence, n'est que le dernier, le quatrième des Ordres, mais qui, aux yeux de l'humanité, aux yeux de la vertu comme aux yeux de la Religion, est le premier des Ordres, l'Ordre sacré des Infortunés ; pourquoi, dis-je, cet ordre, qui n'ayant rien paye plus, proportionnellement, que tous les autres, est le seul qui, conformément aux anciens usages tyranniques des siècles ignorants et barbares, ne soit pas appelé à l'Assemblée Nationale, et envers lequel le mépris est, j'ose le dire, égal à l'injustice ?
(à suivre ici)

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