mardi 23 avril 2019

Mgr de Noailles et la Bulle Unigenitus (3)



L'obstination de Noailles achève de faire enrager le roi ; en juillet 1714, il s'écrie devant le cardinal de Polignac : "sans être théologien, je vois par tout ce qu'on m'a dit ce matin, que le cardinal de Noailles est un hérétique".
Et de réclamer à ce même Noailles un nouveau projet d'instruction pastorale qui, cette fois, accepterait la bulle Unigenitus sans conditions. L'ultimatum est fixé au 18 octobre, le roi précisant : "ce jour-là même je veux l'envoyer à Rome. Sinon je sais ce que j'ai à faire."
Noailles va s'exécuter mais sans pour autant effectuer toutes les corrections qu'on exigeait de lui.
Prenons le journal d'Antoine Dorsanne, grand vicaire de Paris, et découvrons la réaction du roi à la lecture de cette nouvelle instruction parvenue à Fontainebleau le 17 octobre : " sa majesté a déclaré qu'elle n'était pas surprise et qu'elle avait toujours dit que le cardinal de Noailles les tromperait ; qu'il n'en avait point été la dupe, y ayant quinze ans qu'il le connaissait ; qu'il ne voulait plus entendre parler de cette affaire et qu'il prendrait les mesures qui lui conviendraient."
Une version corroborée par le journal de Dangeau :
"Noailles a envoyé son mandement... On prétend qu'il n'est pas entièrement conforme à ce dont on était convenu"

 ***
Le Tellier, jésuite confesseur du roi

Même si un cardinal ne se juge pas comme n’importe quel quidam, la décision est néanmoins prise de châtier le récalcitrant. Plusieurs solutions sont dès lors envisagées : soit un procès à Rome (Noailles ayant prêté serment entre les mains du pape), soit un procès en France en présence de légats dépêchés par le pape, soit un concile national. Le diplomate Amelot, envoyé par Louis XIV à Rome, explique à la Curie que le concile national constitue "l’unique moyen de procéder contre les rebelles […] que l’on ne trouverait pas dans tout le Clergé de France trois évêques qui voulussent se charger de faire hors le concile le procès au cardinal, que c’était le moyen le plus canonique et le plus capable de faire revenir les esprits qui sont extrêmement irrités". Il s'agit donc de faire le procès du cardinal selon les formes romaines, mais sans pour autant que cela paraisse un abus de pouvoir aux évêques de France. 
Malgré les efforts d'Amelot, le pape envoie deux nouveaux brefs à Versailles et exige qu'on dénaturalise et décardinalise Noailles avant de le faire comparaître à Rome.  Informé de ce contenu, Noailles répond au chancelier Voysin :  
mars 1715
D'après les mémoires de Saint-Simon, le jésuite Le Tellier conçoit alors un plan des plus retors : enlever Noailles, le transférer de force à Rome pour le faire comparaître devant le pape. Par chance, l'insensé projet du confesseur du roi n'aboutira pas.

Mémoires de Saint-Simon

Mais alors, comment faire céder Noailles ? A l'été 1715, le Père Timothée appelle une nouvelle fois Rome à l'aide:


"Vive notre saint archevêque"... La popularité de Noailles est devenue telle qu'on comprend aisément l'état de panique dans lequel se trouvent alors les molinistes.

(à suivre ici)

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