dimanche 5 mai 2019

Mgr de Noailles et la Bulle Unigenitus (4)


 
Ne sachant comment sortir de cette crise, Louis XIV propose alors à Rome de réunir les évêques français en concile national (début septembre). Conseillé par son âme damnée Le Tellier, il envisage en fait de déposer l'archevêque de Noailles et dans le même temps imposer aux autres opposants l'acceptation de la Bulle. Informé de ce projet, le premier président du Parlement (accompagné du procureur général d’Aguesseau) lui répond avec une certaine hardiesse : « Nous craignons que votre Majesté n’empiète un peu sur l’autorité de l’Eglise ».

Dans l’ombre, mais toujours prompt à distiller son venin à l’oreille du souverain, le confesseur Le Tellier le presse alors de se rendre à Paris et de tenir un lit de justice pour casser définitivement l’opposition du Parlement.

Le jésuite Le Tellier

S'il n'était soudain tombé malade (en août), Louis aurait sans doute continué de suivre les funestes conseils du parti moliniste, ce dernier ayant par ailleurs obtenu le soutien de Mme de Maintenon contre Noailles. Mais son état s'est aggravé, le voilà alité, et il n'est désormais plus question pour lui de se déplacer à Paris. A l'article de la mort, le roi manifeste même des regrets à l'égard de l'archevêque de Paris : « Vraiment je serais bien aise de le voir, et je suis fâché de mourir brouillé avec lui » (ce que rapporte l’abbé Dorsanne dans son Journal).

Inquiets de ce que pourrait donner cette rencontre, Le Tellier et sa nouvelle alliée Mme de Maintenon s’emploient aussitôt à rédiger un courrier destiné à Noailles, lui expliquant que « sa Majesté le reverrait avec plaisir et qu’elle recevrait même une consolation particulière de mourir entre les bras de son archevêque ». 
La proposition étant évidemment assortie d’une condition : qu’il se soumette à la Constitution Unigenitus...

La réponse de Noailles sera très digne :

« Dieu seul connaît jusqu’où va ma douleur de ne pouvoir rendre mes derniers devoirs au roi… La triste conjecture où je me trouve ne change rien à l’affaire qui m’a attiré la disgrâce du roi et ne me permet pas de faire présentement ce que j’ai cru ne pouvoir faire en conscience lorsque sa Majesté était en pleine santé » .
J'imagine qu'il est inutile de préciser quel écho donnera Le Tellier à cette décision. A Versailles, l'évêque de Chalons ira jusqu'à s'écrier : "puisque le Cardinal n'a pas voulu voir le roi, nous devrions tous aujourd'hui former la résolution de ne voir jamais ce Cardinal"

Pour sa part, soupçonnant sans doute la duplicité de Rohan et de Le Tellier, le roi leur aurait dit peu avant de mourir : « Je suis de la meilleure foi du monde ; si vous m’avez trompé, vous êtes bien coupables : car je ne cherche que le bien de l’Eglise ». Les deux hommes, faut-il le préciser, jureront leurs grands dieux qu’ils ont été les plus loyaux des serviteurs de sa Majesté... Et dans le même temps, l’infâme Le Tellier parvient in extremis à se faire désigner confesseur du jeune Dauphin, futur Louis XV…
Quatre jours plus tard, le 1er septembre au matin, Louis XIV meurt, laissant l'Eglise de France au bord du schisme. Il revient donc au Régent Philippe d'Orléans d'assumer cet héritage et surtout de trouver enfin une issue au conflit...

(à suivre ici
 
la mort du roi

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